La panique monte, comme le niveau de l’eau et le tonnerre résonne dans toute la grotte. Entre ça et le courant, le vacarme est assourdissant, dire que tout était calme quelques moments auparavant... Enfin, après avoir perdu la vue, perdre l’ouïe n’est rien du tout comme obstacle, non ? Pourquoi pas les autres sens après ? Jamais deux sans trois dit-on !

Urgh.

“Si c’est un orage, ça passera vite.” Enfin, plus vite que les pluies qui durent des jours-là. Mais ils n’ont pas autant de temps devant eux, alors ça ne sert à pas-grand-chose en réalité de savoir ça. Maggie essaye juste de garder le calme, de ne pas se faire avoir par les nerfs et de devenir irréfléchi ou maladroit par conséquence. Il avait l’habitude de devoir agir vite sous pression, et même s’il a un peu perdu, rien ne disparaît complètement.
En plus, la jeune femme semble bien moins ‘serène’ (parce que c'est pas comme si lui l'était vraiment) vu comment elle serre son bras pendant que lui guide à l’aveugle. Un moment, il pensait même devoir s’arrêter à nouveau, le temps qu’elle respire un coup. Il vaut mieux perdre quelques minutes que de faire une grosse crise d’angoisse, il y connaît quelque chose.

Mais ce ne fut pas la peine, il sentit la poigne se relaxer un peu, le pas devint plus déterminé et rythmé. L’avancé à partir de là est rapide, et ils peuvent en effet sentir l’odeur d’ozone de plus en plus forte, le lichen sur les parois, une pierre plus fragile… L'extérieur est tout près oui, et il n’a pas le temps de se sentir bête d’avoir hoché la tête dans le noir qu’il sent la main qui le tient déraper, et qu’il ne réussit pas à la rattraper. Enfin, si. Il attrape bien ce qu’il assume être l’avant-bras de la fille, mais entre l'humidité et le fait que leurs mains à caresser des murs de plus en plus terreux pendant bien plus d’une heure, c’était beaucoup trop glissant.

Il tombe le souffle coupé, torse plaqué au sol, bras dans le vide, et honnêtement un peu terrifié.
“Put-...Tu vas bien ?!” Oh pitié, répond. Bordel, il détruit cette foutue grotte en sortant sinon. Avec… une bombe faite maison, il doit bien y avoir des moyens, il s’en fiche !
Et comble de l’ironie, c’est à ce moment qu’un éclair décide de tomber, illuminant faiblement un bout de la caverne un court instant, prouvant qu’ils étaient bien presque dehors. Ce n'était pas assez con sinon.
Il fronce les sourcils. Ça ne sert à rien de rester là comme ça.
“Je reviens, compte dix minutes ! Ne bouge pas !” Oula, chose très conne, mais alors vraiment conne à dire. Il s'en taperait la tête contre le mur. “Je fais vite !”

Il se relève, il sait que ce n’est pas très cool de la laisser, surtout quand elle n’a aucune raison de lui faire confiance et de ne pas penser qu’il va l’abandonner, mais il n’a pas le choix. Dans un monde idéal, il aurait sorti son téléphone et appelé les secours, mais ahah, il a manqué une bonne centaine d'années (au moins) de paiement de son forfait. (ça, et le fait que ça n’existe juste plus).

S’aidant de la lumière intermittente des éclairs, il réussit à sortir, se prenant la pluie de pleins fouets, franchement, il n’y a pas de grandes différences avec un bain dans un lac. En plus, c’est chaud. La visibilité n'est pas ouf, mais il réussit à retrouver l'amas de pierres pas très loin où il avait caché son sac, se dépêchant pour tout jarreter et le récupérer avant de replonger dans la grotte et de retourner au côté de…de comment elle s’appelle déjà ? Hmm..

“Hey, je suis là, est-ce que tu es blessée ?"

Que du superficiel ! Putain de merde, au moins une foutue bonne nouvelle dans toute cette connerie de situation. Quant à un moyen de sortir… Il n’a pas d’idée de génie, mais une idée tout court, ce n'est déjà pas si mal.
“J’ai une corde.” D’où l’utilité de récupérer son sac précipitamment dehors.
Il se penche par-dessus le trou, essayant de jauger la profondeur, difficile dans la pénombre entrecoupée d’une lumière trop blanche pour trop peu de temps, mais il lui semble bien qu’il ne peut pas juste lui tendre la main. Et qu’elle est presque sous l’eau. Aaah... Sawang sawa na ako !
Il n’y a pas de temps à perdre. 

Maggie décroche la corde enroulée sur le côté de son sac, elle est vieille, mais pas si usée, elle devrait tenir. Le plus gros problème est que, avec la boue et l’eau, sans compter la fatigue musculaire de la journée, elle va être bien glissante. Pour la jeune femme, ça veut dire galérer à grimper. Pour lui ? Galérer à la tirer, ou même la tenir. Mais bon, la seule autre option serait de laisser l’eau monter, sauf que c’est un coup à se retrouver emporté vu comment le lieu est foutu. Option de dernier recours alors, il ne vaut mieux pas en arriver là, surtout que ça doit être assez flippant comme ça d'être au fond d'un trou qui s'inonde sans fin.

Il se dépêche de faire un nœud de chaise autour d’une stalagmite -lui aussi glissant parce que tout glisse ici-, mais c’est une sécurité supplémentaire non négligeable. Au moins, l’armée ne lui aura pas servi à rien malgré toute la haine qu’il y porte...(haha) Il passe ensuite la corde autour de sa main, comme on assurerait quelqu’un en escalade (bon, en général l'escalade, c'est dans l’autre sens, et il faut des pistons, mais les détails...) et jette le bout dans la crevasse. 

“Attrape, essaye de la nouer autour de ta taille et prends appuis contre la paroi avec tes pieds pour grimper !” Il espère que le mur n’est pas trop dérapant… “Dis-moi quand c’est bon et je te tire !” Et maintenant, on espère que le toit de la grotte ne s’effondre pas en plus de tout ce bordel !

La remonter ne fut pas une mince affaire. La corde glissait de sa poigne, arrachant la peau et il dû la ré-enrouler carrément autour de son bras pour être assuré de ne pas la rendre laxe et de faire retomber la jeune femme. Mais, ils réussirent, et voir la silhouette émergeant hors du trou lui vola un soupir de soulagement. Là, c’est bon. Ils ne risquent plus de se casser la figure dans des crevasses surprises. 
Il défit le nœud qui maintenait la corde au sol, et se releva avec elle, hochant la tête à l’idée de ne pas la ranger mais de la garder entre eux. Sac sur le dos, il ouvra la marche, retenant un sourire pas très approprié quand elle nota que oui, à deux minutes près, rien de tout ça ne serait arrivé.

Dehors, aucun des deux ne voulut rester ne serait-ce qu’à l’entrée de la grotte, préférant se prendre la drache que d’avoir un minimum de protection. Ce serait vraiment trop con de se faire emporter par le flot maintenant, et il est hors de question de tenter le diable en voulant rester un poil plus sec. 

Maggie regardait plus loin, se demandant où est-ce qu’ils pourraient se reposer un peu, sans attraper un mauvais rhume, quand elle lui attrapa les mains, le remerciant. 
“Ah.” Ah. 
Il rougit un peu, d’embarras plus qu’autre chose (même si à bien y regarder, la -rousse donc- était très jolie, mais ce n’est pas la question). Il ne voyait juste pas vraiment pourquoi elle était si reconnaissante ? Reconnaissante de quoi ? De ne pas l’avoir laissé au fond d’un piège mortel ? N’importe qui aurait cherché à aider, c’était quelque chose de tout bonnement naturel. ...Peut-être que le brun croit encore trop au père noël. 

“De..rien ? Hm..” C’était quoi déjà..? “Ali..son..?” Ouais, ok, sa mémoire est nulle. “On devrait chercher un endroit où se, poser un peu. Et se sécher. Non ? ” Il parle avec vraiment beaucoup d’assurance. “Qui n’est pas une grotte pleine d’eau.” Mieux. Non parce que sinon, il aurait dit la ruche, mais elle est pleine d’eau aussi donc, ce n'est pas super cool. 

Alice. Merde, loupé. Il n'était pas loin quand même, ça va. Il aurait pu dire.. Harry. Ou Jay-z. Elle n’a pas l’air en colère, c’est déjà ça. 

En attendant, la pluie tombe encore comme vache qui pisse, il doit se servir de sa main comme espèce de visière humaine pour que l'eau ne lui coule pas dans les yeux, et hoche la tête en voyant ce que désigne Alice-pas-son. Oui, c'est une bonne idée, oui, il a sa bâche. Non, il n’a pas la présence d’esprit de déceler les implications que ‘mettre nos vêtements à sécher et se réchauffer’ peuvent apporter. Comme dit la rousse, tout est mieux que de rester ici, à tremper comme dans une soupe. 
Maggie la suit donc, d'un pas aussi pressé que le sien.

Sous la protection relative des arbres et pendant qu’Alice sort ses affaires (tient, il n’est pas le seul à avoir planqué son sac), il essore ses cheveux à son tour, grimaçant d’avoir été ainsi trempé. Vase, sel, boue… Il devrait peut-être les couper. 

"Là, ce serait pas mal ! Qu'est-ce que tu en dis ? Je vais en profiter pour refaire mon plein d'eau potable. Oh, tu as ta bâche du coup ? Avec les deux on devrait pouvoir s'isoler totalement !"


“Hmhm, attends..” La bâche. Il fouille son barda, sortant deux trois truc pour l’atteindre, elle est tout au fond cette merde.. Ah, voilà ! Bon, clairement, elle a vu des jours meilleurs, elle a même une petite déchirure à un endroit, mais ça fait toujours le taff. 

Il la déplie et commence à la fixer dans les branches, pensant à bien la tendre pour que l’eau ne se rassemble pas au milieu comme une piscine et fasse écrouler le tout sur eux. Avec les deux bâches -et un poil de galère- ils arrivent à faire une tente un peu ouverte, mais qui protège suffisamment. Le bruit de la pluie martelant le tissu est assourdissant, mais en même temps, ça fait du bien. Reposant même… et contrairement à la grotte, ils ne sont pas en train de fuir le courant, tomber dans des trous, et se prendre les pieds dans des stalagmites à l’aveugle. 
Ouais, elle est bien cette tente. 

“J’espère que ça va tenir..” Oui. S’il vous plait. 

Maggie soupire, en attendant, ils sont toujours trempé. Ils avaient dit de mettre leurs vêtements à sécher non ? Parce que franchement, il en a marre que le tissu lui colle à la peau de façon désagréable, et il se sent lourd avec tout ce qui a été absorbé. Vu que c’est une suggestion de la jeune femme, il suppose qu’il n’y a pas à faire des manières, de toute manière, ils n’ont pas le choix. À part poliment se retourner, il suppose. Mais après, quoi ? Ils resteront dos à dos ? Ce n’est pas bien pratique. 

Il hausse les épaules à ces pensées, retirant sa tenue pour la faire pendre. 

“Si tu veux mettre les tiens aussi, j’ai encore la couverture de survie qu’on nous a donné.” Amochée, mais viable. Et, pour se réchauffer, il n'y a pas 36 solutions. Tout le bois et mouillé, alors faire un feu, c’est mort. 
“...Tu sais faire des feux sous la pluie toi ?” Quoi, elle a l’air clairement plus renseigné que lui, on sait jamais ! 

Oui, bon, il ne s’attendait pas à une réponse positive pour le feu, mais peut-être pas non plus à autre chose que oui ou non. Son retour lui fait rougir les oreilles de honte, c’est une blague, clairement, mais il ne peut s’empêcher de lire ça comme une moquerie. Il se sent bête.
« Ouais… Et… des cocotiers dans la toundra.. ou quelques choses du genre… » Sa façon de rebondir n’est pas moins de maladroite, pas assez du tac au tac, mais il essaye. Pourtant, il parle beaucoup mieux sarcasme en deuxième langue qu'anglais d’habitude. Pourquoi a-t-il si peur d’avoir l’air d’un imbécile avec cette fille-là ? Pourquoi est-il impressionné ?

Un bruit attire son attention, bruissement de tissus et de..quelque chose. Maggie se retourne, ah, des fruits. Et un avertissement. Il hausse un sourcil, pour quelqu’un qui le berate, elle ne semble pas totalement en sûre d’elle, ce qu’il peut comprendre au vu de la situation, et… et sa tête virant aussi rouge que sa tignasse le rassure grandement d’un coup. Ils sont tous les deux hors de leur zone de confort, peu importe si ces zones sont différentes. Et se rendre compte de ça lui enlève un poids considérable de son estomac. 
Il hoche la tête. « Clair comme.. » il fait un geste vers la pluie, pas besoin de dire plus et va la rejoindre, se blottissant dans les couvertures, genoux relevés contre son torse et… épaule contre épaule. Leur peau toujours mouillée colle presque en contact contre une autre, il essaye de ne pas trop bouger, ne pas rappeler qu’ils sont bien des étrangers nus sous une (enfin deux) couvertures. Il n’a pas honte de son corps, pas peur de dévoiler le cratère recouvert d’encre sur son épaule, coulant jusqu’à sa hanche (et techniquement son poignet, avec cet ignoble code barre qui aurait dû être interdit vu certain moment historique). Pas gêné d’avoir les fesses littéralement a l’air. Ni embarrassé de voir quelqu’un d’autre dans le même état.
Le contact, c’est autre chose. Surtout qu’elle n’est clairement pas aussi à l’aise que lui. Il prend quelques baies généreusement offertes.

« Ce qui s’est passé dans la caverne, c’était un accident, je promets. Enfin, quand je te suis…tombé dessus. » De manière méga élégante d'ailleurs. « Je ne tenterai rien du genre comme ça. » Essayer d’apaiser quelqu’un en 10 étapes : rappeler les moments gênants. « Et tu ne me dois rien.. Si tu aides quelqu’un en attendant quelque chose en retour… À quoi ça servirait d’avoir fait tout ce bordel avec les cryogénies et connerie là. On se retrouverait avec les mêmes connards qui servent que leurs intérêts. » Enfin, il a conscience que c’est naïf. « Mais je retiens que tu sais comment faire du café. » Et que sans Alice, il serait sûrement lui aussi bloqué au fond de cette grotte de malheur.