"Mangez-moi" - Billy Ze Kick 

Je m’étais réveillée avec le levé du soleil ce matin-là, avalé quelques baies. Seigneur, que le café me manquait. Après avoir fait un brin de toilette, je décidais de partir faire le tour de mes pièges, en espérant avoir une prise aujourd’hui. Heureusement que j’avais rencontré Junko sans qui je n’aurais pas été capable de survivre si longtemps. Elle m’avait appris quelques bases, notamment comment faire un feu et poser des pièges pour attraper de petits animaux. Elle avait croisé mon chemin depuis déjà plusieurs semaines et j’avais une bonne connaissance des environs maintenant. Callem avait bien choisi l’endroit où installer ses cabanes aussi. J’avais hâte qu’il revienne pour le rencontrer et pouvoir le remercier.

Ma sortie du jour serait une bonne occasion de faire de la cueillette. Mon stock de nourriture commençait à descendre et il fallait que je le remplisse. J’en profiterais également pour chercher des pigments. La cabane était fonctionnelle. Un toit, une plate-forme pour rester en sécurité. La première fois que j’y avais mis les pieds, il n’y avait qu’une table à l’intérieur. Plutôt rudimentaire, mais suffisant pour survivre. L’endroit manquait toutefois d’un peu d’amour. L’idée de décorer un peu les murs me trottait dans la tête depuis quelques jours déjà, mais pour cela, il fallait que je trouve de quoi faire de la peinture.

J’avais perdu un peu la notion du temps, me baladant aux alentours des abris, les yeux fixés sur le sol, à la recherche d’une plante, d’un fruit, d’un piège, ou de quoi que ce soit d’utile. Je réalisais soudain qu’il n’y avait plus aucun bruit. Tous les animaux étaient maintenant silencieux. Étrange. Alors que je me relevais, je sentis mes poils se dresser sur mes bras et mon dos. Une sensation désagréable et familière à la fois me frappa. Ayant passé la majorité de ma vie en Californie, au niveau de la faille de San Andreas, je reconnus automatiquement le tremblement de terre. J’avais horreur de ça à l’époque, mais aucun secours ne viendrait m’aider aujourd’hui. D'instinct, je me couche au sol, en boule, et je recouvre ma tête en attendant que la secousse soit terminée.

CRAAAAAAAACK


Mon dieu, était-ce un arbre qui avait cédé ? Ce bruit ne venait pas de très loin, il faudrait vraiment que je retourne aux cabanes en vitesse avant une éventuelle réplique. Et une fois que le calme sera définitivement revenu, j’irai jeter un oeil à la ruche pour m’assurer que tout va bien pour les deux autres survivants.

"Et merde !!, je vais pas crever comme ça!"

Hein ?

“A l’aide. Y a quelqu’un ?"


Je ne comprenais pas cette langue, ça ressemblait à du français, mais la voix semblait plutôt proche. Je m’avançais alors dans sa direction quand la voix se mit à crier. Cette personne semblait en détresse, je devais trouver un moyen de la rejoindre. Le chemin pour la rejoindre était barré par un arbre qui s’était écroulé, et une jeune femme semblait coincée en dessous. Je ne pouvais pas l’atteindre par ce côté, je devrais donc faire le tour.

Alors que je m’éloignais pour contourner le tronc qui me bloquait l’accès, je l’entendis crier en anglais, elle avait clairement besoin d’aide.

“For fuck's sake, whoever you are, move your fucking ass faster !!"

« J’arrive ! L’accès est bloqué ! »


J’arrivais alors à sa hauteur, l’arbre l'empêchait de bouger, mais elle ne semblait pas blessée. Je regardais autour de moi, cherchant de quoi faire levier pour la dégager de là, ou au moins quelque chose pour solidifier l’appui du tronc sur la grosse roche un peu plus loin.

« Ne bouge pas, l’arbre est sur le point de rompre à cause du choc ! Je vais mettre une grosse branche en dessous, proche de la pierre pour consolider l’appui et je reviens tout de suite. Est-ce que tu vois quelque chose qui pourrait faire levier ? »

¡Dios mío! Quel sale caractère cette fille! Bon je peux comprendre qu’elle soit fâchée, frustrée, énervée d’être coincée sous un arbre, j’avoue qu’à sa place, je ne ferais pas la fière non plus.

Alors que je faisais le tour, je trouvais enfin le morceau de bois qu’il me fallait pour solidifier le tout. Ça me demandait un peu de force physique - que je n’avais pas vraiment - pour le déplacer, et me laissait essoufflé, mais il fallait bien ça, je ne pouvais pas la laisser là en bonne conscience.

“Ma hache !!!!” “Viens par là, j’ai ma hache, le manche devrait être assez solide pouvoir faire levier.”

Encore une fois, je contournais le tronc d’arbre pour l’atteindre, Sa hache était accrochée au niveau de sa hanche, et elle devait lui faire un mal de chien. Je profitais alors du peu d’espace qu’elle m’offrait pour récupérer l’outil.

CRAACK

La situation allait rapidement se gâter, je devais la sortir de là au plus vite. Je cherchais rapidement des yeux l’emplacement idéal pour faire levier, et y installais la lame de la hachette. L’appui serait certainement plus important.

« Je vais soulever, tiens toi prête à te dégager de là, je ne suis pas sûre de tenir bien longtemps moi non plus! »

L’usage de mes muscles n’était pas mon fort, mais avec de la volonté, j’arrivais à soulever suffisamment pour qu’elle puis s’extirper de son entrave. Une fois dégagée, je l’aidais à se redresser et lui tendis sa hache.

« Est-ce que tout va bien? Tu es blessée? Je m’appelle Alba au fait! »

La femme qui se trouvait en face de moi était grande, plus que moi en tout cas, elle avait de longs cheveux bruns et un air renfrogné. Un air de guerrière des temps modernes, si cela voulait encore dire quelque chose. En la voyant nettoyer sa plaie, je me rends compte qu’elle aussi, comme Junko, devait être bien préparée à ce qui se passe ici.

- "Tu sais où on peut trouver de l’argile ? Ce serait l’idéal."

De l’argile? Ça ressemble à quoi dans la nature? Si j’arrivais à en trouver, ça serait tellement parfait! Grand-mère m’a expliqué que l’argile pouvait être utilisée comme shampoing, et puis d’après mon interlocutrice, ça aiderait aussi avec les plaies! * Oui, j’ai le sens des priorités, c’est fou… *

« Je ne suis pas sûre de savoir à quoi ressemble l’argile, si tu me décris de quoi ça a l’air brut, je pourrais peut-être te dire si j’en ai vu dans les environs ! Mon campement n’est pas bien loin, je commence à bien connaître le coin. »

De mémoire, cela ressemblait à de la terre, mais comment différencier l’argile d’autre chose? J’avais beau essayé de m’adapter du mieux que je pouvais, les bases de survies que m’avait enseigné Junko et les éléments qu’on pouvait trouver dans le manuel de survie qu’on nous avait fourni était rudimentaire.

- "UN SEUL ARBRE tombe dans cette jungle et c’est pour ma gueule. T’y crois ça ?!"

J’essayais de rester la plus stoïque possible face à ce commentaire. Il y avait de quoi rire et le rire nerveux était assez fréquent chez moi. Mais face au ton employé par la femme que j’avais sauvé - et dont je ne connaissais toujours pas le nom d’ailleurs - j’optais pour le sérieux, je ne voulais pas la vexer plus qu’elle avait l’air de l’être. Son ego avait sûrement était plus blessé que son corps, ça ne servait à rien d’en rajouter. Alors qu’elle se présentait enfin, j’entendis un bourdonnement inhabituel. C’était la première fois que j’entendais ce son.

« Est-ce que tu…» Commençais-je avant d’être interrompue par le bruit qui devint plus fort. « Tu as entendu toi aussi, pas vrai? »

L’angoisse m’envahit soudain. Ce son est trop fort pour qu’il s'agisse d’une créature inoffensive. Mon instinct me criait que je devais me mettre à l’abri.

« Les cabanes dans lesquelles je vis sont à 5 minutes d’ici, viens avec moi. »