L'heure est grave tu es presque arrivée, mais voilà que le sol se met à trembler - Jumanji
S’arracher à son sommeil artificiel fut difficile, comme si tout son être luttait contre la lumière, les sensations… Et pourtant, bien plus rapide qu’Ava ne l’aurait cru, le temps que les substances injectées par sa capsule ne fassent effet.
La ruche comprenait trois autres capsules. Deux d’entre elles étaient ouvertes, et la dernière, au fond, semblait fermée, même si elle n’en était pas certaine, vu d’ici. La jeune femme jugea préférable de ne pas s’en assurer, un peu mal à l’aise à l’idée d’aller observer une personne assoupie à son insu. Elle préféra aller inspecter son équipement.
Grâce au matériel de stockage, tout semblait avoir survécu au passage du temps. L’harmonica de son père ne portait pas la moindre trace de rouille. La photo de famille ne s’était pas jaunie. Le châle de sa mère avait certes perdu son odeur, mais il conservait cette douceur familière et sa couleur d’un bleu éclatant. Les graines héritage avaient l’air intactes, elle aussi.
La liste de matériel d’agriculture et d’apiculture qu’elle avait demandée lui avait bien été fournie, ce qui était une excellente nouvelle pour elle, mais aussi pour sa future communauté. Le reste du matériel correspondait à ce qui lui avait été annoncé avant la cryonie, et tout semblait satisfaisant.
Alors, elle avait enfin émergé du souterrain. Elle se trouvait dans une jungle au sol bleuté, et ne tarda pas à apercevoir un campement dans les arbres, qui avait dû demander beaucoup de travail – peut-être à l’un de ses compagnons de ruche. A l’exploration, elle découvrit une note de quelqu’un qui promettait de revenir. Elle s’installa dans une cabane qui semblait n’avoir pas encore été occupée, et elle se mit au travail sans plus attendre.
Les abeilles attendraient, puisqu’elle devait d’abord en trouver. Pour l’instant, il lui fallait identifier le meilleur endroit pour semer ses plantations. Elle passa donc les jours suivants à explorer les alentours, selon un itinéraire en étoile qui lui permettait de rentrer se reposer au campement, dont elle n’osait pas encore trop s’éloigner, d’utiliser les plateformes en hauteur pour étudier l’horizon, et aussi d’économiser son papier en traçant au charbon un plan sommaire des environs, directement sur les parois de la salle de la ruche où elle stockait son matériel de travail.
Cela faisait désormais trois jours qu’elle était réveillée, et elle n’avait pas aperçu le moindre être humain. La veille, elle avait trouvé un point d’eau, où quelques espèces animales venaient s’abreuver, l’un de ces endroits où régnaient une paix tacite, ou prédateurs et proies se côtoyaient sans s’affronter, alors même que les uns attaqueraient plus tard les autres, en un autre temps et un autre lieu. Cependant, s’il lui permettrait de remplir sa gourde, il ne suffirait pas à l’irrigation des plantes.
Alors, ce matin-là, elle décida de faire une petite embarcation, comme celles qu’elle fabriquait autrefois avec son père, l’été, pour aller sur le lac du ranch. Et elle prit la direction de la grande île qui se trouvait juste en face des abris suspendus.
Le temps qu’elle s’affaire, quelque chose avait changé dans l’air, mais elle n’aurait pas exactement su dire quoi. Après avoir mis pied à terre, cependant, elle réalisa enfin que tout était étrangement silencieux. Le calme avant la tempête ? Comme pour lui donner raison, un grondement sourd commença encore à retentir. Elle ignorait que tout à l’heure, sur cette même île, la terre se fendrait. Pour l’heure, il ne s’agissait que d’un bruit inquiétant.
Émergeant des arbres dans une zone où la végétation se faisait plus dégagée, elle aperçut soudain une jeune femme.
Un être humain.
Enfin !
Elle lui fit signe avant de s’approcher.
- Si vous saviez comme je suis heureuse de vous voir ! Vous êtes la première personne que je croise depuis mon réveil. Je m’appelle Ava.Le bruit continuait de forcir.
- Vous aussi, vous l’entendez ?