“J’en ai un peu ras le cul de ce temps.” Maggie regarde le ciel, à demi abrité sous des rochers, le tambourinage des gouttes assourdissant absolument tout autour de lui, et la vue coupée par le rideau de pluie. Il a l’impression d’être isolé du reste du monde, tout petit et seul. “Mrrriaou-” Presque seul. “Toi aussi ? Ouais, ça ne m'étonne pas. Jamais-vu un chat qui aime être trempé.” Il soupire, il aimait bien la pluie avant. Malgré le boucan, il trouvait le son particulièrement apaisant, une musique naturelle, rythmée, qui silence le reste. Avant, quand il y avait une pluie d'orages, une drache torrentielle, il allait en dessous, il adorait ça, peu importe qu’il était mouillé jusqu’aux os, c’était juste… Difficile à décrire. Peut-être que ça l’aidait à s'ancrer dans la réalité, ou à l’oublier. Peut-être que dans ces moments-là, il n’était que lui, pas le fils, pas le soldat.
Il se sent con de penser à ça maintenant.

“Ça se calme..” En effet, la pluie est moins dense, il se lève en s’étirant, on voit beaucoup mieux. “On devrait bouger avant que ça recom-” !! Il doit s’accrocher à la roche pour ne pas tomber. C’était quoi ça ? Le sol a tremblé, il a vraiment tremblé ! Bordel de merde.. Au moins ça n'a pas duré longtemps... Attends... il est pas loin de la plage.
Il n’est pas loin de la plage, après un tremblement de terre.

Il regarde autour de lui, il écoute.
Il n’entend plus les oiseaux.

Il ne lui faut que quelques secondes pour attraper le chat et courir, chercher de la hauteur, ce qu’il peut. Mais il est lent, le sol bouillasse et son sac plus la bestiole lourde.
L’eau le frappe de plein fouet, il perd son équilibre et sent des griffes lui percer la peau. Il se fait valdinguer dans les vagues, serrant son fardeau contre lui, il ne peut pas se protéger la tête comme ça et il est certain qu’il a heurté quelque chose. Il ne sait pas combien de temps ça dure, pas longtemps sûrement, emporté par le courant et essayant de respirer entre deux tasses, jusqu’à être recraché sur le sable, inerte.

Galette se détache de son emprise et file quelque part.

Lui se réveille des cheveux et du sable plein la bouche, avant de vomir ce qui lui paraît être la mer entière. Il a vaguement conscience que quelqu’un d’autre est là, avec lui, mais sa tête tourne encore et ses oreilles bourdonnent. Enfin, il croit. C’est faible.
Le sel pique ses griffures et lui brûle le front, aah, il se l’est vraiment ouvert. Le sang lui coule dans l'œil.
Il tourne le regard vers l’autre. Il est encore désorienté et le monde tourne un peu, mais se concentrer sur l’inconnu l’aide à voir moins flou. Cheveux clairs en bataille, du sable collé sur sa peau et ses vêtements, lui aussi a dû faire un tour en machine à laver géante.

“Quelle journée de merde hein ?” Ouais, bah, tu veux dire quoi d’autre, bonjour ? C’est pas un bon jour.

Ça lui arrache un sourire cassé, que l’autre rit -et s’étouffe- à sa remarque. La situation est un peu absurde, ce n’est pas avant que tu dirais “ouais, j’ai rencontré un type après avoir fait le manège dans un raz-de-marée, on a bien rigolé.” À vrai dire, ce n’est pas supposé être un truc que tu dirais maintenant non plus.

“Maggie.” Aaah, il veut s’allonger. S’allonger et ne plus bouger, il est épuisé. Mais il faut s’occuper de son front apparemment, beh, lui se contenterait bien de remettre la tête dans l’eau pour nettoyer et basta. Au pire, qu’est-ce qu’il peut mal se passer ? La blessure guérit mal, elle s’infecte, la plaie commence à puruler, il aura une fièvre du tonnerre, peut être des hallucinations et pas d'ibuprofène. Et le seul moyen d’y remédier serait d’amputer la zone. Sauf que la zone c’est sa tête.
...
Ouais, ok, faut peut-être bien s’occuper de son front.

“C’est la fin du monde, il pourrait avoir le ciel qui se casse la gueule que ça ne serait pas étonnant.” Il hausse les épaules, lui n’a pas l’air de trop s'inquiéter de ce qu’il vient de se passer. “Le continent est déjà en mille morceaux de toute façon. C’est juste dommage qu’ils aient pas pensé à cryowhatever un cellier avec nous, ça serait beaucoup plus sympa pour attendre, tu penses pas ?” Peut-être même qu’il le prend un peu trop à la légère. Mais qu’est-ce qu’ils peuvent faire ? Il n’est pas biologiste, un tremblement de terre, un raz-de-marée, c’est juste un autre jour de survie miraculeuse pour lui. Alors, autant, juste… laissé aller. Ce n'est pas comme s’il avait quelque chose à perdre. ..Ah..Mais ce n’est pas forcément le cas de l’autre. Hm.

“Hm..?” Ah, c’est vrai, son front. Il regarde la compresse, puis Ewan. Il n’aime pas trop qu’on lui touche le visage d’habitude, encore moins quand il ne connaît pas la personne, mais bon, il n’a pas exactement le choix pour que ce soit bien fait, alors il finit par hocher la tête et le laisser faire, s’asseyant en tailleur et relevant sa frange pour moins gêner. Le contact le fait tiquer un peu, ça fait forcément un poil mal, mais ça va, il connait bien pire.
“...T’es pas blessé toi ?” Il n’en a pas l’air, mais on ne sait jamais, peut-être qu’il ne le voit juste pas, ça ne coûte rien de s'en assurer.

Yohoho et une bouteille de rhum. Faut croire qu’ils ont les mêmes idées, peut-être qu’ils ne vont pas s’entretuer du coup (enfin, pas encore..).

La plaie est nettoyée, vite fait, bien fait (qu’il imagine), et le verdict final du docteur tombe, clean, pas profond, mais faudrait apparemment qu’il trouve un moyen pour attacher ses tifs hors de la zone. Bah super. Il croit quoi lui, qu’il se balade avec une barrette hello kitty dans son sac ? “Je ne crois pas avoir trop le choix..” Si, il pourrait se couper la frange. Avoir la mini franginette de moine là.
…
Ouais, non, c’est mort.

À la place, il essaye de la mettre le plus sur le côté qu’il peut, comme ses cheveux sont encore complétement trempés, ça colle un peu mais.. Un mouvement de tête et la méche retombe. Connasse de frange.
Et bien fuck it hein. Il abandonne et s'allonge tout bonnement dans le sable. Mains sous la tête, regardant le ciel. Là, comme ça, il ne peut avoir son front dégagé, voilà. Qu’est-ce qu’il peut bien faire d’autres hein ?

“Ça pourrait être pire, regardes, on peut faire des châteaux de sable au moins, renouer avec notre enfance." Est-ce qu'il n'a pas de superbes idées ? Franchement ? "Et peut-être qu’à force d’en faire, on se déshydratera et la folie nous fera bouffer nos pâtés et on vivra une vie absolument parfaite. Problème réglé.” Cynique ? Lui ? Non. Cynique et blasé ? Carrément.

En même temps, comprenons le, survivre (sans avoir rien demandé) à la fin du monde pour crever sur un îlot de merde. C’est... C’est vraiment très très nul.

Il lève les yeux vers l’autre. Tient ? Qu’est-ce qu’il regarde comme ça ?
“Quoi ? Si tu vois une grosse bestiole, ne t’inquiète pas, c’est sûrement le chat.” Il ne se relève même pas pour vérifier. Vraiment, la grosse flemme de Maggie, prêt comme tout à crever confortablement sur la plage. Hey, c’est mieux que de faire une crise de panique, non ? Il n’est pas du tout en train de refouler les faits. Noooon, ce n’est pas son genre de faire ça, voyons. Comment ça il l’a fait pendant plus de six mois à son réveil ? C’est juste un détail ça. Et puis, rien ne prouve que c’était vraiment six mois, il n’a pas compté (et c'était sûrement plus).

“Il faut juste attendre que la marée se calme…” On se rassure comme on peut.

Il hait le sable qu’il dit. C’est bizarre, pourquoi ça lui fait penser à une réplique d’un vieux film franchement pas top..? C'est vrai qu'à bien y regarder, Ewan ressemble un peu à une vedette de cinéma, mais il ne serait vraiment pas dire qui.
Huh. Il doit confondre.
Quoi qu’il en soit, ne pas aimer le sable, et se retrouver bloquer sur une île ce n'est vraiment pas de bol. C’est bien le sable pourtant, c’est chaud et vraiment, celui d’ici est plutôt fin, donc doux. Bon, oui, ça va partout, et ça colle mais.. Bah, disons qu’entre ça et faire trempette dans les marais, Maggie à vite fait son choix.
En attendant, il est plutôt confortable ce sable.

“Hm, disons que c’est plus le chat qui a un Maggie que moi qui ai un chat.” Sérieusement, cette bête va et vient à sa guise, se nourrit, lui ramène des oiseaux morts, et lui pète à la tronche. Tu parles d’un chaton domestique.

Le brun se redresse, sa frange retombe, il souffle dessus pour la faire voler, mais rien n’y fait. Ah mais peut-être que dans son sac… “Elle s’appelle Galette. Mais elle y répond pas vraiment.” Oui, bingo ! À défaut d’avoir des élastiques (il n'en n'avait qu'un, qui a pété), il se trimballe avec des morceaux d’il ne sait quel arbre. Ça ressemble a des lianes, ce ne sont pas des lianes, mais il s’en fiche, le fait est que ce n'est pas assez solide pour faire des cordes, mais très bien quand il doit se faire une queue. En l'occurrence, là, une minie couette ridicule sur son front. Si ça ce n'est pas la pure classe, il ne voit pas quoi. Qui sait, peut-être que ça va lancer une nouvelle mode (non).
Il lève les yeux vers Ewan, hausse un sourcil, et ne peut s’empêcher de fingergun. “Stylé ou pas stylé ?” Pas stylé, mais on s’en fiche.

Il s’étire et se lève, sa tête tourne beaucoup moins maintenant et il n’a plus envie de rendre son repas assaisonné à l’eau de mer, ce qui est quand même vraiment mieux comme sentiment. Par contre, ses oreilles bourdonnent toujours. Moins cool.
“..On est vraiment mal hein.” Non, sans blague ? Putain mais donnez lui un bon point. “Je ne sais pas toi Ewan, mais moi, j’en ai vraiment, mais alors vraiment marre de la survie. À chaque fois qu’on arrive à être plus ou moins..bien..il faut que quelque chose arrive.” Un peu comme si le karma de toutes leurs vies précédentes leur retombait dessus maintenant. Couche après couche, et ça ne s’arrêtera pas. Au bout d’un moment, il faut que ça s’arrête, ça serait super sympa de la part du monde.
Il soupire. Ne pas être défaitiste. Ne pas être défaitiste. Voir le bon côté. Déjà, d'un, il n'est pas seul. De deux, la personne avec qui il est coincé semble être plutôt débrouillard, à en juger à sa réaction face à sa blessure et le fait que lui n'en avait aucune. De trois, ils sont à la mer.
"Au moins, on peut essayer de pêcher."