“Oui, c'est vrai. Je l'admets. Aller par là n’était pas la meilleure idée du monde.” Miaulement. “Ne prends pas ce ton-là avec moi, si tu es aussi brillant pourquoi tu ne l'as pas dis plus tôt !” Le culot de ce chat. Toujours à le prendre de haut, avec ses airs de.. de… De quelque chose qu’il n'apprécie pas en tout cas. Le félin s’est réfugié sur son sac à dos et il est lourd ce bousin. Déjà, depuis quand les chats c’est aussi grand ? Pas qu’il soit énorme, mais.. C’est peut-être juste une race d’ici..

Maggie soupire. Il est venu par là après avoir exploré tout l’est de l'île, et être tombé sur un océan à perte de vue. Forcément, il a dû rebrousser chemin. De ce qu’il a pu voir durant tout ces mois, il est sur un archipel, un grand archipel, dont la topographie ne lui dit rien. Le sud n’était pas concluant non plus.
Il essaye de ne pas trop y penser. Il doit seulement... accepter ce qu’il y a devant lui et ne pas poser de question. Ça évite à son cerveau de se tétaniser en cherchant des réponses qu’il ne peut juste pas obtenir. “Me mords pas les cheveux sale chat !” S’il n’était pas dans 20 cm d’eau, il l’aurait déjà jeté à terre ! De l’eau boueuse, vaseuse où il s’enfonce et doit s’accrocher aux branches parfois pour ne pas se retrouver coincé comme un idiot. Mais il doit avancer, il doit avancer, il n’a que ça. Parfois, il se demande pourquoi… Il pourrait très bien, rester en place, rester là et... Il pourrait. Ça ferait un très bon repas pour Galette, elle n’aurait pas à chasser pendant des jours ! Hum... Nan. Ce chat du démon ne mérite pas tel festin, elle deviendrait flemmarde et se ferait bouffer par tout ce qui peut roder dans ce pays fou. Comme par une de ces plantes là.. Sérieusement, c'est quoi ça ?

Il lève la tête. L'atmosphère est bizarre ici. Pesante. Lourde. L’humidité sans doute, mais.. C’est comme si tous les bruits étaient plus étouffés par la flore dense, et même les animaux se font plus silencieux.
…Il devrait arrêter de rêvasser et sortir de cette mare avant d’être avalé. Il a faim en plus. Il a perdu du poids. Ce n’est pas le gibier qui manque ici mais il y pensera quand il sera sur de la terre plus ferme. Au moins il a pensé à enlever ses vêtements avant, restant dans la combinaison de cryonie pour traverser. Moins de risque d’accrocher des merdes sous l’eau et de déchirer le tissu qui a déjà assez morflé comme ça. Ses cheveux eux, sont noués en tresse à moitié défaite, et sa peau est brunie par le soleil et la saleté. Il a l’air d’un homme fou, un taré échappé d’un asile, avec un chat noir sur le dos qui lui mord les oreilles.
Mais bon, ce n’est pas comme si son apparence était d'une quelconque importance, qui va-t-il croiser hein ? Personne. Il n’y a personne. Juste des noms et des traces. Ou des bassines qui ne s'ouvrent pas. Quant a celle déjà ouvertes.. C'est un mystère. Alors qu’est-ce qu’il s’en fiche. Et de toute manière, il a vu pire. La première fois qu’il s’est fait tirer dessus, le choc et la douleur étaient tels qu’il s’était pissé dessus, alors bon, la classe tout ça... Ça arrive souvent, il parait. Heureusement, se prendre une balle reste rare (et ça ne risque plus de lui arriver).

“MERD-” Un trou. Il s’attrape à une branche in extremis, le niveau du sol a soudainement piqué, et la flotte était trop dégueulasse pour qu’il le voie. Galette saute dans l’arbre et disparaît, lui s’accroche pour ne pas tomber face la première dans la sauce.

Crack.

Oh.

La vase, ça a un goût dégueulasse.

Merde. Depuis quand était-il devenu si mauvais que ça en orientation ? Le voilà qui s'était perdu dans des espèces de marais, alors qu'il cherchait à retrouver le chemin de sa ruche. Beaucoup de temps était passé et il avait l'envie de voir si des gens s'étaient réveillés ; et si oui, il comptait bien les aider, comme si c'était son devoir. Sauf qu'en attendant, il se retrouvait à patauger en devant faire attention à chacun de ses pas. Pourtant c'était bien par là, quelque part au sud, il en était sûr. Il se souvenait avoir aperçu un paysage du genre au loin, lorsqu'il marchait, mais l'avait contourné. Il aurait vraiment dû faire la même chose plutôt que d'y aller à l'arrache en partant du principe qu'il avait vécu pire.

Pour éviter de trop détruire ses habits, il avait opté pour la combinaison de cryonie qui laisserait bien moins de boue et de vase rentrer. Tant pis pour le moule-bite, c'était vraiment pas quelque chose qui le préoccupait. Il avait aussi hésité sur s'il devait porter ses bottes avec le risque de les perdre si elles s'enfonçaient trop ou y aller pied nu et risquer cette fois de se blesser. Finalement, il avait opté pour une solution peut-être idiote mais qui lui avait semblée intéressante : il avait passé un moment à fabriquer des espèces de bottines en feuilles de bananier, prenant soin de les caler pour qu'elles ne puissent pas le couper et couvrent bien l'entièreté de la peau. S'il les perdait, ce n'était pas bien grave et au moins ça encaisserait une coupure ou quoi que ce soit se cachant sous les eaux troubles.
Sa plus grosse inquiétude, finalement, c'était surtout les animaux. Qu'est-ce qui pouvait vivre par là hein ? Des tigres ? Des serpents ? Des crocos ? Tss. Au pire, il espérait juste avoir une mort rapide. Plutôt le tigre que le poison du serpent.

Il entendit un bruit au loin, et se figea tout d'abord, aux aguets. Et puis finalement, il reconnu une voix humaine quoique la distance l'empêche de comprendre ce qu'il baragouinait. Alors il repris sa marche, approchant du son pour voir si, peut-être, sa source pouvait avoir besoin d'aide. Et en effet, vu l'espèce de cri suivi d'un craquement... la personne qu'il devina être un homme s'était visiblement vautré lamentablement. Forcément, vu le lieu, c'était rapide de se faire avoir. Prenant soin de faire attention où il mettait les pieds, le brun approcha et parla pour se faire remarquer.

- Hey. J'vais t'aider, panique pas.

Ah. Il avait de la vase jusque dans les cheveux. Berk. Lysandre approcha et tendit la main pour l'attraper par le coude et le redresser en le tirant de là. Hors de question qu'il approche trop, l'eau semblait bien plus profonde là.

Un mouvement attira son attention et il fronçait les sourcils en levant le nez. Un chat ? Sérieux ? Ca existe encore ces trucs là ? Bah. Ce n'était pas vraiment un danger. Il préféra s'assurer que l'autre type tenait sur ses pieds à nouveau avant d'observer son allure avec un peu plus d'attention. Ce type le faisait tiquer, sans qu'il sache trop pourquoi. Il devait ressembler à quelqu'un qu'il avait connu. Ou alors il voyait si peu de monde que son cerveau voulait absolument voir des visages familiers partout.

- Ca va mieux ? T'as pas bu la tasse ?

Vu le nombre de bactérie qu'il devait y avoir là-dedans, il n'imaginait même pas l'état du transit du gars d'ici quelques heures.

- Viens. Y'a un semblant d'île là-bas, t'pourras t'poser.

Et être une cible de choix pour un croco venant piquer une sieste, mais tant pis. Il fallait faire des choix dans la vie. Et au pire, ils avaient trois yeux pour deux, histoire de voir le danger arriver. Alors il commença à le tirer là-bas, ne voyant pas trop une raison pour que l'autre refuse.

Ah mais c’est DEGUEULASSE, l’odeur pitié, il va l’avoir dans le nez pour des semaines... Patauger dans la vase n’était vraiment, mais alors vraiment pas sur sa liste de souhaits, mais vie de merde là, fait ch-woh !

Il entend des voix..? Non. Non c’est..

Maggie ne bouge plus, regardant l’étranger avec un air entre la méfiance et la surprise du siècle. Depuis quand n’a-t-il pas vu d'être humain ? De véritables personnes, qui parlent, qui bougent, pas un tas d’os sans chair pleine de mousse et de racine ? Il est bouche bée, laissant l’autre l’aider, ne le quittant pas des yeux. Il est grand. Musclé. Marqué.
Peut-être le résultat d’une hallucination. Peut-être qu’il a finalement perdu la tête et qu’il voit ce qu’il veut voir (un inconnu apparemment, ce qui n’a pas vraiment de sens) ou peut-être l’eau croupie lui joue des tours de passe-passe magique tels des champignons. Ah. L’hallucination lui parle. Une question. Il peut répondre. Il secoue la tête, non, il n’a pas bu la tasse, il a ouvert la bouche, mais pas avaler. Enfin, il pense. Il n’est pas sûr. Le goût tapisse son palais et il est certain que ça pétille tellement il doit y avoir de microbiome qui doivent s’amuser à faire la salsa sur sa langue. Immondice.

"Viens. Y'a un semblant d'île là-bas, t'pourras t'poser."

“O..K..Merci ..” Il reste perplexe, mais oui, oui faite le sortir d’ici, faite le sortir de l’eau, donnez lui un sèche cheveux, du shampoing, une douche, des vêtements propres, donnez lui la vie moderne je vous en supplie ! ..Mais bon, le semblant d’île fera l’affaire pour le moment il suppose. Il se laisse emmener, cette hallucination est très réaliste, il ne pensait pas son cerveau capable d'une telle chose, c’est tout bonnement…hallucinant ? Ahah, elle est bonne. Comme l’EAU! AHAH! Ah… Aucun humour.

Ils sortent de ce bousier, non sans manquer de tomber à nouveau, et Maggie décroche sa gourde de son clips, se faisant un bain de bouche rapide, ce n'est pas méga efficace, mais il se sent mieux. “Putain…” Il s’essore les cheveux comme il peut en défaisant sa tresse et ensuite s’assied sur une vieille racine absolument énorme, donnant l’impression d’un banc difforme et cornu.
Son regard se pose à nouveau sur l’inconnu, et il se fige, tendu. Confiance ou pas ? Le brun l’a aidé, il devrait faire confiance non ? Il n’est jamais certain. Qui sait, les couteaux dans le dos, c’est plus commun qu’on ne le pense. Il veut être certain. Il scrute comme s’il cherchait à résoudre une énigme.
C’est juste que..c’est très inattendu, de rencontrer quelqu’un au beau milieu d’un marais aussi peu accueillant, et il se souvient d’un film ou les fumées toxiques d’un marais faisaient voir aux gens des fantômes de leur passé. Ou était-ce une série ? Oui une série, un dessin animé. Peut importe, le problème et que, ce type ? Maggie ne le connaît pas. S’il devait voir quelqu’un de chéri, ça aurait été plutôt son grand-père. Étrange donc.

Mais en même temps… en même temps, il y a quelque chose. Un petit quelque chose. Il ne sait pas quoi. Son œil ? Il a déjà vu cet œil.

Il entend un miaulement, et voit Galette fixer aussi l’étranger depuis son arbre. ..Ce n’est donc pas un rêve. Dommage ?
“...Lysandre..?” C’est la première chose qui lui vient à l’esprit, le seul nom qu’il peut connaître, celui qu’il chasse distraitement. Lysandre pourrait aussi bien être un lieu qu’une marque de bière pour tout ce qu’il sait. “Je cherche un truc qui pourrait s’appeler Lysandre dans le coin.” Dieu, il a l’impression que sa combi lui colle encore plus a la peau que d’habitude. Ça a toujours été aussi inconfortable ou c’est juste parce qu’elle est trempée ? Il veut se rincer. Il a chaud.

L'autre le fixe avec un mélange d'émotions qui fait se demander à Lysandre si ce type est encore sain d'esprit. Il hausse un sourcil en le fixant avant de finalement le tirer direction l'île repérée. Et enfin, on lui répond. Bon. Peut-être qu'il avait juste le goût de la vase dans la bouche et qu'il avait pas la force de parler, allez. Lysandre préférait lui donner le bénéfice du doute, même s'il gardait à l'esprit de rester vigilant. Il l'observe se rincer la bouche, lâcher un putain...
Eh, attend, ce mec parle français ?

Lys l'observe plus en détail. La possibilité de le connaître est un peu plus crédible s'ils partagent la même langue. Des longs cheveux, une resting bitch face pire que la sienne, et puis clairement des origines pas juste européennes de l'ouest. Un truc plus euh... exotique ? Pas l'bon mot, tant pis, il disait rien t'façon. Il avait jamais été doué. Mais là, ce visage le tiquait, sans qu'il arrive à le remettre.
L'autre s'assoit, et le fixe en semblant finalement sortir de son espèce de transe bizarre. Il a l'air méfiant, d'un coup. Lys croise les bras en l'observant, attendant qu'il se calme. Évidemment, il se sent épié au niveau de son œil borgne. Enfin même pas borgne, puisqu'il l'avait tout simplement perdu. Il n'y avait rien d'autre qu'une orbite vide sous sa paupière. Un accident d'abruti dès sa première année à l'armée. On avait voulu le remettre au civil suite à ça mais il avait vite prouvé qu'il n'étais pas incapable malgré ce nouveau handicap. Au contraire, il n'en devint qu'encore plus appliqué qu'avant dans son désir de bien faire.

- Ouais, me manque un œil.

Ça restait désagréable d'être dévisagé.
Même s'il l'avait fait sur l'inconnu une seconde avant.

Et puis il se fige en entendant son nom et fronce alors les sourcils. Ses doigts se crispent sur sa peau. Il n'a donc pas rêvé en reconnaissant ses traits ?
Et l'autre s'explique. « Un truc ». Tss. Abruti. Lys secoue la tête.

- C'est mon prénom, oui. J'suppose que tu viens de la même ruche ?

Dit-il en relevant la manche de la combinaison avec difficulté, maintenant que l'eau agissait en ventouse contre sa peau. Là, il montre le tatouage en forme de feuille de châtaignier sur son poignet.  Un certain sentiment à la fois apaisé et content le prend à l'idée d'être tombé sur quelqu'un de sa ruche, preuve qu'il n'était pas seul survivant. D'un côté ça ne change pas grand chose, de l'autre... c'était quand même sympa.
Par contre...

- T'es pas réveillé d'puis longtemps nan ?

Pour qu'il cherche encore son nom comme ça...
Eeerh. Lysandre s'imaginait si quelqu'un finissait cinglé avec comme seule pensée son prénom, façon film d'horreur. C'était limite flippant. Peut-être qu'il devrait retourner là-bas et l'effacer. Il songea à changer de sujet pour plutôt se focus sur la survie, sur le présent, mais il préféra d'abord demander :

- C'est quoi ton prénom ? Ton visage me dit un truc. Et on parle tous les deux français. T'es français ?

Question à deux balles. En tout cas il n'entendait pas d'accent particulièrement pas reconnaissable, mais l'autre n'avait prononcé qu'une pauvre phrase. En attendant, Lysandre s'accroupit pour ouvrir son sac et sortir à manger. Il avait eu la chance, deux jours plus tôt, de tomber sur une sorte de flaque créée par le retrait des eaux, et dans laquelle s'était coincée trois poissons qui attendaient de retrouver la mer. Alors il en avait profité et les avait vidé sur place. Il en avait mangé un directement et avait mis les deux autres, une fois grillé au feu, dans une des sacoches hermétiques fournies avec leur kit de survie. Dedans, il y avait du sel venant d'un crystal pris dans les montagnes. Ca lui servait de sorte de mini frigo quand il n'avait pas le temps de faire sécher. S'il n'attendait pas trop, c'était bien pratique.

- Est-ce que t'as faim ?

Dit-il en montrant le poisson cuit et asséché par le sel.
C'est là qu'il entendit un miaulement. Son regard se tournait vers l'espèce de gros chat qui les fixait.

- Qu'est-ce qu'il fout là celui-là...

“Ouais, me manque un œil.”
Maggie hausse un sourcil, et alors ? Il est supposé en avoir quelque chose à foutre ? Il le voit très bien tout seul merci. Pfff.. Il ne répond rien. Peut-être que c’est de sa faute de l’avoir regardé dans le blanc des ye-de l’œil pendant cinq minutes sans rien dire. Peut-être. Il ne va pas l’avouer si facilement. Et en même temps… C’est une réaction terriblement humaine que de s’offusquer pour un malentendu aussi rapidement. C’est bête, mais c’est rassurant. C’est familier. Et d’un coup, il est plus détendu.

“Hein.”
Ruche ? Atta, déjà, c’est son prénom ? C’est lui Lysandre ? Alors, quoi, il a trouvé ? Et maintenant ? Il fait quoi ? Il a gagné quelque chose ? On va lui donner un autre prénom ? Non ? Un tatouage…? Oulà.
“Euh.” Super ton tatoo de..feuille de truc mec ? Il ne peut pas dire ça comme ça… Enfin, il pourrait, mais, rah, c’est bizarre. Et d’ailleurs, c’est pas.. C’est pas ce symbole qu’il y avait gravé là où il s’est réveillé ? Il se souvient d’une feuille… …Ça veut dire quoi.
Sa tête lui fait mal à nouveau.

Il lui faut plusieurs minutes, encore, pour qu’il sorte de ses pensées.
“Je sais pas. Un an. Six mois. J’ai arrêté de compter.” Il a la gorge pâteuse, la voix rauque, on dirait presque qu’il vient d’émerger d’un profond sommeil. Il soupire et se gratte sous la manche, l’endroit où il a bien aussi une marque, un code-barres. Est-ce qu’il était supposé avoir une plante lui aussi ? Pourquoi certains on eu un truc cool et lui s'est retrouvé flanqué d’un 360062117 ? Yo. Ça n’a aucun sens. Et il n’était pas le seul à avoir un code, il s’en souvient.
Pourquoi ce détail lui fait un nœud au ventre. Ça le dérange, cette situation le dérange. Quelque chose, quelque chose..

“Uh ? Ouais j’suis français, en partie, pourquoi, ça te pose un problème ?” Si la première personne sur qui il tombe, c’est un connard de raci-Ah. On disait quoi sur le fait de s'offusquer trop vite pour un malentendu tout à l’heure ? Hm. “Oublie ça..” Voilà. Mieux. Combien de fois on lui a dit de tourner sept fois la langue dans sa bouche avant de parler ? Tellement de fois, on penserait qu'à force, il aurait appris la leçon.. ‘Tu te ridiculises tout seul Maggie’ ‘T'es grave vexant’ ‘T’es qu’un con’ ‘Tu n'as vraiment rien dans le crâne’ ouais ouais… Il entend. Il entend trop bien même.
..Qu’est-ce qu’il donnerait pour un verre-là de suite… Ou un poisson. Un poisson ? Il a sorti ça quand le gus ? Dieu, il doit vraiment arrêter de partir en voyage en pleine conversation (est-ce qu’on peut appeler quelqu’un qui pose des questions et un type qui phase cinq minutes entre chaque réponse une conversation ? Honnêtement, pas sûr).
“Bordel oui.” Il se lève de sa racine pour s’approcher de l’autre, s’étirant de tout son long. “Du poisson séché ? T’as eu ça où ?” Oui tient, où ? Et d’ailleurs, tu sais où on est ? Non, parce que ça ne ressemble pas du tout à Paris. Ou Toulouse. Vrai, ça ne ressemble même pas à l’Europe.
Il n’arrive pas à poser la question. Parce qu’il ne veut pas vraiment le savoir.

Miaou.
Ah bah tiens.
“Oh, c’est rien, c’est mon chat.” Il fait un geste de la main et le matou s’approche, non sans feuler l’inconnu au passage, et va s’asseoir sur le sac laissé sur le côté de Maggie. “C’est Galette. Elle me suit.” Il hausse les épaules. Il ne va pas lui dire qu’il a passé deux semaines à essayer de copiner avec la grosse bête avant que celle-ci arrête de lui cracher dessus. Lysandre le jugerait, il en a l’intime conviction. Lysandre. Lysandre.. “Est-ce que je te connais ?” Bonne question. Sans risque. Mais le mec disait aussi que son visage lui disait un truc alors… Ce qui lui fait penser, “Maggie Pangilinan. Mon nom. Ou Jareth.” Il préférait Jareth quand il était jeune. On se moquait moins. Parce que c’est si drôle.

Enfin bon. Maintenant il s'en fou.

Le gars en face est nerveux, y'a pas besoin d'être bien observateur pour le voir. Et il a l'air... paumé. Totalement paumé. Au point que Lys se pose la question de s'il s'est pas réveillé quelques heures avant avec une gueule de bois à base d'on ne sait quelle plante hallucinogène du coin. Alors il lui laisse du temps, même s'il penche la tête et fait le genre de tête qui trahit l'impatience à base de « ouiii vas-y connecte tes deux neuronnes ». Il l'observe en patientant, jusqu'à ce qu'enfin monsieur paumé réponde lorsque Lys pose la question simple du temps passé. Ah. Pour le coup ils sont deux à compter approximativement.
Six mois ou un an... Donc pas la veille. Ce mec doit juste être perdu à temps plein, jolie occupation. Lys hoche la tête et répond simplement.

- Si j'en crois le nombre de saisons passées, ça doit faire deux ou trois ans pour moi.

Viens la question des origines, et l'autre semble presque s'offusquer un court instant avant que Lys ne continue à parler français une fois répondu. Il hausse simplement une épaule quand l'autre lui demande d'oublier son accès de colère, le brun est du genre à bien se moquer de ce que les autres peuvent éprouver quant à sa façon de parler. Il est brusque, il en a déjà agacé plus d'un, peu importe. Ils sont là pour survivre, pas pour devenir meilleurs copains du monde.
En attendant, le voilà qui sort son poisson séché. Une fois confirmation de l'autre sur sa faim, il s'occupe de retirer l’excédent de sel tout en prenant soin de conserver tout ce qui peut l'être dans son sachet. Puis il tend l'un des morceaux au type lorsqu'un miaou l'interpelle. Lys se met à fixer le matou, s'attendant franchement à le voir essayer de sauter sur eux pour voler le poisson. Saleté de charognards.

Mais non. A la place, voilà qu'on lui dit que c'est un animal de compagnie.
Nommé Galette.
Hein ?
Le regard de Lysandre trahit de sa fatigue. Les gens ont quoi avec les bestioles sérieusement ? D'abord Alice avec sa « Géraldine », maintenant lui et « Galette ». Tss. Au prochain scarabée qu'il croise, il l'emmène et le présente sous un nom à la con. Genre Francis.

- Ah.

Grosse réaction. Finalement, il pousse un loooong soupir et range son sachet de sel-poisson. Les voilà servis, inutile d'avoir sous le nez quelque chose qui donne faim. Par contre si ce gars-là a passé au moins six mois sans apprendre à se faire des réserves... les gars qui recrutaient ont foutu quoi à le sélectionner ? Ils sont pas supposés tous savoir se démerder ? Encore pire avec un chat à nourrir à côté. Sauf s'il lui ramène des proies, va savoir.
Au pire, quand on a faim, un matou ça peut bien se manger.

Alors qu'il allait poser quelques questions pour comprendre qui est ce type, c'est monsieur deux de tense qui prend la parole en premier pour poser la même question que celle que Lys se pose depuis le début. Ils se connaissent ? Sûrement, si l'impression est partagée...

- Hein ?

Ce nom. Ca lui parle. Loin dans ses souvenirs. Il lui faut un moment, observant le visage de l'homme, avant qu'un flash ne lui revienne.

- Caporal Pangilinan ?

Il le fixe, les yeux ronds. Donc le nombre de personnes croisées en plus de deux ans se comptent sur les doigts, et parmi celles-ci y'a un gars qu'il connaît ? Enfin, connaître est un grand mot. Lysandre avait à peine intégré l'armée depuis quelques mois lorsque ce type avait juste... explosé et hurlé sur tout le monde, Lys y compris. Il ne l'avait plus jamais revu ensuite et le brun était parti du principe qu'il s'était fait jeter hors de l'armée.
Il le fixe, un moment.

- Lysandre Crawford, ça te parle ?

Si la surprise reste, son visage se durcit quelque peu.

- Tu m'as engueulé comme si j'avais enculé ta sœur en public, le jour où t'as pété les plombs, j'suppose qu'on se connaît de là.

Oups. Trop cru peut-être.
Lui, rancunier ? Non... Pas vraiment. Juste... pas trop appréciateur de se faire marcher dessus. Au moment où il avait accepté de participer au Projet Perséphone, il avait depuis longtemps dépassé le rang de caporal et hors de question que l'autre se croit tout puissant.

En soit, tout ça était de l'histoire ancienne. Mais il n'avait absolument aucune envie de faire confiance à un mec qui avait juste totalement pété les plombs du jour au lendemain sans aucune raison.
Ce type pouvait être dangereux.

D'ailleurs, Lys s'était un peu écarté l'air de rien. Les mecs lents, ça pouvait surprendre.

Deux ou trois ans pour lui. Super. C’est une compétition ? Il n'a pas demandé et il s’en fout un peu. Ce qu’il se demande vraiment, c’est pourquoi ce type en trois ans s’est dit que juste laisser son nom de manière cryptique sur un frigo-cercueil était une super bonne idée pour le retrouver. Genre, faut choisir, sois tu veux être trouvé et tu laisses des infos claires et précises, sois tu ne mets rien ?
M’enfin, Maggie va bien se garder de dire ça à voix haute, parce qu’il n’a pas envie que l’autre lui reprenne le poisson si jamais il s’offusque de la pure vérité.
Lui préfère faire un petit sourire à Galette, en boule, mais vigilante de Lysandre, et manger. Son estomac est ravi du repas, et ses papilles du goût salé et iodé qui recouvre celui de la vase. C’est si surprenant d’avoir un chat ? Tout le monde a des chats. Peut-être que le gars préfère les chiens. C’est cool aussi les chiens. Hmm..

Hein ?
Oui ? Quoi ? Son nom l’a fait réagir ? Ils se connaissent vraiment alors ? Incroyable du cul, mais de où-ah.
AH.
Il plisse les yeux. De tous les gens qu’il pourrait croiser, il fallait vraiment que ce soit quelqu’un de l’armée de merde de connerie.
“Hay nako..” La blague. Il peut retourner dans son cryopod ? S’il vous plaît ?

Et en plus, il faut que ce soit quelqu’un de ce jour-là. Bah oui, parce que sinon, ce n'est vraiment pas assez drôle. Après tout, est-ce que la vie n’est pas une vaste comédie ? On né, la vie est nulle, on fait que de la merde, on se fait gelé pour une expérience scientifique, on se réveille dans jumanji, ET on trouve quand même le moyen de recroiser de vielle, tendre, et chère connaissance. Merci, merci dieu, merci rien !
“Ok, alors, déjà, j’ai pas de sœur. Et c'est ex-caporal.” Il claque la langue, ça le saoule. Et-ce qu’il peut lui jeter le poisson à la figure et s’enfuir ? Nan. Il le garde.

“De deux.. tu fous quoi. T’es sérieux là ?” Il a totalement reculé, il pensait être discret ? “J’ai pété un cable UNE fois ! Tu crois quoi, que je vais te sauter dessus pour te bouffer ?! ” Quoi, oui, il le prend mal. C'est super vexant ! Comment ça il ne devrait pas s'énerver ? C’est Lysandre qui a commencé ! Et d’ailleurs, en parlant de Lysandre, “Et je ne sais pas qui tu es, à part un énorme mytho, mais t’es pas Crawford. Je me souviens très bien des gosses que j’avais sous mes ordres, c’était tous des minets qui avait l’air de porter encore des couches, je veux bien que, quoi, quelques années on passé, mais toi ? Ok tu lui ressembles, mais tu dois avoir 30 piges."
Ce qui voudrait dire que Maggie est plus jeune, ce qui n'a pas de sens, parce que le soldat dont ils parlent n'était pas plus vieux que lui. La logique veut donc, que ce sois disant Lysandre est un menteur. Peut importe qu'il lui ressemble. Il lui ressemble bien même. Borgne, même couleur de cheveux, peau, couleurs d'œil.
Oui d’accord ça fait beaucoup. Oui d’accord ça le fait méga flipper. Oui ok il refuse de se dire que ce qu'il se dit qui est arrivé doit être arrivé. Oui ok la réponse est devant lui et il vient de lui râler dessus. Mais faut se mettre a sa place aussi.

"T’es quoi, son grand frère ? Vexé, parce que j’ai dit à ton frérot que son choix d’être dans l’armée, c’est de la grosse merde et qu’il ne savait pas tenir un fusil correctement ?” Entre autre. Il croit se souvenir vaguement d'avoir lancé les mots "incapable" et "cailloux sous la semelle". Vaguement.

“Merde quoi..” Il n'a rien fait ! Rien fait ! Ce n'est pas juste, c’est pas, c’est nul ! Il voulait juste, passer à autre chose lui ! Faire une pause ! Et là quoi, on vient lui reprocher d’avoir dit son opinion ? Peut-être oui, qu’il avait été un peu dur, il avait toujours eu cette réputation d’être sévère, mais juste, alors ça avait un peu surpris et fait des étincelles quand il avait fait sa crise.. Mais, mais il a déjà pris tarif pour ça ! Et ça faisait juste du bien de mettre son poing dans la tronche de son supérieur de camelote, qui n’a pas rêvé de faire ça ? Et il fallait bien le dire à la bleusaille, qu’on leurs mettait des idées de grandiosité plein la tête pour RIEN.

"Puis c'est bon, j'ai pété un boulon, j'ai été destitué, tu peux aller dire à ton petit frère que le grand méchant 'caporal Pangilinan' est hors d'était de nuire ou un truc du genre." Il croise les bras et lève les yeux au ciel, ça le fatigue. Et puis, ce n'est vraiment, vraiment pas le lieu, ni le moment pour se prendre la tête.

Le visage de l'autre perd du peu d'éclat joyeux qu'il avait eu en voyant le poisson. Forcément, vu comment Lysandre est en train de s'en prendre à lui... et à juste titre ! Ce type avait pété un plomb et engueulé quasiment toute son équipe à l'époque, y compris le brun. Et en plus, le voilà qui se défend  particulièrement mal.

- J'espère bien que c'est ex-caporal, oui, vu comme t'es instable. Et va savoir si tu vas pas me sauter dessus d'ici pas longtemps. J'ai jamais su ce que t'étais devenu, t'aurais pu finir cinglé pour ce que j'en sais.

Il fait un mouvement de la main pour chasser tout ça et se taire, lorsque l'autre reprend en insultant tous les petits nouveaux de l'armée -lui y compris à l'époque- et... en lui disant qu'il n'est pas qui il prétend. Ce mec est sérieux ? Lys le fixe, et l'autre aussi pendant un moment. Un silence bizarre pendant lequel le brun essaie de comprendre ce qu'il se passe dans le cerveau visiblement fatigué de l'ancien caporal. Grand frère ? Oui, ok, l'autre est débile. Il est au courant que les gens vieillissent et qu'il s'est passé dix ans au moins entre son pétage de plomb et la cryonie ?

- T'es con ou bien ?

C'est gratuit, ok. Mais bon, il reprend pour quand même expliquer un peu, comme s'il parlait à un enfant.

- Le temps passe, tu sais ? Et il s'est passé des années avant qu'on nous propose d'être cryonisés, ça te parle ? Donc forcément, j'ai vieilli.

Ce qui fait tiquer Lysandre, ceci dit, c'est de voir que l'autre n'a pas l'air plus vieux que ce jour là...  S'il ne le connaissait pas, il aurait dit qu'il était même plus jeune que lui. C'est franchement étrange. L'autre est beaucoup trop bien conservé. Lys plisse son œil valide en l'observant plus en détail. Des nanas aurait tué pour avoir sa routine du matin, tiens. En calculant, Pangilinan devait avoir au moins 35. Il faisait dix années de moins.
Mais voilà que l'autre continue dans son délire. Lys roule de l'oeil et le laisse finir avant de reprendre en prenant sur lui-même.

- Ok, bon, écoute, y'a un truc qui cloche. La cryonie c'était en 48. Comment tu peux avoir l'air d'être dans ta vingtaine et pourquoi t'as l'air surpris que j'ai vieilli ? C'est quoi ce bordel ?

Il pouvait croire que d'autres gens aient pu être cryonisés après lui, mais avant ? Il en aurait entendu parler, non ? Un truc secret ? Ils auraient pris un type dérangé comme lui pour ça ? Ça n'avait juste... aucun sens. Lys soupire finalement.

- Bon, désolé d'avoir haussé le ton, ça m'a fait remonter des souvenirs pas fous.

Surtout à cette période, tout juste arrivé dans l'armée, encore pas trop sûr de ce qu'il allait devenir dans la vie et un peu effrayé à l'idée de crever au combat. Et là, ce type lui avait hurlé dessus comme s'il cherchait à le buter juste par des mots. C'était un poil traumatisant pour un gamin de dix-neuf piges à peine.

- J'ai genre trente-deux ou trente-trois ans maintenant, selon le temps qu'est passé. Pas dix-neuf comme à l'époque. J'suis pas... mon propre frère ou j'sais pas quoi. Oublie ça. Faut qu'on te sorte du marais pour que tu sèches tes affaires avant que les sangsues profite de la boue pour grimper sans que tu les remarques.

Dit-il en désignant les vêtements couverts de vase de l'autre.

- Tu v'nais chercher un truc en particulier ?

Instable. Non mais ça va pas ? Lui ? Instable ?! Mais c’est l’hospice qui se fout des vieux ! Ce n'est pas lui qui fait semblant d’être quelqu’un d’autre, ce n'est pas lui qui.. qui… hm… il n’a pas d’autre argument. Mais il n’est pas cinglé ! Ça lui fait se mordre la lèvre, secouant la tête en niant ce que dit l’autre. Salopard va.
Il ne va vraiment jamais cesser d’être jugé en fait. Même perdu à Tataouine.

“T'es con ou bien ?”
…
Oh putain.
Il va tellement lui casser la gueule.

Et il en est, mais alors vraiment, à deux doigts. À deux doigts de devenir le taré qui va lui sauter dessus pour lui faire fermer sa grande bouche insultante. Sauf que, ‘le temps passe tu sais’. Oui, il sait. Mais. Mais il s’est passé moins de deux ans entre ce jour et la cryonie. Des mois seulement depuis son réveil.

Imaginons alors que c’est bien Lysandre, et qu’il s’est réveillé sept ans plus tôt, ça serait donc possible. Sauf que le gars a dit s’être réveillé il y a deux ou trois ans seulement.
Les chiffres ne correspondent pas.
Rien ne correspond.

Est-ce que son capsule de cryo à mal fonctionné et il a continué à vieillir dans son sommeil ? Non. Impossible. Enfin, pourquoi pas, mais dans ce cas-là, il ne dirait pas ‘forcément que j’ai vieilli’ d’une façon aussi nonchalante.

Non.
Non, ça ne va pas.
Oui, il y a un truc qui cloche.
Comment ça en 48 ?

Maggie fronce les sourcils, sa vue se rétrécit, focalisant sur un point invisible, le son se brouille autour de lui. Pourquoi lui est plus jeune que son cadet ? Pourquoi en 48. Quoi ? Il n’entend pas bien, trente-deux ans ? Non. Non. Non.

Il s’en fiche de ses vêtements mouillés.

“J’ai 27 ans.” Il a toujours les yeux dans le vide, grimaçant. Il ne comprend toujours pas et c’est lui ou tout est plus lourd d’un coup ? Sa combinaison le serre, c’est inconfortable. Il tire sur ses manches, il tire sur la matière recouvrant son torse, ça colle. “La cryonie était en 2037.” Pas la même date. Mais ce n'est rien. C’était le deal non ? Cinq ou dix ans. Ils ont dû choisir dix ans. Mais alors, on serait en 48. Mais si on est en 48, pourquoi Lysandre se serait fait cryogéniser pour sortir aussi immédiatement ? Et s’il s’est fait cryogéniser en 48, alors qu’on est en 48, comment serait-il réveillé depuis deux ou trois ans ? Ah, ça ne va pas, pas de sens, il ne comprend pas. Il n’aime pas ne pas comprendre, ça lui fait tourner la tête, ça le dérange. Il a chaud.

“Je suis pas supposé être là.” Vraiment pas. L’étau qui lui presse le cerveau se resserre, et cette foutu combi de merde qui se rétrécit, c’est quoi ça ! Comment ça s’enlève déjà, pourquoi il n’y arrive pas ! S’il vomit sur Lysandre, ça sera de sa faute, voilà !

Lysandre fixe l'ex-caporal en face de lui, qui reste droit alors que quelques détails changent sur son attitude. Assez pour être remarqués, mais pas assez pour que le brun soit capable de comprendre autre chose que « ça lui a pas plu ». Lui non plus ne comprend pas l'histoire, de pourquoi Maggie est là. Enfin, si, qu'il soit là, ok. Mais si jeune ? 27 ans. Plus jeune alors qu'il était son aîné à l'armée.

Une cryonie en 37 ?
Soit Lysandre a effacé un truc aussi énorme de son esprit soit il n'a jamais été au courant. Il fixe l'autre un moment, presque prêt à lui dire qu'il a dû fumer un truc et se planter sur son âge. Mais non, ça fait sens. Il a clairement pas l'air d'avoir la quarantaine, il a à peine changé depuis qu'il a été dégagé des rangs -en dehors de ses cheveux qui ont bien poussé-.

- Pourtant...

Il regarde son propre tatouage au poignet, pensif. De souvenir, il n'y a eu aucune mention d'une autre vague avant eux. Il sait désormais qu'il y en a une après, mais ce n'est pas l'important ici. Et ça implique des agissements un poil glauques.

Des tests ?
Ca colle avec l'idée que Maggie n'est « pas censé être là ». Il sait rien, en fait.

Lysandre relève ses yeux vers lui et hausse un sourcil en le voyant fébrile.

- Hé, tu devrais te poser. Ca va aller ok ? J'essaie de comprendre aussi.

Au moins, avec le quiproquo à peu près résolu, Lysandre ne se montre plus agressif. Plus trop. Il a quand même sa tronche pas forcément sympathique et sa voix rauque puisque peu utilisée en deux ans. Il indique un gros rochet plat plus loin sur leur semi-île improvisée. Il pourrait lui expliquer ce qu'il a compris de l'histoire mais là, tout de suite, il n'a franchement pas l'impression que Maggie est prêt à tout encaisser. Pas en une fois, en tout cas.

- Y'a eu une autre cryonie, en 48. J'étais pas au courant de celle de 37.

Il ressent franchement une sorte d'inquiétude, au fond, pour ce pauvre gars. Lui s'était réveillé en ayant à peu près conscience de ce qu'il s'était passé, avait pu s'entraîner... mais des sujets « tests » ? Pourquoi est-ce qu'ils étaient là, déjà ? Est-ce que Maggie avait été d'accord pour tout ça ?
L'idée que son renvoi de l'armée ait pu pousser à ce qu'il soit cryonisé était une théorie franchement glaçante qui faisait remonter une certaine paranoïa de Lysandre. En écho de celles qu'il s'était faite lorsqu'il avait été porté disparu et qu'il imaginait avoir été laissé là volontairement, qu'on ne viendrait jamais le chercher, etc. Il n'était pas franchement à l'aise, là tout de suite. Il se tait donc et pousse Maggie à rejoindre le rocher pour s'y installer s'il en a besoin.
Là, il ajoute :

- Ok, tu peux me raconter ce qu'il t'es arrivé avant d'être cryonisé ? Et je vais t'expliquer ce que je sais aussi quand tu seras en état.

Mh. Le choix de mot est peut-être pas le bon, « quand tu seras en état » ça sous-entend peut-être que c'est gros à encaisser. Tant pis, c'est déjà dit.