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Après une longue grasse matinée
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Tandis que Lysandre s'occupe de dégager ce qu'il peut du passage, il voit la femme s'occuper de renforcer le tout pour que ça évite de lui tomber dessus ou que ça s'écroule tout simplement pour de bon. Le brun passe son avant bras sur sa joue pour retirer de la poussière collée là par la sueur de l'effort, et il tousse un peu avant d'entendre la réponse à sa demande de lumière. Il hausse un sourcil, surpris d'entendre... C'est quoi, du français ? Il a l'impression de comprendre sans comprendre. Bizarre. Il espère juste que c'est juste rien d'important alors qu'il entend ses pas s'éloigner. Lui s'occupe déjà de repérer quels débris déplacer en premier avec le peu de lumière qu'il a actuellement.
Ça devrait le faire. C'est surtout inquiétant de rien entendre de l'autre côté, pour l'instant.

Il essaie d'écouter, d'appeler parfois, mais rien. Ou s'il y a quelque chose, c'est trop léger pour que son esprit encore bourdonnant du tremblement de terre n'arrive à le capter. Finalement, les pas reviennent à l'extérieur et il s'étonne de voir le champignon éclairer presque trop bien. Ça existait avant, ça ? L'explication lui fait hocher la tête et répondre, rapidement.

- C'est nickel, merci. Et nan, aucune réponse. Mais ça doit pas s'être écroulé, il est peut-être juste assommé ou en état de choc...

Dit-il alors que des bruits finissent par se faire entendre. Il se redresse un peu, et prend sur sa force pour commencer à déplacer quelques roches un peu lourdes qu'il fait passer par la première ouverture. Bientôt, il voit cette brillance de l'autre côté dont sa partenaire lui a parlé.

- J'vois le tunnel.

Il tousse encore lorsqu'un déplacement fait remonter un nuage de poussière de l'intérieur. Il a soif. Ça attendra. Une dernière pierre et voilà une bonne fenêtre vers la ruche quoiqu'il soit encore impossible de passer. Lys sursaute lorsqu'une tête de droïde apparaît. Ah. Ca doit être... Articia ou Uta ? Un truc comme ça.
Lys penche la tête, il aurait préféré voir un visage humain, très clairement. Les robots et autres trucs du genre lui avaient toujours foutus les jetons à l'idée qu'ils se retournent contre l'humanité. Trop de films, ça.

Un nouveau soupir, et il finit avec l'aide du droïde de dégager un passage assez grand. Là, il vérifie la stabilité des lieux. Passé ce point, de larges racines au dessus empêchent le tunnel de s'effondrer à moins d'une nouvelle secousse. De la terre est tombée du plafond mais le passage est totalement utilisable. Parfait.

- Seth ?

Cette fois, il entend une réponse. Une sorte de grognement très humain, le genre « aidez moi j'ai mal ».

- T'as entendu ça ? Demande-t-il en tournant la tête vers la femme. Je vais voir son état.

S'il n'était pas médecin, il avait de très bonnes bases en premiers secours de part son ancien rôle. Vérifiant quand même où il mettait les pieds, il se hâta de rejoindre le blessé, allongé dans la ruche. Il a une vilaine blessure à la tête, mais rien qui ne semble très inquiétant au premier regard. Lys pose un genou à terre pour venir glisser sa main près de la chevelure de l'homme et l'écarter pour observer avec plus d'attention.

- Viens voir.

Près du corps à moitié inconscient, un autre droïde semble presque veiller et Lysandre voit ça comme un questionnement sur ce que l'humain fait allongé par terre. Il hausse une épaule et regarde la femme, calme et essayant de raisonner de façon logique.

- La blessure a pas l'air si moche, mais il a pris un sacré coup. S'il est dans cet état y'a possiblement un traumatisme. Une idée ?

Parce que maintenant, les urgences, ça existe plus. Pas de joli hôpital avec une infirmière surchargée pour leur dire que l'attente sera de minimum sept heures. Et pour le coup, les trucs à la tête, Lysandre sait pas gérer. Il sait faire les coupures, les brûlures, tous ces trucs là. Pas... ça. Pas sans moyens.
Lysandre
❦ Feuille de châtaignier
Lysandre
Lysandre
Mer 8 Mar - 21:01
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Le silence de Seth devient plus inquiétant. Kat ne peut plus se dire qu’il est au fond de la Ruche, à chercher un autre passage… Pas pendant si longtemps, pas alors que quelques temps avant il cherchait avec tant d’angoisse à entendre sa voix pour se rassurer. La bretonne retire son foulard de ses cheveux pour le placer sur son nez et sa bouche, se protégeant un peu de la poussière. Elle suit son allié à l’intérieur du tunnel une fois celui-ci dégagé. Elle le laisse partir devant et s’arrête devant Arctia pour vérifier l’état du droïde. Elle lui parle dans un mélange de français et de galo, comme elle en a pris l’habitude depuis qu’elle vit seule après le passage de Roz.

– Je prendrai le temps de nettoyer tes rotules un peu plus tard, d’accord ? Que ça se remplisse pas de poussière.

Pas de réponse bien sûr ; la communication ne va globalement que dans un sens, Arctia n’ayant pas les mêmes capacités que Mako pour s’exprimer. Elle se contente de se déplacer plus en avant, vers Seth qui est allongé par terre, Uto veillant à ses côtés, visiblement intact. Les yeux de la vieille ne sont pas aussi bons que celui de l’homme qui s’improvise infirmier ; alors elle place le champignon lumineux à côté du visage de son compagnon de Ruche pour y voir plus clair. Elle grimace. Les blessures à la tête sont toujours si dures à évaluer. Il a dû se prendre une pierre, s’est mis à saigner sans s’en rendre compte sous le coup de l’adrénaline, puis a dû tomber suite à des vertiges ou autres. Kat tapote gentiment ses joues.

– Seth, réponds-moi. Serre ma main si tu peux.

La main de Seth reste flasque dans la sienne ; il n’est plus conscient. Il respire toujours, au moins un signe rassurant. Kat ferme les yeux. Elle était si heureuse qu’un de ses compagnons de ruche se réveille, de savoir qu’elle allait pouvoir sociabiliser au quotidien à nouveau, rencontrer, partager, rire. Et lui ! Se réveiller dans un nouveau monde et ne même pas avoir le temps de sentir le soleil sur sa peau. Non, ça ne peut pas se terminer comme ça. Il doit vivre. Mais vu que l’autre personne lui demande son avis, c’est qu’il ne s’y connaît pas plus. Bien sûr ils ont tous reçu des cours de premiers soins, mais clairement, ça ne suffirait pas toujours, et ça ne suffirait pas aujourd’hui. Aujourd’hui. Ça ne suffirait pas AUJOURD’HUI. Kat inspire d’un coup, se relevant un peu, une idée oui, elle en a une :

– Les capsules de cryonie sont programmées pour surveiller les signes vitaux et maintenir le corps en bonne santé. On peut nettoyer la plaie et le reconnecter à sa capsule. Comme ça nous auront des informations sur son état et il pourra rester cryogénisé en attendant de…

Petit instant de panique alors que Kat se rend compte que le temps d’attente risque d’être long. En attendant que quelqu’un de plus doué passe par ici et soit capable de le soigner ? Alors que visiblement les capsules ont merdé et ne s’ouvrent pas toutes et pas toutes en même temps ? Que le monde est grand, qu’en un mois elle a croisé deux personnes et que personne ne sait ce qu’il s’est passé ici ? Ou en attendant d’apprendre, en espérant qu’il y ait un ouvrage sur les soins intensifs dans la « Bibliothèque de l’Humanité » et qu’il ne tombe pas en lambeaux entre ses mains ? En attendant que le corps se soigne tout seul ? En attendant de trouver du matériel dans les restes d’un hôpital perdu au milieu de nulle part ?

Kat sait vivre dans la nature, elle a fait de la randonnée toute sa vie, même quand c’est devenu déconseillé puis interdit suite aux nombreux accidents à cause des conditions climatiques de plus en plus dangereuses, parce qu’elle savait ce qu’elle faisait, elle pouvait se le permettre. Mais ce n’est pas la même chose de partir quelques jours puis de revenir au confort de son chez soi, de partir quand on est en bonne santé mais d’avoir un hôpital pas loin quand on ne l’est pas, de savoir trouver à manger mais de pouvoir prendre une pilule nutritionnelle industrielle quand on a la flemme. Elle s’en sort bien depuis son réveil : mais ça se passe bien, depuis son réveil. Ici, maintenant, c’est tous les jours, qu’il n’y a plus d’hôpitaux. Et ça veut dire que si un jour elle se blesse comme vient de le faire Seth, c’est grave. Alors qu’avant les remèdes étaient multiples à portée de main.

– ...trouver une solution.

Elle n’a pas mieux. Ça prendra du temps, de remettre en place des infrastructures qui leur permettent facilement de stocker de la nourriture, de s’abriter correctement, de se protéger de la pluie, de pouvoir se soigner. Sans compter que s’ils ne veulent pas foncer dans le même mur que leurs ancêtres (doit-elle dire ancêtres ou contemporains ?), il va leur falloir imaginer d’autres façons de le faire, plus respectueuses de leur environnement. La tâche paraît monumentale et elle a déjà soixante-dix ans. Vivement qu’elle passe le flambeau.

Uto et Arctia se placent de chaque côté de Seth et font mine de le soulever. Kat se reconcentre. Les droïdes ont pour rôle de protéger les ruches coûte que coûte. S’ils se mettent en mouvement, c’est sûrement que son plan rentre dans leur logique. Peut-être même qu’ils pourront se charger de trouver de l’aide grâce à l’arantèle. Il faut qu’elle ait confiance. En ce qui a été mis en place, en ces robots qui les protègent depuis des siècles, en ce compagnon d’infortune qui est comme tombé du ciel pour venir les aider.

Seth s’en sortira. Elle doit y croire.
Katell
⚘ Bouquet d'orties
Katell
Katell
Lun 13 Mar - 9:39
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La vieille femme rejoint vite Lysandre qui laisse maintenant son regard passer d'elle à Seth, encore allongé au sol. Des idées lui viennent pour arrêter le saignement mais rien pour le coup qu'il a pris. Le mal est déjà fait. Lorsque sa partenaire de fortune reprend la parole, le brun l'écoute avec intérêt et hoche vivement la tête. L'idée est bonne, franchement bonne. Reste à savoir comment on reconnecte quelqu'un à un de ces trucs. Elle semble quand même... pas mal perturbée, vu le temps qu'elle prend à finir sa phrase, et Lys la regarde avec un peu d'inquiétude. C'est peut-être parce qu'elle est âgée, mais il ressent plus de compassion pour elle que pour bien d'autres qu'il ait pu croiser. Remettre Seth dans ces espèces de tombeaux glaciaires, c'était la couper d'un ami, sûrement. La solitude ne plaisait pas à tout le monde.

- Ça va le faire. Si ça se trouve il n'a pas grand chose et la capsule le libérera dès que la plaie sera fermée.

Il en sait rien en vrai. Peut-être que les capsules font rien d'autre que conserver. Il a jamais été très doué avec la façon dont marchent les technologies, et celle-ci encore moins. Quand il était enfant ça existait que dans les histoires fantastiques et les films. Et pourtant.

Le brun se redresse et regarde la plaie plus en détail en profitant de la lumière. Il songe un instant à la désinfecter avec l'ail violet qu'il a trouvé il y a peu, mais au fond... si Seth est remis en cryonie, ça ne sert à rien d'user ses réserves. Le froid tue tout, à priori. Par contre, nettoyer la plaie est un minimum ne serait-ce que pour le bien être de ce gars quand il se réveillerait à nouveau. Un minimum de respect, plutôt que je le jeter là-dedans.

- Je reviens, faut que je prenne de quoi faire dans mon sac.

Il retourne vers l'entrée créée et s'assure au passage que tout est stable. Ça en a l'air. Faut juste pas que ça tremble encore une fois. Le brun se glisse par les deux ouvertures jusqu'à revenir à l'extérieur et s'accroupir près de son sac. Là, il fouille pour sortir sa gourde ainsi qu'un des bouts de tissu qu'il conserve pour faire office de chiffon, serviette et... compresse, dans ce cas là. La façon dont il a eu ces tissus est... certainement discutable, oui.
En plus de deux ans à vagabonder et à chercher la vie, il aura aussi trouvé la mort. Quelques personnes moins chanceuses. Deux, en fait. Une qui était encore en... relativement bon état. Trop pour que Lys ne se sente de profaner le corps en fouillant directement dessus, mais il s'était servi dans le sac à dos laissé à côté et y récupérer ce qui était utile. Et puis un autre corps, bien plus vieux. Il ne restait presque qu'un squelette -bien abimé par les charognards qui avaient emporté quelques os- mais les vêtements étaient encore là.

C'était peut-être totalement immoral, mais le tissu était bien trop précieux. L'humanité avait besoin de survivre, pas de conserver l'honneur des morts. Ça viendrai quand ils seront mieux organisés.

Gourde et tissu en main, Lys se redresse et s'apprête retourner dans la ruche lorsqu'un éclair argenté lui attire l'oeil. Encore ? Tournant la tête, il a le temps d'apercevoir quelque chose voleter près d'un buisson. Ça brille au soleil et il entend un très léger bruit malgré la distance. Drôle d'insecte. Il hausse une épaule et se hâte de rejoindre la vieille femme ainsi que l'inconscient. Là, il s'accroupit à nouveau et humidifie le linge propre qu'il vient tapoter sur le sang pour le retirer. La blessure dessous n'est pas si moche, franchement, mais ça n'empêche pas que le choc ait pu être violent.

- Ok, il vient de quelle capsule, celle-là ?

Il désigne celle des deux qui lui semble la plus « récente », puisqu'il a l'impression de sentir encore un courant d'air froid en venir. Ou alors c'est son imagination, va savoir. Le brun laisse le tissu ensanglanté au sol et s'installe pour pouvoir venir soulever le blessé avec attention. Les manœuvres du genre, ça il sait faire.
Bientôt, Seth est à nouveau placé dans sa capsule et Lys referme l'ouverture. Reste à relancer ça. Comment ? Il recule d'un pas pour laisser la place à sa partenaire, des fois qu'elle sache mieux que lui.

- Tu sais comment ça marche ?

Ou alors ça va se relancer tout seul, comme un truc d'urgence prévu par ceux qu'avaient créé ces capsules ? En tout cas, Lysandre n'éprouve plus d'inquiétude au sujet de Seth. A ses yeux, il est hors de danger là-dedans. Peut-être un biais venant du fait que ces choses aient pu les maintenir en vie pendant des siècles. C'était un exploit. Comment ça pouvait ne pas fonctionner pour soigner quelque chose, hein ?
Lysandre
❦ Feuille de châtaignier
Lysandre
Lysandre
Sam 18 Mar - 11:16
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– Moi non, mais eux oui, répond Kat avec fatigue.

Et en effet Uto et Arctia s’activent, appuient sur des boutons, replacent des perfusions. Kat se décale pour ne pas gêner leurs mouvements. La voix mécanique qu’elle a entendu à son réveil se fait entendre à nouveau, les noyant sous un flot d’informations au fil des manipulations des droïdes.

«Activation de la capsule de [Seth].
Reconnaissance validée.
Connexion effectuée.
Scan en cours…
État non-concordant avec les derniers bilans.
Scan approfondi en cours...
Scan terminé : Blessure à la tête identifiée. Survie en autonomie compromise. Cryonie conseillée.
Activer cryonie [y/n]
Cryonie activée.
Température actuelle : 37°.
Température actuelle : 35°.
Durée restante du processus : inconnue.
Température actuelle… »


– Laissons les machines tourner, nous ne pouvons rien faire de plus.

Katell attrape son sac : il lui paraît maintenant plus prudent de garder ses affaires avec elle, elle peut si facilement en être séparée. Puis elle se met en marche d’un coup : elle a besoin d’être dehors, besoin de voir le soleil, besoin de s’éloigner de cette antre qui a failli devenir leur tombeau. Et au fil de sa marche, la colère gonfle à chaque pas. Contre ces gouvernements qui ne leur ont rien expliqué, parce que ce n’est pas leur rôle de comprendre comment fonctionnent les machines, leur rôle c’est de jouer à la survie à l’extérieur. Puis quand elle atteint l’extérieur en question, qu’elle arrive enfin à poser un œil sur un droïde-colibri pris par surprise par son apparition soudaine, la colère gonfle encore d’un cran. Cette ruche a tenu des siècles contre les éléments, alors même que les séismes s’enchaînaient, que les plaques tectoniques se séparaient, que les océans s’engouffraient là où avant il n’y avait que de la terre. Ce séisme-là était d’une toute autre magnitude, et en voyant les droïdes, elle saute à la conclusion peut-être erronée que ça aussi, c’est leur faute. Que c’est eux qui ont induit un tremblement de terre pour faire apparaître ces petits pollinisateurs, peut-être par peur que les végétaux auraient à peine survécu une fois l’humain disparu. Et que c’est donc leur faute que Seth n’ait même pas eu une chance de découvrir son environnement. Quels imbéciles ! Les participants au projet Perséphone auraient tous dû être prévenus. Avoir un maximum d’informations possible pour faire face.

Si elle croise ceux qui auront su payer leur propre capsule de survie, elle leur partagera tout le fond de sa pensée.

En attendant, la plupart ont déjà quitté ce monde et sa colère part dans le vide. Elle voudrait se calmer, mais partout où elle pose le regard elle voit les dégâts laissés par l’événement : ses réserves de nourriture et de plantes séchées éparpillées par terre sur le sol humide, son urne brisée, le four à poterie écroulé.

– Un mois de travail et tout est déjà à recommencer. J’espère qu’ils en valent la peine, les colibris.

Mais pour l’instant elle s’assit sur une pierre. Elle a bien mérité un moment de répit avant de se mettre au travail. Elle boit quelques gorgées d'eau de sa gourde puis lève les yeux vers l’horvenu, le remerciant enfin.

– Merci pour ton aide. Ça aurait été beaucoup plus compliqué de gérer tout ça sans toi. Même si j’aurais préféré que ce soit une rencontre plus paisible à trois autour d’un thé… Moi c’est Kat. Bretonne de génération 2 nouvellement réveillée. Et toi…

Elle l’observe attentivement.

– Toi, tu parcours la jungle depuis longtemps.

Et c’est rassurant, d’une certaine façon. Ça veut dire que d’autres ruches fonctionnent et que le monde est assez viable pour y vadrouiller pendant des mois ou des années. Mais il est seul et nomade et il lui manque un oeil, et ça, c’est pas un aussi bon signe. Elle doute sincèrement qu'il puisse être l'éclaireur d'un groupe.

– T’as croisé du monde ? Est-ce qu’il y a déjà des endroits où la vie collective s’est un peu organisée ?
Katell
⚘ Bouquet d'orties
Katell
Katell
Dim 19 Mar - 9:18
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Bientôt, voilà Seth à nouveau dans cette prison de glace qu'ils avaient tous connus pendant qui sait combien de temps. Lysandre l'observe un moment alors qu'il sent la vieille femme s'éloigner. Il était vite parti de sa capsule lorsqu'il s'était éveillé et n'avait pas pris le temps d'observer comment tout ça était fait. Il avait pu trouver des ruches vidées ou détruites entre temps, mais pas quelqu'un en cryonie comme ça. Voir un corps dans cette stase, au milieu du métal froid, ça a quelque chose de dérangeant qui remue un peu l'ancien militaire. Il finit par secouer la tête et suivre les pas de sa partenaire de fortune pour retrouver le soleil et la nature bien plus accueillante. Le brun la trouve en train de s'installer sur une pierre après un regard vers son camp dévasté et il approche d'elle pour écouter ses remerciements.
Il hoche simplement la tête et s'assoit au sol. Le coup d'adrénaline passé, la fatigue de sa nuit passée en alerte commence à remonter. Bah, il va faire avec, tant pis. Il y a encore des choses à gérer.

- Lysandre, mais Lys' c'est très bien. Français aussi, à moitié. C'est normal d'avoir aidé, t'inquiètes.

Il s'amuse d'entendre parler de la Bretagne. La fameuse image du drapeau noir et blanc qui flotte même de l'autre côté du monde. En attendant, il est content de tomber sur une française. Ca fait comme un petit rappel qu'il y a eut un avant que son conscient s'amuse parfois à lui effacer de l'esprit vu le temps qu'il a passé seul. Il le sait très bien, il n'a pas de problèmes de mémoire, c'est juste... il ne se focus pas dessus.
D'ailleurs, Kat lui montre bien que son physique a été marqué par tout ça. Il hoche la tête de nouveau et sort sa gourde de son sac pour boire un peu avant de répondre.

- Ouais, pas loin de trois ans je crois. Je suis de gen' 1, on m'a pris parce que j'ai déjà vécu de la vraie survie avant tout ça. Le genre paumé en pleine jungle.

Lys hausse une épaule ; il n'est pas vraiment frimeur -ou moins qu'avant en tout cas- mais expliquer ce qu'il fait là lui semble utile pour faire connaissance.

- Je préfère bouger et chercher du monde que me faire un camp. C'est pas un mal hein, juste qu'au début j'avais pas envie d'être une proie facile pour un prédateur et maintenant j'ai juste l'habitude. J'ai pas trouvé de coin avec de la vie collective nan, par contre j'ai croisé que des gens qui en souhaiterait une. Ça va finir par se faire, faut juste se rassembler.

Et puis lui-même aimerait bien se poser au moins en partie. Un camp stable, mais une vie qui s'en éloigne parfois pour explorer, trouver d'autres survivants, ou simplement pour récupérer quelques ressources. Kat n'a peut-être elle-même vu personne depuis sa sortie de cryonie, à part ce fameux Seth. Lys lève son regard vers elle et demande donc.

-E t toi ? Du monde ? A part...  Il désigne la ruche du menton. Tu es réveillée depuis combien de temps ? Prend le pas mal mais... ton âge me surprend. C'est pas un mal hein, mais du coup tu dois avoir de sacrées capacités pour avoir été sélectionnée. C'est impressionnant.

Oui, parce qu'après tout le but ici est de créer une nouvelle vie humaine, de repeupler, de maintenir une nouvelle humanité dans ce monde... Pourvu qu'elle ne prenne pas mal sa curiosité.
Son regard se tourne vers le camp, cette fois. Tout est dévasté, mais ça donne une idée de ce qu'elle avait pu construire. Lys prendra soin de l'aider à remettre à peu près tout en ordre. Son œil est attiré par un nouvel éclat métallique, qu'il suit cette fois avant de réaliser qu'il s'agit de... quoi, un insecte ? Nan, un oiseau plutôt. Genre colibri. En métal. C'est quoi ça encore ? Il fronce les sourcils et le désigne à Kat.

- J'ai jamais vu ça avant aujourd'hui.

Ca lui plait pas. C'est quoi la suite ? Des castors robots pour la terraformation ? Sûrement une idée tordue des scientifiques qui avaient mis en place tout ça. Ils avaient cryonisé deux vagues d'humains à priori. Après tout, pourquoi cryoniser des animaux et pas plutôt créer des machines, hein ? Il aime pas ça. Les machines c'est mieux sans conscience. Même quand ça aide, comme les deux qui avaient aidé à remettre Seth dans son sommeil.
Lysandre
❦ Feuille de châtaignier
Lysandre
Lysandre
Jeu 6 Avr - 12:35
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Kat tique quand Lys’ annonce être français aussi. Elle n’est pas française, elle est bretonne. Et même si le territoire breton n’existe plus, elle reste bretonne : elle a sa propre culture, elle danse des pilées menues, elle transmet les chants traditionnels, elle parle sa langue. Elle tique donc à nouveau – léger froncement de sourcils incontrôlable – quand il continue à lui répondre en anglais. Elle n’a tellement pas envie que la richesse des langues disparaisse avec la fin du capitalisme et de l’humanité à échelle mondiale. Alors elle répond en galo, sa langue à elle. En plus, c’est plus facile et plus reposant.

– Vé, je ses un vieu snaod. [Oui, je suis un vieux machin]

Elle rit de son auto-dérision. Le galo, ça ressemble un peu au français, mais ça n’en est pas tout à fait. Il y a du vocabulaire, des tournures de phrases très spécifiques, qui faisaient que souvent, les français n’y comprenaient rien ; et puis en se concentrant un peu, l’oreille s’habitue, on capte des mots qui sont encore les mêmes, on se dit « ah mais c’est du français ? », on se concentre, et on se rend compte que… et bien non, ce n’est pas du français, ce n’est pas un accent, c’est une langue à part entière, juste à la limite de la compréhension. Alors Kat balance des traductions françaises au milieu, histoire que Lys la suive, quand même.

– Tu penses que je sers à rien si je participe pas à repeupler le monde avec des bambins ? T’as signé un papier comme quoi t’allais en parenter combien, toi ?

Elle rit encore.

– J’ai peut-être plus d’ovaire fonctionnel, mais j’ai vécu bien plus d’années que toi, chou. Au moins le double. Je suis une encyclopédie sur patte. Encore mieux qu’une encyclopédie, même, parce que j’ai des mains et que je sais faire plein de trucs avec.

Clin d’œil. Puis elle perd son sourire. Pensive, son visage devient plus sérieux.

– Y a tellement de choses qui risquent de se perdre si on se les transmet pas. Des chansons, des histoires, des danses, des langues, des sciences médicinales, des sports, des jeux, l’Histoire, des savoirs artisanaux, des façons pratiques de faire des trucs tout simple qu’on a découvert y a des millénaires… On n’est plus si nombreux, mais faudrait quand même pas qu’on se retrouve à réinventer la roue juste parce que plus personne sait plus faire. Faudra bien qu’ils sachent coudre, faire des paniers, des pots, des chaussures, du feu, des outils et tout ça, vos enfants. Et toi pareil, tes vêtements sont dans un état pitoyable, tu comptes t'habiller comment quand ils seront tombés en lambeaux ? Je peux te remiser ça, si tu veux.

Elle hésite un court instant avant de le proposer : elle n’a pas beaucoup de fil dans son kit de couture et elle sait à quel point il est long d’en faire. Mais elle n’en a pas besoin pour elle actuellement, alors elle verra en tant voulu. Elle sort de son sac ses précieuses aiguilles et une bobine de fil en continuant à parler.

– Moi non plus j’ai jamais vu ces trucs volants. Mais je suis éveillée depuis un peu plus d’une lune seulement. J’ai reçu la visite de Roz et Mako, mais ils sont repartis. Semi-nomades, ils repasseront. D’ici là j’aurai réussi à refaire des vrais chocolats chauds.

Elle n’arrive pas trop à interpréter le visage de Lys, alors dans le doute, elle le rassure :

– T’y comprends qhiète ? Sois pas en dessapot, la lète y èt grosse – t’inquiètes pas, va, c’est facile à apprendre, le galo. Ça viendra vite.

Ça la rassure de savoir qu’il y a du monde qui vadrouille sur le continent. Elle va rendre cet endroit facile à trouver. Comme ça, elle aura plus de passage et elle pourra nourrir et bercer tous les vagabonds fatigués. Elle ne compte pas bouger plus que ça, alors elle sera comme un phare, un point sur les cartes mentales, « là-bas, je serai bien accueilli ».

Elle aurait voulu accueillir Lys avec une boisson chaude, un fauteuil confortable où se vautrer, un espace où se reposer avant de pouvoir discuter et manger un bon repas. A la place il est arrivé en plein séisme, à devoir l’aider à sauver la vie d’un inconnu, et elle-même a besoin de se remettre de ses émotions.

– Peut-être que c’est mieux que je m’occupe de tes vêtements plus tard. Je vais nous faire un truc chaud à boire et préparer un petit dej, ça me paraît plus urgent. Qu'est-ce que tu aimes ? Ou aimais, qu'importe.
Katell
⚘ Bouquet d'orties
Katell
Katell
Jeu 6 Avr - 16:55
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Sans capter qu'il est resté à l'anglais par réflexe, Lys boit un peu entre deux réponses jusqu'à relever le nez vers elle et l'observer d'un air confus lorsqu'il entend... quoi, une nouvelle langue ? Ça ressemble affreusement à du français mais c'en est pile assez éloigné pour qu'il ne comprenne pas ce que Kat' dit. Son regard trahit son incompréhension mais, bien heureusement, elle finit par traduire. Peut-être par pitié, peut-être pour se moquer, peu importe. Il hausse une épaule et sourit en passant au français, cette fois.

- J'l'ai pas dit comme ça. Et puis t'as la forme, c'est c'qui compte.

Pas particulièrement dérangé tant qu'il a droit aux traductions, son regard montre une certaine joie de discuter de façon posée. Kat rigole de la gaffe du plus jeune quant à son âge, ce qui est plutôt rassurant quand on n'a pas trop envie de passer pour un enfoiré. Lys connaît son caractère pas toujours sympathique mais il ne cherche pas à se mettre du monde à dos.

- Disons que quand j'ai signé, les gosses ça faisait partie des petites lignes. C'est cool que ça ait changé après. T'saurais me donner les grandes lignes dans c'que tu sais faire ?

Parce que pas qu'il soit contre l'idée d'avoir des enfants, c'est juste clairement pas son but premier ici. Il a jamais trop songé à se ranger dans une vie de famille autrefois, et ça n'a pas tellement changé maintenant... Une vie en communauté, par contre, là ça l'intéresse. Aider à ce que chacun s'installe, participe au groupe, jusqu'à retrouver une base d'humanité solide capable de profiter de cette nouvelle chance plutôt que de rester chacun dans son coin.
Il range sa bouteille d'eau tout en écoutant d'une oreille attentive la vieille femme. Il tique un peu à la mention de ses vêtements commençant à fatiguer sérieusement et soupire finalement.

- Y'a des trucs, je m'en fiche honnêtement que l'humanité les perde. J'ai jamais été bien scolaire donc tout ce qui est sport, histoire, et compagnie... Enfin, je suppose que ça a son utilité mais tu parles aussi de connaissance des plantes, des savoirs faire... j'trouve ça plus urgent à transmettre. Et puis la culture... j'suppose. J'm'y suis jamais trop penché.

Sans dire qu'il n'apprenait rien à l'armée non plus, mais il n'était pas forcément entouré par le haut du panier niveau intellect. Et puis avant ça, les cours c'était... non. C'est déjà un miracle qu'il n'ait pas fini par être refusé dans les écoles, vu son manque d'intérêt et sa tendance à sécher. La musique, le sport, la danse... ça reviendra naturellement, et puis quelques trucs se passeront de base. L'humain a besoin de s'occuper. Mais l'intérêt de transmettre spécifiquement telle danse de telle culture...
Peut-être que c'est un peu de la mauvaise foi, puisqu'il était content d'apprendre que Kat est française, mais il préfère penser qu'ici, ils doivent juste laisser de côté le « avant » pour plutôt se concentrer sur le présent. S'il croise, au pif, un mexicain, il préfère voir avec lui comment mener leur vie en communauté que de s'intéresser à ce que sa grand-mère a pu lui apprendre de sa culture mexicaine.

Sans doute que deux trois personnes de l'armée l'aurait traité de gros con pour avoir toujours minimisé l'importance de tout ça. Dommage pour eux, ils sont plus là pour lui dire.

En attendant, Lys finit plutôt par s'intéresser au colibri robot qu'il a repéré. Kat' lui indique qu'elle n'en avait jamais vu, ce qui n'a rien de bien rassurant. Ça aurait pu être un truc récurrent par ici... ou alors ces trucs migrent et c'est pour ça qu'elle ne les avait pas remarqué avant... Elle lui donne aussi deux autres noms et l'ancien militaire tourne son regard vers elle.

- T'as dit comment ? Roz et Mako ? Je les ai pas encore rencontré. Peut-être si j'reste un peu, du coup...

Il laisse échapper un léger rire, peut-être un peu gêné, quand elle précise que sa langue est rapide à apprendre.

- M'en veut pas mais si j'commence à essayer d'apprendre la langue de tous les gens que j'croise...

Il revient auprès d'elle et se réinstalle au sol, mains posées par terre en arrière pour s'étirer un peu le dos.

- Mes vêtements ont tenu jusque là, ils tiendront encore un moment, t'inquiètes. C'est gentil. Et j'mange de tout, j'dirais ?

Même s'il a toujours eu une dent très carnivore qu'il aime excuser d'un « quand on est costaud on a besoin de plus de protéines ». Heureusement que le gibier est abondant dans ce coin. Et puis en manger dès le matin ne le dérange pas, il ne fait plus trop de différence entre les repas tant qu'il mange à sa faim.

- Si tu veux, j'peux aller chasser pendant qu'tu prépares autre chose. Ça peut t'faire quelques réserves.

L'envie de dormir est certes là, bien présente, mais l'envie de manger l'est aussi.
Morfale.
Lysandre
❦ Feuille de châtaignier
Lysandre
Lysandre
Dim 7 Mai - 23:25
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[TW : description conséquences des pénuries alimentaires 2050-2070]

Elle est triste, Katell, en écoutant Lysandre. Elle sait que beaucoup se moquent de transmettre leur héritage culturel. Elle sait qu’en France en particulier, la « culture » est vue comme un truc de riches, un truc d’élites. Elle a baigné dans autre chose : les festivals annuels qui réunissaient les villages bretons, à se transmettre des rondes sur comment faire pousser l’avoine (et continuer à les danser bien après que l’avoine ait disparu de leur alimentation), des chants qui préviennent des dangers de telle falaise ou de telle rivière, des contes qui disent la vie. Pour elle la culture est avant tout populaire et quotidienne. Comment on se parle, qu’est-ce qu’on mange, qu’est-ce qu’on fait pour s’amuser. Elle n’a pas peur que tout se perde : les gens feront et réinventeront toujours. Mais il y a des mélodies, des histoires, des façons de se mouvoir, des recettes, des manières de construire, qui sont si belles et si joyeuses et qui seraient si tristes à perdre. Ils ont déjà tant perdu quand le monde a changé. Alors elle fait ce qu’elle sait faire, et elle répond par un conte.

– C’est l’histoire d’une oie qui était très fatiguée. Elle demanda au cochon, au cheval et au canard de l’aider à récolter le blé. Mais tous avaient mieux à faire, alors elle ramassa le blé toute seule. Toujours fatiguée, elle demanda ensuite au cochon, au cheval et au canard de l’aider à le moudre. Mais tous avaient mieux à faire, alors elle fit seule sa farine. Fourbue, elle demanda alors au cochon, au cheval et au canard de l’aider à faire la pâte. Mais tous avaient mieux à faire, alors elle s’en occupa. Au bord de l’épuisement, elle demanda au cochon, au cheval et au canard de l’aider à cuire le pain. Mais, tu devines la suite... tous avaient mieux à faire… alors elle mit le pain au four. Quand la bonne odeur emplit la ferme, le cochon qui s’était roulé de rire dans la boue, le cheval qui avait trotté joyeusement dans le pré et le canard qui avait pataugé dans la mare toute la journée soudain n’avaient plus mieux à faire. Alors ils mangèrent le pain tous ensemble. Le lendemain, l’oie ne vient pas les embêter pour leur demander de l’aide. Le soir, il n’y a pas de bonnes odeurs pour atteindre leurs narines et pas de pain sur la table. L’oie est morte d’épuisement et personne d’autre n’a appris à faire du pain.

Elle se lève pour lancer le feu tout en continuant à prêcher.

– Apprendre, c’est pas forcément un effort. Si je te dis « ça va ti » tous les matins et que je te réponds « vé » quand tu dis « et toi ? », y a un moment tu répondras « vé » aussi. Si je chante en cuisinant, l’air te restera dans la tête et te reviendra autour d’un autre repas, ailleurs. Et si une fois je te montre ce dont tu as besoin pour prendre soin de tes vêtements, tu sauras retrouver ça une deuxième fois. On apprend avec le temps, on retient ce dont on a besoin et ce qui nous apporte de la joie. Je sais beaucoup de choses… Tout ne t’intéressera pas. Mais certaines te rendront la vie plus confortable.

Mais Lysandre a raison : tout n’est pas bon à garder. Il y a des choses qui se perdront dont elle se réjouira. Mais à écouter cet individu soudain devenu homme lui proposer de chasser pendant qu’elle, réduite à son rôle social de femme, s’occupe des plantes, elle désespère un peu. Elle voudrait qu’ils oublient le genre et la répartition genrée des tâches, elle voudrait qu’ils oublient la propriété privée, elle voudrait qu’ils oublient de ne valoriser que les jeunes adultes travailleurs, elle voudrait qu’ils oublient les ordres de gouvernements tombés depuis longtemps, elle voudrait qu’ils oublient de mettre l’humain au-dessus de tout. Ils sont mal barrés, leurs neurones sont encore connectées de manières insatisfaisantes.

– Je ne mange pas de viande, répond-elle donc.

Elle y a longtemps réfléchi à son réveil. Elle avait été végétarienne dans sa jeunesse. Elle s’était posée la question de si c’était possible, de l’être à nouveau. Elle sait que certaines communautés le sont depuis la nuit des temps, en Inde notamment. Elle ne sait pas si c’est possible sans agriculture, elle pêche déjà régulièrement à la rivière pour avoir quelque chose de plus solide dans le ventre et elle est réveillée depuis trop peu de temps pour savoir ce qui sera viable au long-terme.

– Tu n’as pas dû vivre ça, tu es de la première génération si j’en crois ton tatouage ? Mais les conditions de vie se sont vraiment beaucoup, beaucoup dégradées dans les années 50. Les abeilles ont disparu et avec elles les trois-quarts de nos ressources alimentaires. Les gens sont morts de faim partout autour du monde. En Europe c’était pas pire, l’UE a mis  en place les bouillies nutritionnelles synthétiques avec arômes variés, un truc dégueulasse mais les jeunes s’y sont habitués. Et puis il restait encore les oignons et les pommes de terre, parce que ça se reproduit sans pollen.

Kat avait mit la main sur des fraises qu’elle faisait pousser en douce dans son jardin, en en filant aux voisins voisines pour répandre cette douceur. Personne ne l’avait dénoncée, malgré les interdictions formelles de s’accaparer des sources de nourriture. Tout devait être donné au gouvernement : « Pour nourrir le plus grand nombre, prends ta pilule-repas sans encombre ! » Mais ce n’était pas le pire.

– Quand le bétail a commencé à crever parce que les éleveurs ne pouvaient plus nourrir leurs bêtes, tout le monde a mangé de la viande. On ne la mangeait pas assez vite, on vivait dans les cadavres, en tout cas à la campagne. C’était… traumatisant, comme période. Et après on n’en a plus mangé. Les insectes mouraient, les plantes mouraient, les animaux mouraient. On a été plus résilient que ce à quoi on s’attendait, les progrès technologiques ont bondi sous la nécessité, j’ai été cryogénisée 15 ans plus tard…

Tout ça pour dire, elle n’a pas envie de chasser. En partie à cause des miasmes-souvenirs qui lui remontent aux narines. En partie parce qu’elle a l’impression de vivre dans un rêve, à pouvoir cueillir tout ce qui passe à sa portée. En partie aussi parce qu’elle ne veut pas revenir à l’exploitation animale qui était à la base de leur alimentation passée. L’idée de poser des pièges, alors que les animaux ont enfin appris à ne plus avoir peur de l’homme, la dégoûte. Et puis, à choisir, elle préfère nettoyer des feuilles et des racines plutôt que de dépecer un animal. Ça pue. Sans compter qu’avec la chaleur, difficile de garder de la viande de côté : il lui faudrait faire un pot hermétique à mettre sous l’eau dans la rivière, parce qu’elle n’a rien de mieux pour tenir au frais. Pour l’instant, toute sa poterie est en morceaux. Ça impliquerait de tout manger assez vite pour ne pas attirer les charognards et ne pas vivre dans les odeurs de cadavres. Bref, peu importe par quel bout elle prend l’idée de manger de la viande, ça lui semble plus pesant qu’autre chose.

– Si je dois en manger j’en mangerai, d’ailleurs j’ai dit que je mangerais n’importe quoi de mangeable quand j’ai passé les entretiens, mais si c’est pas nécessaire, je m’en passe.

Elle coupe des champignons sur sa planche en métal, les jette au fond du chaudron avec un peu d’eau et jette un œil à sa réserve d’œufs. Elle grimace. On fait pas d’omelette sans…

– Si par contre tu peux trouver des œufs… Les miens se sont cassés pendant le séisme, je vais voir ce que je peux sauver, mais ça va pas être grand-chose, visiblement.
Katell
⚘ Bouquet d'orties
Katell
Katell
Mer 10 Mai - 13:03
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Après que Lys répondre qu'il ne porte franchement pas une grande importance dans la transmission de la culture au sens large, voilà que Kat' lui répond... par un conte ? L'ex-militaire la regarde d'un air confus, avant de simplement se taire par politesse pour écouter. Honnêtement ? Ça lui en touche une sans faire bouger l'autre. Quand il était gosse, il avait pas trop de livres de contes et on lui en racontait pas. Il y a jamais été sensible. Il préfère le concret aux métaphores. Mais il est poli, alors il se tait et il hoche juste la tête. Il voit l'idée, la morale du truc. Sauf qu'il a l'impression que ça va dans le sens du « on apprend les trucs utiles ». Faire du pain, c'est utile. Savoir danser une gigue plutôt qu'une autre, il voit pas trop l'utilité.
L'argument de la langue ne fait pas trop de sens pour lui, et il hausse simplement une épaule. Le reste, par contre, ça rentre dans sa petite catégorie limitée de « choses utiles ». Savoir s'occuper des vêtements, c'est cool.

- J'dis pas que j'veux pas apprendre. Mais j'veux pas tout apprendre, non plus. Pourquoi je dirais plus « vé » que tu ne dirais « oui » ? On est que deux, c'est pas comme si y'avait cinq personnes qui parlaient autre chose et que je doive m'adapter particulièrement ? Au pire, dans l'hypothèse ou y'aurait que nous pendant des mois, on ferait juste un mix de français et de... t'as dit comment ? Gallois ? 'fin bref. Je sais pas si tu vois l'idée. T'façon on va pas se prendre la tête sur ça, si ?

Il sourit. Il a pas accepté le programme Perséphone pour juste se prendre la tête avec tous les autres. Autant changer de sujet en profitant qu'elle cause cuisine. Il propose d'aller chasser, mais elle l'arrête en précisant qu'elle ne mange pas de viande. Il hausse les sourcils, sans juger. Dans sa jeunesse, y'avait déjà pas mal de gens qui choisissaient d'être végé, vegan, ou d'autres régimes avec pas ou peu de viandes. Sûrement que ça s'était amplifié avec le temps. Il hoche la tête pour valider qu'il est de première génération, et il se rassoit quand elle se remet à parler.
Cette fois, il l'écoute plus attentivement. Il est curieux, quand la vieille femme se met à lui expliquer ce qu'elle et tous ceux de sa générations ont vécu. On dirait un truc de film dystopique, et il remet en doute la sanité de Kat' quelques secondes avant de se raisonner lui-même. Non, pourquoi elle inventerait ça ? Elle a toute sa tête, clairement. Et puis son regard ne trompe pas, il a l'impression de la voir revivre tout ça au fur et à mesure qu'il raconte. Lui ne fait que froncer de plus en plus les sourcils.

Il ne parle pas pendant un petit moment, une fois qu'elle a finit. Le temps d'avaler tout ça. Dans les années 50. Il aurait eu vers les 40 ans, et lui qui a toujours voulu des gosses, il n'aurait pu que voir sa famille souffrir de tout ça. L'idée le remue, assez pour que l'une de ses mains joue sur le poignet de l'autre dans un tic nerveux.

- P'tain. C'est horrible.

C'est donc pour ça, qu'il y a eu Perséphone ? Les scientifiques avaient conscience de ce qui arrivait ? Enfin, finalement, il le savait lui-même déjà, c'était évident que l'humanité courait au désastre. Mais aussi vite ? Il aurait pas cru. Vraiment pas. Il ne trouve pas grand chose à dire, puisqu'il n'y a juste... rien à dire. Il préfère donc se relever, lâchant simplement un :

- J'comprend. J'vais te chercher des œufs.

Et il marche vers le camp. Parmi les affaires renversées, il a repéré une sorte de panier qu'il ramasse. Ca sera idéal pour ramener des œufs. Il le montre à Kat' pour avoir confirmation qu'il peut l'emprunter, puis s'enfonce déjà entre les arbres. Tout ce qu'il a appris là, imaginer les gens mourir de faim même dans des pays où ce n'était presque plus un problème, ça lui coupe l'appétit. Et même s'il n'a jamais été bien fan des animaux, imaginer des espèces de charnier pleins de vaches ça a quelque chose de pas bien agréable. Il essaie de ne pas trop y songer, s'intéressant plutôt aux buissons. Il ne va pas jouer aux singes à grimper, car pas mal d'oiseaux pondent dans des fourrés voire au sol. Il cherche, essaie de forcer son esprit à rester concentré sur sa tâche. Il trouve deux œufs dans un nid mais les repose après les avoir mis entre lui et le soleil. Ils sont fécondés. Ça se mange, mais il doute que Kat' apprécie. Et puis c'est important de laisser les espèces se reproduire. Et puis lui-même... c'est pas le truc le plus appétissant qu'il ait vu, que ça se soit mangé autrefois dans quelques pays. Les œufs ne manquent pas, il fouille donc plus loin. Au passage, il repère une herbe qu'il a découvert ici. Semblable au romarin, avec sensiblement le même goût, il avait deviné qu'il s'agissait sûrement d'une variante de la plante, une version adaptée à des sols pas trop calcaires. Il en ramasse un peu et l'ajoute au panier.

Finalement, il trouve trois œufs qui ne semblent pas fécondés. Parfait. Mais trois œufs, c'est ce qu'il mange lui-même. Il lui en faudrait au moins deux de plus pour qu'ils aient chacun une part respectable. Il continue, avec quelques phrases de Kat' qui lui restent dans les oreilles. « les insectes mourraient, les plantes mourraient, les animaux mourraient »... et maintenant, lui était dans cette espèce de jardin d'Eden. Aucun regret d'avoir signé pour participer à Perséphone. Zéro.
Deux nouveaux œufs ramassés, il rebrousse chemin pour retourner vers le camp de Kat. Quand enfin il retrouve la clairière, il vient déposer les œufs près d'elle.

- J'ai aussi trouvé du romarin, ça peut donner du goût, tu en penses quoi ?

Il évite clairement de reparler des pénuries alimentaires. Il est déjà assez remué comme ça, et puis peut-être qu'elle considère aussi en avoir assez dit. A la place, il regarde le camp et demande, peut-être un peu trop vite, pour éviter un autre sujet.

- Il y a des trucs que je peux t'aider à remettre sur pied ? Je sais pas comment t'étais organisée...
Lysandre
❦ Feuille de châtaignier
Lysandre
Lysandre
Mer 24 Mai - 23:57
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A genoux devant le feu, Katell est fatiguée. Elle sent le poids des années, le poids des émotions traversées ce matin, aussi. Elle se souvient qu’à l’époque, c’étaient les mêmes discours – les jeunes qui ne donnent plus de valeur à rien. Elle se moquait parfois de Maïna quand elle s’attristait trop de ça, de leur fille Louane qui n’aimait pas les fest-noz et ne venait pas danser avec elles et qui ne chantait pas pour ses enfants. Elle lui disait : Louane donne de la valeur à autre chose. Peut-être que c’est à nous de nous intéresser à ça. Elle disait aussi : ce qui restera, c’est ce qui nous parle. Ce qu’on porte parce que ça nous importe.

Bientôt peut-être elle sera la dernière à chanter les paroles qui la font vibrer. Elle se demande si elle retracera des pas qui n’ont de sens que dans une ronde avec ses pieds solitaires dans la poussière. Le liant se délie. Elle en a les larmes aux yeux. Elle ne sait pas si elle veut vivre dans un monde où les gens ne dansent pas ensemble. Alors quand Lysandre s’éloigne, elle chantonne pour elle-même, en breton cette fois, comme elle le fait très souvent en cuisinant.

Chantant encore quand il revient, elle prend les œufs et le romarin et ne répond que d’un signe de tête. Elle lui montre d’un geste les débris de poterie et le four effondré. Alors pendant qu’elle termine le repas, il fait le tri entre les pots cassés et ceux qui sont encore en un seul morceau, leur trouve deux assiettes sur lesquelles ils ne risquent pas de se couper et reconsolide le four.

Diouzh ar mor braz e c’hwezh an avel o vlejal war lein an ti...*

Elle le remercie en posant devant lui une omelette de champignons au romarin et un verre d’eau, puis s’essuie les yeux. Les choses prennent du temps à se construire. Elle veut croire qu’elle ne restera pas infiniment seule dans ce camp, à accueillir une âme perdue toutes les quelques semaines, et qu’un jour ils feront la fête, lieront leurs doigts et hypnotiseront leurs corps en avançant ensemble, leurs pas guidés par le rythme de leurs voix qui s’entremêlent. Elle espère qu’elle vivra assez longtemps pour le voir. En attendant, elle en connaît aussi, des complaintes qui se chantent seule, et ça la réchauffera les nuits de solitude. Pour l’instant, elle doit mettre tout ça de côté.

– Fais attention, c’est chaud. Dis-moi, quelle est la suite pour toi ? As-tu une destination ? Est-ce que tu as un objectif dans tes voyages ?



- - - - - - - -

*Au coeur de la nuit j’entends le vent beugler par dessus la maison
 
Vent, mon petit vent, souffle donc, combat la lande et au galop viens vite nous chanter ton chant de liberté
 
Il souffle de l’est ce vent qui beugle par dessus la maison
 
Il souffle de l’ouest ce vent qui beugle par dessus la maison
 
Il souffle de la terre ce vent qui beugle par dessus la maison
 
Il souffle de l’océan ce vent qui beugle par dessus la maison
 
Peu importe d’où souffle le vent il fait bon vivre dans notre maison

– Youenn Gwernig


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Katell
⚘ Bouquet d'orties
Katell
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Jeu 1 Juin - 13:52
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