C’est avec un certain enjouement que Callem retourne enfin vers sa ruche.
Il en a encore pour deux jours de marche au moins, voire un peu plus puisqu’il se permet de prendre son temps et de s’arrêter ici et là, comme il le fait d’ailleurs à l’instant pour se tremper les pieds dans l’eau froide d’un petit ruisseau, puis cueillir quelques fruits bien juteux et les savourer en admirant le paysage: c’est bleu ici, oui, encore plus que là où il avait construit ses abris.
Sa rencontre avec Cassiopée, bien que courte, l’avait ressourcé. Néanmoins, leurs chemins s’étaient séparés un peu plus vite qu’il l’aurait voulu : la jeune femme étant toujours à la recherche de son frère, tandis que lui-même s’en retournait vers sa ruche. Il lui avait donné des indications pour qu’elle puisse l’y rejoindre un jour, peut-être, et elle l’avait laissé avec l’espoir de ne pas finir sa vie complètement seul. Quand bien même cela prendrait plusieurs semaines avant de croiser à nouveau quelqu’un, au moins, maintenant, il sait qu’il n’est pas seul au monde et c’est déjà rassurant.
Ce qui l’est moins sont ces secousses, soudainement, qui font frissonner la jungle tout entière. Sous les pieds de Callem, le sol ne veut pas rester en place. L’homme sautille, chancelle, tombe et s’agrippe à une souche en se couvrant la tête de peur que le ciel lui tombe dessus à son tour... Et puis rien. Aussi vite qu’il en était sorti, le calme s’était remis dans son lit.
De retour sur ses pieds, Callem s’empresse, mais à quoi bon ? Presser à ce point le pas ne pourra que l’épuiser bien avant qu’il n’arrive à destination... Sauf qu’il s’inquiète pour ses constructions, pour sa ruche et surtout pour les gens qui sont encore enterrés dans cette dernière - ô faites qu’ils soient tous sains et saufs - donc ça ne l’empêche pas de faire un bon petit bout, quelques kilomètres au moins, avant de ralentir. Et encore, ce n’est même pas à cause de son souffle rapide ou son cœur battant qu’il s’arrête enfin, mais en réaction aux bruits ambiants.
Oh-oh. Tout près, ça hurle et ça piaille.
C’est qu’il reconnait ces cris-là: à l’allée, il y avait eu le malheur de passer par un bosquet fruitier habité par une assemblée de tamarins qui avaient tenté de le lapider à coup de fruits à coques... Ce n’était, assurément, pas une expérience qu’il était prêt à répéter. Ou du moins, il ne l’avait pas été avant d’entendre la voix féminine jurer à travers les exclamations primitives ; maintenant, rien n’aurait pu l’empêcher de se précipiter en plein cœur du chaos.
Les cris des singes sont stridents, mécontents, mais également un brin moqueurs à son oreille. Peut-être qu’ils ont même un peu raison de rire de cette jeune femme qui essaye de les assommer telle une comédienne armée d’un bâton-claqueur.
Tout en se jetant dans le feu de l’action, il observe, constate, comprend. La jeune inconnue veut faire fuir les primates afin de reprendre ses provisions, mais Callem prédit déjà qu’elle n’y arriverait pas: d’expérience, il sait que ses petites bêtes sont vicieuses et inépuisables. Mieux valait essayer de récupérer quelques fruits, puis s’ensauver avec un peu plus que rien.
—
Aaaaaaaah ! Les viles créatures qui s’amusaient des tentatives de violence de la jeune femme n’apprécient pas autant les siennes de vol. À peine Callem avait-il pu ramasser deux ou trois fruits qu’il sentit un choc sur son épaule, puis des petites mains hargneuses lui tirer les cheveux dans tous les sens.
Roulent, roulent les fruits tandis qu’il agrippe à deux mains l’animal qui, lui, s’acharne de plus belle à son encontre.
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Fuyons !Lance-t-il en jetant un oeil vers Evalyn, bien qu’il en soit difficilement capable maintenant qu’un deuxième tamarin lui saute sur le torse.
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