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Où l'on déterre des fossiles
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Katell sent l’odeur de sa tisane et soupire de satisfaction. Depuis son Réveil, elle priorise les tâches qui lui permettront de survivre et de vivre le plus confortablement possible en attendant l’arrivée de ses congénères. Elle s’est vite rendue à l’évidence qu’elle n’arriverait pas à se construire un habitat seule ; elle continue donc à dormir dans sa capsule, qui est tout de même construite pour être assez confortable, et laisse ses affaires à l’intérieur de la ruche. Elle a trouvé des champignons luminescents qui lui permettent d’y voir un peu et de ne pas gaspiller ses chandelles. Elle peut aussi ouvrir la porte avec sa puce, ce qui lui évite de s’inquiéter de la faune sauvage.

A l’intérieur, elle stocke le bois qu’elle a scié afin qu’il reste au sec. Elle en sort chaque jour jusqu’au petit coin cuisine qu’elle a organisé à l’extérieur avec des pierres pour délimiter un espace et éviter que tout s’embrase aux alentours. Elle a trouvé des plantes qui brûlent en une nauséabonde fumée noire ; tous les midis et tous les soirs, elle en rajoute sur le feu pour que quelqu’un puisse éventuellement voir la fumée au loin et la rejoindre.

La source d’eau la plus proche est à trois kilomètres au nord-est ; un peu loin à son goût, mais sûrement plus sécurisant, vu le nombre de créatures qui doivent venir s’abreuver ici. Elle s’est donc rajouté deux priorités mentales : construire un filtre à eau avec du coton, du sable et du gravier ainsi qu’un pot hermétique assez grand, parce que ce n’est pas sa gourde d’un litre et demi et son chaudron qui vont lui éviter de faire de dangereux aller-retours quotidiens.

Ses balades lui ont aussi permis de répertorier mentalement différentes plantes et bestioles des alentours. Elle est heureuse de découvrir que les orties ont effectivement survécu, ou en tout cas une forme particulière. Leurs feuilles sont immenses et les petits poils urticaires longs de trois centimètres minimum ; elle a mis ses gants de jardinage et sa combinaison pour en cueillir quelques feuilles, et rien qu’en s’approchant elle a senti la peau de son visage picoter.

– Contre quoi tu te protèges, toi, mm ?

Personne n’écrase ces plantes. Les sentes les évitent avec soin. Katell en fait ses nouvelles amies, recouvre sa peau et suit leur lisière pour éviter de tomber sur des animaux dangereux. Elle ramasse des échantillons de tout ce qu’elle trouve, baies, feuilles, fleurs, racines, pour pouvoir faire des tests et savoir ce qu’elle peut manger sans risque ou non. Elle teste les aliments un par un, fait tout cuire pour éviter une rencontre trop brutale entre son estomac et ces nouveautés, attend 24 heures avant le test suivant, note ce qui lui donne la chiasse ou au contraire la constipe. Elle commence à être satisfaite de ce qu’elle peut se permettre.

Aujourd’hui, elle a terminé de creuser dans la terre un four comme elle a appris à le faire à un de ses cours de poterie ; elle espère simplement qu’il sera assez chaud pour l’utilisation qu’elle lui réserve. La terre retirée est en cours de préparation dans la bâche, elle a hâte de la travailler et d’avoir une jarre digne de ce nom. Peut-être qu’elle pourra se faire d’autres vaisselles aussi.

Sa tisane terminée, Katell remballe les quelques affaires qu’elle ne souhaite pas laisser dehors et retourne à sa ruche ; elle essaie de faire la sieste pendant les heures les plus chaudes de l’après-midi. Quand elle entre, elle entend des bruits au bout du tunnel. Un sourire se dessine d’un coup sur ses lèvres. Quelqu’un qui se Réveille, peut-être ?

Ses yeux ont besoin d’un temps pour s’ajuster à la pénombre ; elle comprend assez vite, cependant, que la silhouette penchée sur sa capsule n’est pas l’une des personnes qu’elle attendait. Cette dernière étant trop concentrée pour se rendre compte qu’elle n’est plus seule avec les droïdes, Katell se racle bruyamment la gorge pour faire connaître sa présence.
Katell
⚘ Bouquet d'orties
Katell
Katell
Jeu 19 Jan - 17:17
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« Ech’ère he hu a’uze hin hendant he aut’ t’hawaille »

Il y eu quelques bips facétieux pour seule réponse. C’est que même pour un droïde, elle ne devait présentement pas coller aux conventions de positionnement attendues. Sur la pointe d’un pied, elle maintenait un équilibre précaire sur la carcasse cubique d’un congénère électrique – volontaire grâce aux grands talents de négociation de Mako. Son autre jambe s’appuie avec hésitation sur le verre froid d’une capsule vide. Sa mâchoire sert de gouttière à une poignée de cables, coincés entre sa langue et ses canines pendant que ses mains s’agitent sur un circuit imprimé partiellement tenu par un troisième bras – Mako lui ayant donné un coup de main, littéralement –, support de fortune fixé à même une paroi par deux pointes inégales forcées à la pelle.

- Dépressurisation du sas enclenchée.
- Ouverture extérieure autorisée.


À peine un regard de côté pour son écran, la lumière bleuâtre clignote un instant, ça n’est pas sa priorité du moment. Elle décortique les options qui s’offrent à elle. N’ayant qu’un couteau de chasse et la lame-tournevis de son multi-fonction, aucun moyen de faire les choses proprement. Ils ont vraiment tout baclé. On entend un léger grognement qui siffle entre les fils. Elle balaie la plaque encore une fois de son œil naturel ; son orbite droite accompagne le mouvement d’un faisceau lumineux. Allons pour la solution brute.

L’invitée se fait entendre. Ou l’hôte ? Qu’importe. Elle agite sa main gauche dans sa direction, index et majeur tendus, sans se détourner de son objectif.

« heu ‘inutch »

D’un coup sec, elle arrache du mur le bras gauche de son ami. Les pointes volent dans la pièce dans une volée de tintements et cliquetis. Derrière la plaque, elle coince le manche de son couteau, immobilisé par la tension. Elle recrache les cables et claque des dents pour dégourdir sa mâchoire.

« Mako, rattrape ! »

De son propre bras, elle couvre son visage et dans un dernier mouvement sur ses appuis, se propulse contre le mur, abattant la pièce d’acier contre l’extrémité de la carte informatique. Le craquement provoque un bruit violent qui résonne dans la petite structure de la ruche. En écho sonnent tout un tas de pièces qui tombent au sol, des bris de cuivre et de plastique, sa lame, et surtout, l’objet de sa convoitise.

« Yeaaaaah– »

Comme prévu, son corps évite la chute dans ces chausses-trappes improvisées. Bien qu’un peu rude, sa réception contre son fidèle protecteur lui permet de souffler un instant devant la beauté d’un chaos bien mérité.

« Bien joué Mako ! par contre, faudra qu’on remplace tes suspensions mon pote »

Une approbation sonore, et il la pousse à se mettre debout. Débarrassé de ce poids remuant, le droïde local réquisitionné se relève et commence à ramasser le bazar ambiant. En temps normal, un tel exploit aurait mérité une pause dans un canapé avec une boisson chaude et un tas de sucreries. Mais il n’y a ni canapé, ni sucrerie, et le liquide le plus proche d’elle n’est pas de ceux qui aident à briser la glace. Tant pis, ce sera pour la prochaine fois. Ou celle d’après, peut-être.

« J’vous ai pas oublié, j’arrive. »

C’est vrai qu’initialement, elle était là pour une certaine [Kat]. Avant de voir que sa ruche semblait bâtie sur un modèle précédent un peu plus facile à bricoler. Il aurait été dommage de se priver – après tout, elle aussi fait maintenant partie de Perséphone.

Un léger haut-le-cœur.

Elle sort de sa poche ventrale un bout de cuir noir orné de lacets colorés. Un geste habituel, et ses cheveux sont attachés vers l’arrière, son œil droit couvert. C’est son côté pirate.

Elle s’avance et porte sa main, ouverte, à hauteur de son visage.

« Roz et Mako, Ruche hortensia, on a trouvé votre message ! »
Roz
❀ Hortensia
Roz
Roz
Où l'on déterre des fossiles Hydrangea-flowers
Dim 22 Jan - 6:03
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Kat observe le remue ménage sans bien comprendre, mais reste patiente. Elle n'a plus d'usage pour sa capsule et n'a pas prévu de se re-cryogéniser, alors si son usage peut être détourné, elle n'y voit pas d'objection. Quand les composants tombent par terre, elle ramasse avant le droïde la plaque en acier qui protégeait le reste : ça fera une bonne planche à découper.

Elle est surprise par les personnes qui lui font face : Mako ne ressemble pas aux droïdes qui s'occupent de sa ruche et Roz paraît trop jeune pour faire partie du projet Perséphone. Autant qu'elle paraît trop vieille, remarque.

Elle est triste, un peu, quand les mots qui passent ses lèvres sont en anglais, mais elle aurait dû s'attendre à ce que la langue universelle le reste alors même qu'il ne reste qu'une poignée d'humains aux langues natales toutes différentes. Elle se doute qu'elle doit être la seule porteuse de la langue gallèse, qu'elle ne vivra plus le bonheur d'échanger avec les mots qui lui sont le plus confortables, même si elle l'enseigne à d'autres qui buteront dessus. Elle sent le manque, de sa famille, de sa culture qui ne peut survivre si elle est seule à la connaître, comme un poids soudain sur sa poitrine.

Le voile de tristesse passe. Elle s'approche et tire Roz contre elle, dans ses bras, l'espace de deux secondes, sa main se posant sur son dos et lui communiquant de la chaleur. Elle aura bientôt une nouvelle famille, une nouvelle culture qui mélangera celles de tous ceux qui ont survécu. Elle s'éloigne vite, le visage souriant.

– Alors tu sais que je suis Kat. Merci d'être venue. Mais Hortensia, vraiment ? Ils connaissaient pas assez de plantes utiles, ils sont passés direct aux fleurs ornementales ? Y en a pourtant un paquet.

Ses yeux passent sur son tatouage, puis sur son cache-œil et enfin sur l’objet que Roz a extrait, comme du miel, de la ruche.

– Tu as dû faire du chemin, est ce que tu veux que je te fasse une boisson chaude ? Qu'est ce que tu aimais, avant, plutôt l'amer, le sucré ? Et Mako, est ce que quelque chose peut lui... Peut te faire plaisir ?

Kat s'adresse au robot après un temps d'hésitation. Les Le Guen n'ont jamais été assez riches pour avoir un robot assez sophistiqué pour mériter un nom ; ça aurait été comme nommer son aspirateur. Mais Roz l'a présenté et interagit avec lui, certes pour lui donner des ordres mais quand même, alors Kat décide de le prendre en compte comme un être capable de s'exprimer, quitte à ce que Roz se moque d'elle et qu'elle réajuste ensuite.

– Je crois qu’il y a des pièces de rechange pour les droïdes à l’arrière, je les vois s’y faufiler, mais on n’y a pas accès, nous. Tu trouveras peut-être des ressorts et des amortisseurs.
Katell
⚘ Bouquet d'orties
Katell
Katell
Dim 22 Jan - 14:11
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Nope nope nope nope nope.

Un frisson désagréable, une moue irritée. Elle n’appréciait pas le protocole de politesse proposé par la vieille survivante. Ni la critique de sa ruche, nommée après sa fleur préférée. Le poing serré, son souffle saccadé. Et cette avalanche de questions, de bons sentiments. Voilà ce qu’on leur apprenait, à faire semblant de rien ? Un soupir agacé.

« Vous–... »

Une sensation glacée dans son dos. À travers son pull, la morsure du métal absorbait sa chaleur, et sa colère avec. La forme caractéristique de cette main à trois doigts suffisait à lui rappeler que ça irait, elle n’avait pas tout perdu.

« Vous ne me toucherez plus sans mon accord. »

Et elle se détourne. Quelques pièces à ranger, les fils à replacer, une valve à refermer, deux sécurités à réactiver.

« Qu’importe pour la boisson, tant que ça a du goût – beaucoup. Je n’en peux plus de l’eau terreuse. Mako ne boit pas, mais il en profitera sûrement pour se brancher. »

Dans une trousse de son sac, elle entasse en vrac tous les petits composants récupérés.

« L’ornemental, ouais, le thème de notre génération. La troisième. Parce qu’on sert exactement à ça, nous, à faire joli... »

… pour leur conscience.

Elle vérifie son téléphone. Ses doigts s’agitent un instant, puis elle revient vers le droïde marche-pied.

« On va rester un peu, Arctia aimerait que je vérifie certaines de ses soudures, elle n’a plus la finesse nécessaire pour accéder à une partie de ses pièces. »

Le prix du pillage, un service contre un service. Mako lui avait montré comment faire, que ça pouvait fonctionner.

« … Et si vous avez besoin, on doit sûrement pouvoir se rendre utile pour d’autres trucs si ya un coin où dormir. »

Un petit cliquetis synthétique. Sa manière à lui de la féliciter discrètement. Puis le bruit de ses pas un peu lourd s’approchant de la grand-mère. Des petites lumières vertes qui clignent et un bras – encore seul – qui s’écarte de sa chaudière thoracique.

« … … ffzzzzz… huuuuuggffffzzz ... » « [grésillement] Calin. [grésillement] »

Cette publication remporte un ruban puisqu'elle contient un défi mensuel réussi !
Roz
❀ Hortensia
Roz
Roz
Où l'on déterre des fossiles Hydrangea-flowers
Dim 5 Fév - 18:50
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Katell hoche la tête ; en effet, maintenant qu’elle sait que ça la dérange, elle ne touchera plus Roz sans son accord. La jeune femme lui donne de quoi réfléchir ; quoi lui servir, les implications de cette troisième génération, le pacte qu’elle a passé avec les droïdes… Une vague de colère monte en Katell, qui laisse échapper un juron en galo. Mako se rapproche d’elle avec son bras ouvert, pourtant, et l’énervement fait rapidement place à une marée de tendresse. Elle se penche pour pouvoir le serrer contre elle. Étrange sensation du métal froid là où elle a l’habitude de trouver de la chaleur. Est-ce que les robots ressentent la même sensation de douceur et de joie qu’elle, quand ils serrent quelqu’un dans leurs bras, ou est-ce par mimétisme, comme le miaulement des chats, à le proposer parce qu’ils savent ce que ça fait aux humains ? Elle n’ose pas demander. Quand elle le relâche, elle fixe le « visage » de Mako.

– Toi tu as tout compris. Demander. Donner.

Elle voudrait savoir les gestes qui permettent de montrer de l’amitié pour un droïde. Elle lui sourit, puis regarde Arctia avec plus de dureté.

– Arctia, si des gens ont besoin de pièces dont nous on n’a pas besoin, on leur DONNE, c’est compris ? Même s’ils ne savent pas souder. Tout le monde n’a pas cette chance. On va pas garder des choses pour le plaisir de dire que c’est à nous. C’est hors de question qu’on sauve l’espèce humaine dans un « nouveau monde » si c’est pour y ramener les relents du capitalisme.

Elle ne sait pas si elle sera comprise. Elle sait qu’on l’entend, mais les machines ne répondent généralement pas et elle ne sait pas comment elles traitent les informations reçues, encore moins comment elles communiquent. Elle tourne le même visage fermé vers la seule autre humaine présente.

– Et Rose, si tu veux dormir, c’est où tu veux, cet endroit n’est pas à moi, j’en ai juste l’usage et il est assez grand pour huit.

Elle prononce le R de son prénom à la française, d’ailleurs tout son anglais se teinte de cet accent qui à une époque était si apprécié. Est-ce plus facile de se faire comprendre de ses congénères ? Pas toujours. Elle soupire. Peut-être qu’elle devrait s’attendre à ce que les gens qu’elle croise soient plutôt du type survivaliste individualiste.

– Vous êtes les bienvenus ici aussi longtemps que vous voulez. Moi ça me fait vraiment plaisir de rencontrer du monde. J’habitais dans une grande famille, avant, c’est vite déstabilisant, toute cette solitude. Mais je sais faire des soudures aussi, donc s’il vous plaît, restez pour les boissons et le branchement facile, pas par devoir et obligation. Je serais très reconnaissante des coups de main, mais ils n’ont rien d’obligatoire, d’accord ? Et si c’est ce que vous préférez, comme moi d’ailleurs, moi j’aime bien participer à la vie collective, il y a toujours de quoi faire. Que ce soit les soudures pour Arctia ou de quoi installer un campement digne de ce nom par ici. Il y a des choses que je ne peux pas faire seule.

Katell se détourne pour remonter le tunnel. Elle ne répond pas à la dépréciation évidente dans les propos de Roz un peu plus tôt, même si c’est probablement sarcastique, Katell a manqué de tact. Ça aussi, ce sont des relents d’un monde dont elle ne veut plus. Un monde où la valeur d’une vie dépend de ses compétences et de sa force de travail. Une personne n’a pas à être ornementale ou utile. Peut-être que les plantes non plus, même si c’est comme ça qu’ont été choisis leurs tatouages, à l'aune de leur rôle dans la vie des humains. Chaque être est un monde entier à lui tout seul, il ne peut pas être calculé, pesé – la vieille bretonne est persuadée que c’est ça qui a mené à leur quasi-extinction. Peu importe les générations, aujourd’hui ce sont elles qui sont là, elles qui sont vivantes, et elles feront de leur vie ce que bon leur semble, et pas ce qu’en attendaient de vieux messieurs en blouses blanches.

– Par exemple, il y a un beau tronc affaissé qui fait un très agréable banc, mais il est assez loin et je n’arrive pas à le déplacer seule. Sinon, j’ai prévu de faire du fil avec les tiges des plantes du coin, comme ça après je pourrai tricoter des vêtements, donc si tu as envie que je te passe une écharpe, une sacoche ou des chaussettes la prochaine fois que tu passes par ici, tu peux m’aider à cueillir et préparer les fibres. Les habits qu’on a ne vont pas durer éternellement.
Katell
⚘ Bouquet d'orties
Katell
Katell
Mar 7 Fév - 10:49
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Elle ne s’arrête donc jamais de parler.

Assise à même le sol, ses dents grincent. Le frisson, de retour. Ses jambes étalées en plein milieu du couloir hexagonal ; ses ongles cliquettent et raclent le long des plaques et boulons mal agencés. L’examen se termine rapidement, mais elle laisse son attention plongée dans les reflets mats et rayés de l’enveloppe métallique. C’est ça ou lever son unique œil au ciel. Alors elle attend, que le silence revienne, au doux son des aérations et des bruits blancs magnétiques.

Quand les pas cessent de faire écho dans le tunnel, Mako échange un regard avec sa compagnon qui cache difficilement sa colère. Le protocole de sélection de la génération 2 était le plus strict : des heures à apprendre comment survivre, des exercices rigoureux de pratique, des prérequis drastiques, et un suivi psychologique obligatoire. Tout une expérience qu’il manque aujourd’hui à sa protégée ; ce qu’elle se met à réaliser ; ce qui aurait pu être évité. Il continuera à lui enseigner et la protéger, du mieux qu’il pourra, du mieux qu’il faudra ; mais certaines situations ne pourront être esquivées.

L’absence de note synthétique en provenance de son ami rajoutait à son stress. Ni moquerie ni contestation, ils n’avaient rien de plus à partager dans l’instant. Ses pieds commençaient à s’agiter, et l’inconfort de sa posture l’incommodait. Elle ne savait pas gérer ça, elle n’y avait pas été préparée – et elle fulminait.

Alors elle se lève. En quelques pas, ramasse le bras ambulant et l’amène à son propriétaire. Quand il le saisit, elle pose sa main sur son épaule et soupire quelques mots rassurants. « Ça ira. » C’est faux, mais il le faut. Son cou émet un grincement, lorsqu’il hoche la tête d’approbation. Puis il la laisse remonter vers la sortie pendant que lui part assister son acolyte robotique.

Malgré la canopée luxuriante, la lumière de l’extérieur la force à s’arrêter un instant. Un bras couvrant son œil, elle avance à la recherche de la vieille survivante. Elle n’a pas à chercher bien loin ; retrouver sa présence tord ses tripes et lui amène un relent acide dans la gorge. Ses poings dans ses poches se crispent, son sang boue, et sa voix siffle sous la pression.

« C’est à mon tour de parler. »

L’intonation éraillée.

« Ça va deux minutes les injonctions morales. Ça va deux minutes de nous traiter comme si on était des gosses, parce que j’ai l’air jeune ou parce qu’ils sont en métal. On se connaît pas, ça fonctionne pas comme ça. Tout le monde ici a perdu sa famille, c’est le principe. »

Ou presque.

« Mais vous avez signé pour ça. Vous saviez. Et maintenant, vous avez une nouvelle famille. Une famille qui n’a rien de choisie. Mais elle en fait partie… Arctia en fait partie ! Elle a vécu plus de vies qu’on n’en connaîtra jamais, et elle est encore là, à servir le projet. Elle demande comme elle peut, comme elle sait, parce qu’on lui a jamais appris mieux. Vous pouvez pas la comprendre, c’était pas prévu, mais elle, elle vous entend. Elle vous a protégé, et à la première occasion, vous lui tombez dessus. Si… Si je vous reprends à la mépriser comme ça, je vous vire de sa liste d’impératifs. »

La tension qu’elle ressent est la dernière chose qui réussit à la maintenir debout. Tremblante, à bout de souffle, les dents serrées et l’œil rouge.

« C’est trop facile. C’est injuste ! »

Son corps s’affaisse, elle tombe sur ses genoux, dans un nuage de spores bleus.
Les larmes coulent à flots, sa voix n’est plus qu’un filet noué.
Elle se souvient du mois dernier, et de la playlist qu’elle avait préparé pour affronter la fin du monde avec son père.

« Et j’ai pas envie de faire semblant que c’est acceptable. »
Roz
❀ Hortensia
Roz
Roz
Où l'on déterre des fossiles Hydrangea-flowers
Lun 13 Fév - 0:39
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Katell a pris le temps de rallumer le feu pendant que Roz terminait dans la ruche. Elle attrape quelques fèves de cacao. Elle n’a jamais appris à faire du chocolat, elle voyait des cacaoyers pour de vrai pour la première fois quand elle est tombée sur ces arbres, ils n’existent pas en Europe. Elle a quand même trouvé quelques trucs. Elle torréfie les fèves comme elle le faisait avec le sésame (il y a à peine quelques semaines ?), ce qui emplit l’air des arômes du chocolat. Quand Roz sort et se met à lui parler, elle s’arrête de préparer la boisson pour lui porter toute son attention. Ce qu’elle a à lui dire semble important. Katell ne répond pas tout de suite. Elle retient son envie de la prendre dans ses bras en la voyant s’effondrer et se contente d’occuper ses mains, de retirer les fèves du feu, de filtrer de l’eau (il faudra qu’elle montre à Roz comment faire avant qu’elle parte) qu’elle met à chauffer. Puis elle vient s’asseoir en tailleur face à Roz.

Katell ne peut pas voir la personne en face d’elle autrement que comme une enfant. Quand elle avait quatorze ans, elle se sentait grande et mature et ne comprenait pas qu’on la traite comme un gosse (elle n’avait plus dix ans, quand même !) ; mais paradoxalement elle se sentait aussi toute petite face aux adolescentes de seize ans, elle les admirait de loin, si adultes, si belles. Elle ne voyait pas « les vieux », ne faisait pas la différence entre quarante et soixante-dix ans. A seize ans, elle avait regardé de la même manière ceux qui en avaient dix-huit (la majorité ! Quelle chance !), et trouvait qu’à quatorze ans on était un gamin.  Puis à dix-huit c’était vingt ans l’âge d’or. Puis à trente, elle s’était retournée pour se rendre compte qu’on n’était encore des enfants à vingt ans. S’inquiéter de réussir un examen ! Avoir l’impression de rater sa vie, que cette petite journée à remplir une feuille sous le regard perçant d’un surveillant était une question de vie ou de mort. Ça lui semblait si superflu a posteriori, qu’est-ce qu’on s’en fout, des diplômes. Puis à cinquante elle avait pensé pareil de ceux qui avaient la trentaine, et au lieu de ne plus voir la différence entre « les vieux », elle avait arrêté de voir la différence entre « les jeunes ».

Les problématiques de vie changent. Ça ne l’a pas empêchée d’avoir des ami·e·s de tout âge, sept, vingt-trois, trente-huit, soixante-quatorze, quatre-vingt, cent dix. Elle aime écouter les visions du monde des autres, les heurter à la sienne, changer d’avis parfois et restée butée sur ses idéaux d’autres fois.

Roz est beaucoup plus jeune qu’elle, c’est un fait. Ça ne veut pas dire que Katell ne respecte pas ses positions. Ça ne veut pas non plus dire qu’elle doit être d’accord avec elle. Mais elle n’aurait pas dû partir du principe qu’elles se comprendraient : elles n’ont pas vécu dans le même monde, après tout.

La vieille voudrait lui demander : est-ce que c’est la colère d’Arctia, que tu exprimes, ou la tienne ? Est-ce que vraiment les robots procèdent les informations de la même manière, transforment les tons et les mots en émotions et peuvent s’en sentir blessés ? Ou est-ce qu’Arctia a trié ses propos pour en retirer ce qu’elle voulait ? Mais Kat a l’impression que ce n’est pas le problème. Le problème, c’est que cette jeune humaine n’a que des droïdes pour compagnons depuis va savoir combien de temps. Évidemment qu’elle projette ses émotions sur eux. Évidemment qu’elle veut les protéger. Et elle a en partie raison : Arctia s’occupe de sa ruche depuis au moins plusieurs décennies au vue de l’état de la végétation alentours. Les droïdes ont leur propre système, la machine a en effet fait comme elle pouvait et comme elle savait. Et ce n’est pas sa faute si ses concepteurs l’ont pétri d’un capitalisme qui détrempait partout. Alors Kat n’avait pas à lui reprocher d’accepter un échange de services qui, d’ailleurs, découle d’une bonne intention.

– J’irai m’excuser auprès d’Arctia.

Kat doute, sincèrement, qu’Arctia ait été blessée par leur échange. Mais elle s’excusera, à la fois pour Roz qui elle est véritablement offensée, pour reconnaître l’erreur de sa condescendance et pour remettre en question ses certitudes sur le fonctionnement des robots. Roz connaît mieux les droïdes qu’elle, c’est certain, et Kat est prête à changer d’avis. Après tout, elle a fait un câlin à un amas de métal pour la première fois de sa vie il y a quelques minutes.

– Je suis vieille. Et j’ai des idées assez arrêtées sur comment j’ai envie de vivre ma vie. On n’a certainement pas les mêmes et on va pas faire les choses à ma manière juste parce que je parle plus fort. Mais je vais quand même vivre en accord avec mes valeurs.

Kat se relève pour finir de préparer la boisson, laissant à Roz le temps de reprendre ses moyens et de digérer ce qu’elle vient de dire. Kat aussi continue à réfléchir à ses paroles. Roz a insisté sur le vous, toute à l’heure. Vous saviez. Comme si elle non. Qui a-t-elle perdu ? A qui n’a-t-elle pas pu dire au revoir ? Elle est visiblement en deuil, le ton désobligeant de Kat envers Arctia n’explique pas qu’elle réagisse avec autant de force. Mais ce n’est probablement pas le moment de poser des questions, Roz renifle, alors Kat reprend en partageant sa propre histoire tout en broyant les fèves et en retirant les coques :

– C’est une de mes filles qui m’a enrôlée dans le programme. Moi j’étais prête à la vivre, la fin du monde. J’ai aimé mes compagnons de vie et s’il était temps de mourir à leurs côtés, soit. Mais j’ai accepté, oui. Pour pouvoir partager mes savoirs avec les gens qui en voudraient et que toi et d’autres puissent faire autre chose que survivre en buvant de l’eau terreuse. Toi aussi, du coup, tu fais partie de ma nouvelle famille, même si on ne s’est pas choisies. J’espère que je ne serai pas juste la vieille chieuse qui comprend rien, finit-elle dans un rire court.

Kat coupe de fins morceaux de fève au dessus de l’eau chaude, râpe au mieux une racine sucrée dont elle ne connaît pas le nom, puis verse le chocolat chaud dans sa tasse, qu’elle tend ensuite à Roz.

– C’est pas encore le meilleur chocolat du monde, mais c’est pas mal.
Katell
⚘ Bouquet d'orties
Katell
Katell
Mar 14 Fév - 11:49
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« 20 ans, plus ou moins. »

Roz observe le fond de sa tasse. À mesure qu’elle souffle dessus, pour en diminuer la température, de petits morceaux de plantes passent par la surface avant de replonger dans un ballet tourbillonnant. Elle n’arrive pas à se souvenir de la dernière fois qu’elle a eu entre les mains une boisson si organique. Chez elle, tout était synthétique, chaque aliment, artificiel. Il était bien plus simple de générer ce dont on avait besoin plutôt que de chercher à le récolter dans une biosphère meurtrie et mortelle. Alors elle regarde danser ces miettes de vie.

« C’est ce qui nous sépare ; ce qui vous séparait de la fin du monde. Aux dernières estimations, il nous restait 3 ans de survie. J’étais préparée à l’ironie que ma vie s’arrête 42 ans après ma naissance. Pas qu’on avait le choix. J’ai jamais vraiment eu mon mot à dire sur tout ça ; mais faut croire qu’on s’y habitue pas. »

Le goût était définitivement différent. Présent, sans conteste, mais elle n’était pas sûre de pouvoir appeler ça du chocolat. Elle n’était pas sûre de grand-chose quand ça concernait ce nouveau monde et son naturel omniprésent. Au moins, la texture étrange éveillait son intérêt.

Elle n’attendait pas de réponse de la vieille survivante à son explication. Elle ne savait pas ce qu’elle attendait d’elle, en réalité – pour le silence, c’était raté. Elle pensait que ce serait sympa de rencontrer de nouvelles têtes, mais voyait maintenant qu’elle n’avait pas la place dans son cœur pour réceptionner cette imposante et incompréhensible nouvelle famille. Mako, lui, estimait qu’elle gagnerait des savoirs et des attaches utiles à sa survie – très pragmatique. Arctia avait déjà eu l’occasion de lui donner raison ; elle allait tenter la même chose avec Kat – elle-même admettait que c’était son rôle.

Sa tasse vide, elle s’approche du feu. Avec l’aide de son couteau, elle y met quelques braises et un petit morceau de bois incandescent. Elle fait signe de la suivre et part rapidement se poser devant un rocher couvert de mousse. Elle trempe le bout de sa lame dans le pot de flammes et commence à tracer des lignes sur la pierre. Les couches végétales se rétractent dans une lueur écarlates sous son trait, laissant derrière elles la pierre à nue, bordée de contours cramés.

« C’est pas juste une histoire de soudure. »

Le dessin prenait forme. Des lignes droites, des angles précis, une perspective isométrique ; Roz avait l’habitude des schémas de haute technicité. Son support n’avait pas grand-chose en commun avec les espaces virtuels qu’elle arpentait auparavant, mais ce serait bien suffisant. Le plan de ce qu’on pouvait désormais deviner comme étant la droïde Arctia se complétait en un rien de temps.

« Cette forme réduit énormément sa mobilité, elle a l’habitude d’être plus souple, plus agile, plus légère. Ces articulations, là, l’empêchent d’atteindre toute la partie arrière de ses jambes seule. Et dans cet environnement, ça veut dire que ça devient inévitablement un nid à spores et autres plantes reloues. Mon hypothèse, c’est qu’elle a déjà dû abandonner des dizaines de carcasses pour survivre, réduisant un peu plus à chaque fois ses options, et qu’elle ne pouvait pas aller chercher mieux sans vous laisser longtemps. Elle est réticente me laisser comprendre plus en détail ; elle a p’tête honte, elle est p’tête pudique – pas très grave. »

Son dessin fini, elle retourne le récipient d’un coup sec, sa main emmitouflé dans sa manche. Le temps que le feu s’étouffe, elle prend un photo de son chef d’œuvre techno-primitif. Son œil encore rouge, elle retrouve un fragment de sourire. Elle n’est certes pas prête pour survivre à l’extérieure seule ; mais elle connaît ceux qui le font depuis beaucoup trop longtemps – et n’oubliera pas ce qu’elle leur doit.

« Voilà, on a plus qu’à la démonter pour virer tout ça. »
Roz
❀ Hortensia
Roz
Roz
Où l'on déterre des fossiles Hydrangea-flowers
Ven 17 Fév - 18:29
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Katell fronce les sourcils, essayant de comprendre. Vingt ans. Elle a été cryogénisée en 2070, ce qui implique que la génération 3 l’ait été en 2090. Elle a mal au cœur. On leur avait dit que la pandémie était incontrôlable, que préparer le Futur c’était maintenant ou jamais. Mais les petites bêtes coriaces qu’ils sont ont survécu encore vingt ans. Vingt ans qu’elle aurait pu passer avec Ayden, ses enfants et ses petits-enfants. Pour arriver à quatre-vingt-dix ans en sachant qu’une petite portion de l’humanité survivrait aux pandémies et à la mort des insectes et des plantes, parce que la terre se remet vite, quand les humains ne sont plus là pour l’exploiter. Vingt ans. Vingt-trois ans, même. Elle a envie de vomir. Si Sterenn avait su qu’elle allait passer vingt ans sans sa mouman, est-ce qu’elle l’aurait poussée à s’enfermer dans un caisson pendant tout ce temps ?

Elle est distraite par une nouvelle information ; Roz n’a pas 42 ans, elle a l’air si jeune encore, les gens prennent certes des drogues anti-âge mais elles n’ont quand même pas pu autant s’améliorer en vingt ans. Si elle pensait mourir à 42 ans, en 2093, alors elle est née en 2051. Elles ont vingt ans en commun. Vingt ans où Katell a dû apprendre à manger autrement, puisque les abeilles tombaient comme des mouches, là où Roz n’avait rien pour comparer. Puis Roz a vécu la pandémie dans son entier, tout ce qui a pu être mis en place pour la limiter, pour pouvoir survivre encore vingt ans, là où Kat n’a connu que la première année de panique, celle où l’Ankou est venue faucher Maelys et tant d’autres, celle où partout on les incitait à venir passer les tests pour savoir s’ils seraient les heureux élus aptes à la cryonie.

Roz laisse entendre, encore, son absence totale de choix. Est-ce qu’elle a été cryogénisée de force ? Peut-être même avant 2090, pour avoir l’air d’à peine sortir de l’adolescence ? La nausée lui secoue l’estomac.

– Tu écoutais Tsuhane Kumi, toi ? Y avait encore eu des concerts virtuels, après 2070 ? Ils parlaient de l’arrêter pour un nouvel avatar plus vendeur, mais j’ai jamais eu la fin de l’histoire.

C'est Kaëlig qui était fan, Kaëlig qui en parlait encore juste avant la cryo, parce que Kat ne pourrait pas regarder avec lui le concert virtuel qu'elle lui avait offert pour son anniversaire. Mais qu'importe ce qui est choix et ce qui est subi, maintenant Kat est là et doit vivre avec ce qu'il y a autour d'elle. Kaëlig est mort.

Elle se lève pour accompagner la technophile. Elle voudrait prendre le temps de mieux répondre à Roz, mais celle-ci se concentre sur des faits, ne regarde pas dans sa direction, fuit dans le technique. Katell suit vaguement : elle s’est peu intéressée à l’ingénierie et à l’informatique, sa passion pour les langues et pour les savoirs artisanaux prenaient déjà beaucoup de place. Elle ne serait clairement pas capable de construire seule un nouveau corps fonctionnel pour Arctia, elle n’a aucune idée de ce qui importe pour un droïde et n’arrive pas à communiquer avec eux. Mais elle sait apprendre, et elle se penche réellement sur la question. Une manière comme une autre de garder la tristesse à distance pour elle aussi.

– Si je comprends bien, virer tout ça, c’est aussi une solution court-terme, les spores vont juste revenir remplir ses articulations, la boîte là et globalement tous les endroits où y a du jeu ? Je peux m’occuper d’elle régulièrement si besoin, mais est-ce qu’on ne pourrait pas faire mieux ? Elle n’a pas le temps de chercher des pièces pour elle parce qu’elle doit maintenir les capsules en état, mais peut-être que nous, on peut trouver quelque chose pour servir de filtre, au minimum ? Ou même des jointures rondes qui lui permettraient de se retourner à 360° pour être plus autonome dans sa maintenance.

En regardant le schéma de Roz, elle imagine un million de possibles. Les droïdes avaient des corps tellement plus avancés, à l’époque.

– Enfin, je dis « nous », mais j’ai pas les compétences pour mener ce genre de projet à bien. J’ai fait de la méca auto, sur les anciennes à essence avant leur interdiction et sur les nouvelles aussi, de l’élec, du bricolage… Je sais faire pas mal de choses si on me dit quoi faire, mais je sais pas faire de diag pour des droïdes, j’ai pas leur plan global en tête. Et puis je n'ai pas trop bougé d'ici encore, je ne sais pas où trouver les pièces, non plus.
Katell
⚘ Bouquet d'orties
Katell
Katell
Lun 20 Fév - 10:14
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Tsuhane Kumi… Ça faisait sens.

On perd vite la notion d’époque quand on ne vit les années qu’à moitié. L’ensemble de son enfance manque de repère ; cette accumulation de strates, de références culturellement informe et, à ses yeux, trop éphémère. Mais ce nom, ce nom ne surgit pas d’une mode passagère croisée deux fois à l’écran. C’est un classique dont elle est familière – la star préférée de son père.

« L’entretien régulier, c’est une solution pérenne. Les filtres, pourquoi pas, mais j’sais pas faire ça et j’suis pas experte en ventilation hardware. Pour le reste… On peut rien projeter sans avoir de nouvelles pièces. Faut partir du principe qu’elle est déjà dans le meilleur état qu’elle pouvait se permettre... »

C’est normal qu’elle regarde ses compagnons comme des outils si Kumi est son idée d’une machine pensante. Elle n’était qu’une voix synthétique opérée comme un instrument – la meilleure – à qui on avait doté un corps virtuel autonome dans le cyberespace. Elle était le symbôle de la fin d’une époque, où l’humain avait encore la main sur sa création. Peu étonnant qu’elle lui plaisait autant.

« … J’ai aussi besoin de nouvelles pièces pour Mako. J’suppose que ça me coûte rien de ramasser ce qui pourrait aider Arctia. J’lui demanderai ses logs d’abandons modulaires tout à l’heure. »

Mais avec la fin du monde, vint aussi l’avènement de l’autonomie artificielle. En musique, ce fut l’ElectronIAc. Beaucoup y virent un cache-misère, pour couvrir le fait que les artistes, éternels précaires, furent touchés de plein fouet par la pandémie. Ils ne comprenaient juste pas. La beauté hypnotique d’une mélodie infinie personnelle, qui n’existait que pour et par soi. Une perfection intimiste impossible à reproduire, inutile à partager, notre essence intérieure déclinée en notes. Sans doute ne méritaient-ils pas un tel miracle.

« J’m’occupe du premier nettoyage, j’veux observer ses sous-routines mécaniques de plus près de toutes façons. Vous pourrez regarder si elle l’autorise. »

Elle était déjà en chemin, encore perdue dans ses pensées, à faire des allers-retours entre le passé et le technique. La descente du tunnel passa en un rien de temps, occupée qu’elle était à pianoter sur son interface tactile. Son téléphone était saturé de médias et informations, ce qui n’était pas un mince exploit au regard des capacités de stockage que son ancien présent connaissait. Elle devait certainement beaucoup de cet espace occupé à son compagnon robotique – lui seul pouvait jongler avec autant de données dans ses proches. Mais l’idée même de lui laisser ce dispositif ? C’était la marque d’une personne qui ne savait pas comment la faire hériter d’une nouvelle vie.

Évidemment qu’il lui avait laissé ce souvenir.

Un tonnerre d’applaudissement. Les diodes s’agitent en un camaïeu frénétique. Roz s’approche vers la droïde pour la prendre par la main et l’amener un peu plus loin. Une voix résonne dans le couloir, suivie de percussions. Roz s’installe, et la guitare fait vibrer les amplis de la ruche. La foule acclame la diva et le concert commence.

« Son dernier. Elle n’a jamais été remplacée. Le monde avait déjà trop changé... »

Alors qu’elle commence à dévisser l’une des jambes, sa vue se trouble et sa tête bascule vers l’avant.
L’instant d’après, deux bras rigides essayent de l’étreindre ; un protocole qu’elle reconnaît.
Son souffle entrecoupé de sanglots.
La star préférée de son père.
Roz
❀ Hortensia
Roz
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Où l'on déterre des fossiles Hydrangea-flowers
Lun 27 Fév - 20:44
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