Aelys prend deux bonnes minutes, étalée sur le dos à respirer. C’est quand même vachement agréable de respirer… C’est con d’avoir failli s’en priver définitivement. C’est décidé, le jour où elle en a marre de Gaïa c’est pas par la noyade qu’elle partira !

Les yeux verts se relèvent sur la rouquine quand elle commence à parler. Elle bafouille parce qu’elle est encore essoufflée ? Ou alors… ça a un lien avec ses joues cramoisies ! La blondinette se refait les dernières minutes dans sa tête avant de comprendre. Sous l’eau elle était trop concentrée sur l’urgence de la situation pour vraiment y faire attention mais la rouquine lui a bien rendu un baiser, et pas qu’un peu ! Avait-elle fait ça par réflexe sans comprendre ce que voulait Aelys ou était-ce la quête d’une ultime satisfaction avant la mort ? Ou alors la médecin a juste été très cool depuis leur rencontre et ça valait bien un baiser ?

Aelys s’amuse de ses théories stupides et des rougeurs sur les joues d’Alice. Elle est mignonne quand elle ne sait plus où se mettre. Quand sa camarade de survie lui tend la main, elle la prend pour se relever et s’étire avant d’attraper son sac sur l’échelle et de le caler sur son dos. Avant de grimper, elle ne résiste pas et se tourne vers Alice.

“- Au passage, la prochaine fois que t’as une envie irrépressible de me rouler une pelle, évite le moment où j’essaie de sauver ta peau. C’est du gâchis j’ai pas pu en profiter.”

Elle a un large sourire à la fois charmeur et plein de confiance, peut-être un brin amusé aussi à en juger par la lueur dans ses yeux verts. La blonde savoure un instant la réaction d’Alice puis se met à grimper. Ce petit interlude l’a détendue, ça fait du bien après avoir failli mourir à plusieurs reprises.

L'ascension leur prendra de longues minutes et elles devront prendre garde à des barreaux d’échelle trop abîmés pour être utilisés. Aelys préviendra toujours Alice quand elle tombera sur un. Ce serait trop bête de tomber maintenant qu’elles sont si près du but. Enfin la médecin parvient sur le toit. La nature y a repris ses droits et un arbre de belle taille occupe un côté, de l’herbe et quelques arbustes se sont aussi développés formant ainsi un toit végétalisé. D’ici elles peuvent voir la plage non loin. La médecin pose son sac sous l’arbre et s’assoit avec un soupir de satisfaction.

“- Y a plus qu’à attendre de pouvoir retourner sur la terre ferme…”

Elle regarde Alice qui la rejoint.

“- Si tu ne m'avais pas tendu la main quand je t’ai fait la courte échelle, je serais morte aussi. Donc on est quitte. Puis avec un baiser si passionné à la clé, ça valait le coup.”

Aelys a de nouveau cet insupportable sourire aux lèvres : charmeur, assuré et amusé. La pauvre Alice n'a pas fini d’en entendre parler. L’occasion est trop belle pour passer à côté et maintenant qu’elles ne sont plus en danger rien ne peut empêcher la blonde de passer le temps aux dépens de la rouquine.

Aelys est tranquillement installée contre le tronc de l’arbre et écoute Alice se justifier. Un sourire fleurit sur ses lèvres alors qu’elle retient un rire.

“- Je peux bien savourer un peu non ? Tu es la première personne que je croise depuis mon réveil, et ce sera probablement mon dernier baiser avant une éternité.”

Elle rit un peu avant de reprendre un peu de son sérieux. Plus calme, elle regarde la rousse qui semble encore troublée.

“- Plus sérieusement, j’aime bien ta façon de rougir et d’être toute perturbée. Outre le fait que t’es mignonne avec le feu aux joues, cette candeur qui se dégage de toi actuellement a quelque chose de rafraîchissant. La candeur, l’innocence, l’insouciance, ça fait des années que je n’avais pas vu quelqu’un en montrer un peu. On n'avait pas ce luxe là où je vivais. Désolée de m'être amusée à tes dépens, je voulais profiter un peu de voir quelqu’un de… Différent.”

Elle lui offre un sourire sincère mais n’a pas le temps de rendre le moment gênant qu’un bruit lui fait relever la tête. Ce qu’elle prend au début pour un gros insecte ressemble en réalité davantage à un colibri. Quelque chose lui semble étrange et l’incite à regarder avec plus d’attention, sans pour autant bouger et risquer de l’effrayer. Le colibri est en réalité un petit drone, si pendant un instant ça ne surprend pas la blonde, elle réalise finalement qu’une telle technologie n’a plus rien à faire là vu l’état du monde. Elle fronce les sourcils et se tourne vers la rousse pour voir si ça fait davantage sens pour elle. Quand finalement ses yeux se reposent sur l’étrange appareil, la scène devient encore plus surprenante. En effet, l’engin pollinise la fleur avec une sorte de… Pollen bleu. Pourtant la médecin peut jurer qu’elle n’a rien fumé aujourd’hui.

“- Tu avais déjà vu des engins pollinisateurs Alice ? Ou du pollen bleu ? Parce que je m’y connais un peu en botanique et j’en ai jamais vu… Je veux bien que la flore ait changé mais là…”

Elle se tourne vers la jeune femme.

“- Vous avez encore accès à une technologie pareille ? Si on avait eu ça à mon époque on aurait peut être pas subi la famine de plein fouet…”

Elle est un peu perdue. Depuis son réveil il lui semble que la civilisation humaine s’est effondrée, emportant avec elle toute la technologie, et voilà que des drones pollinisateurs font leur apparition ? Qui a créé ça ? Et quand ?

Aelys se redresse et prend un peu de pollen bleuté sur ses doigts, elle en apprécie la texture en frottant doucement son pouce contre son index. En rapprochant la substance de son nez, elle cherche à confirmer qu’il s’agit bien de pollen avant de finalement… Se lécher le doigt pour en être sûre. Ouais, ça y ressemble… Après, est-ce qu’il est comestible ? Elle le saura bien assez tôt.

“- Je ne suis pas certaine qu’il y ait un lien entre la couleur du pollen et la couleur de la végétation… Sinon à notre époque on aurait eu une flore majoritairement jaune.”

Se radossant à l'arbre, elle écoute la rousse qui visiblement n’en sait pas plus long qu’elle sur ce qu’il vient de se passer sous leurs yeux. C’est pourtant une découverte importante qu’elles viennent de faire. Il existe une technologie capable de remplacer les pollinisateurs disparus lors de l’extinction de masse. Tant de questions se posent, allant de qui les à créés, à comment ils fonctionnent encore, en passant bien sûr par le quand et le comment… Peut-être y a-t-il des survivants réveillés depuis assez longtemps pour avoir déjà observé ces appareils. Eux ont peut être des réponses.

“- Je sais pas ce qu’avait prévu Perséphone, je voulais pas participer… Faudrait suivre les drones pour trouver d’où ils viennent, mais ça me semble compliqué.”


Elle regarde la fleur d'Hellébore tatouée à l’intérieur de son poignet droit et regarde celui de la rousse, une feuille de houx ? C’est donc une première génération si elle se souvient bien… Une utopiste probablement.

“- Génération un c’est ça ? Je suis bien de la troisième, vers la fin je dirais… Et non, j’ai jamais vu d’engins comme celui-là, ça aurait redonné espoir à beaucoup de monde je pense. Si c’était déjà en projet alors je n’en ai jamais eu connaissance. Mais comme dit, j’étais sûrement pas la mieux renseignée sur le monde d’après.”

Elle ouvre son sac et attrape sa gourde pour boire quelques gorgées avant de regarder autour d’elles. L’eau est toujours agitée et il semblerait qu’elles soient coincées là pour un moment. Loin de s’en inquiéter, Aelys se cale confortablement contre le tronc, à l’ombre de la végétation. Il y a pire comme endroit.

“- On va devoir patienter, fais comme chez toi. Et pour répondre à ta remarque de tout à l’heure : je ne suis pas une romantique et je crois pas vraiment en l’âme sœur, plus maintenant en tout cas. Si tant est que j’y ai jamais cru un jour…”

Les yeux d’émeraude se posent sur la jeune femme à la feuille de houx. C’est assez curieux de se dire que leurs chances de se croiser ici relèvent du miracle. L’une est entrée en cryonie avant même la naissance de la seconde. L’une avait sûrement foi en ce projet et l’autre n’a jamais voulu être là. Un petit rire échappe à la blonde en réalisant un détail.

“- En fait… Tu pourrais être ma mère. J’étais même pas née quand la première génération a été refroidie. C’est quoi qui t’a motivée à faire ça ? C’était déjà la merde à ce point à ton époque ?”

Elle sait que c’était déjà pas joli joli à l’époque d’Alice, mais elle peine à se figurer un monde moins catastrophique que celui qu’elle a connu. Comment était la vie à cette époque ? Si elle était plus facile que celle de sa génération, qu’est-ce qui a incité les gens à participer à un projet aussi fou ?