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Palace des crabes
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Entre les minuscules brèches de l'abris, les timides rayons du soleil levant perçaient à jour les volutes d'une fine poussière. A l'intérieur de la ruine, un feu presque éteint, entre les braises frétillait une boîte de conserve rouillée. L'odeur de poisson et de crabe bouillis se reniflait d'assez loin. Le matelas en branche avait était délaissé, les braises crépitaient, un léger vent salin s'engouffrait dans l'abris.


" Pierdol cheh ! "

L'homme s'assit sur ce maudit rondin de bois et enserra douloureusement sa main gauche. L'envie d'écraser cette plaie purulente le prenait sans cesse. Une fine larme de sang s'écoula le long de son coude, l'homme essuya cette dernière sur son pantalon et se perdit dans une longue réflexion, fixant sans fin le sable éternel de cette longue plage.


Au bord de l'eau débutait un véritable duel de crabe. Le premier, plus gros, dansait d'une drôle de façon. Le second, probablement plus jeune, offrait quelques estocades, mais se butait aux pinces plus larges de son vieil adversaire. Ainsi se déroulait un véritable duel d'escrime auquel Denzel n'y préta aucune attention. Il pensait, les yeux rivés sur ses propres pieds.

" dobrze! "

Le survivant se dressa d'un seul coup, il fit volte face au rondin et commença à gravir énergiquement la dune de sable. La tranquillité de l'abris s'en trouva bafoué par les investigations nerveuses du polonais. Il sortit de son sac rapiécé un long cordage, vieilli et attaqué par de longues années passées à dériver au grés de la mer et des UV d'un soleil assassin.


Sur la berge l'escrime se perpétuait. Quelques crabes spectateurs s'étaient invités au combat. L'ancien parait sans dire mot, contrant sans mal les coups hasardeux du jeune crabe. La foule acclamait d'une danse latérale et de coup de pinces en l'air.



Denzel fit une boucle aux extrémités du rondins, serra le nœud ainsi formé et s'en alla rejoindre le haut de la dune, l'animal était tout transpirant, ses cheveux gras tombaient sur le côté de son visage, sa barbe drue perlait de sueur et de sel cristallisé. L'homme reprit sur le cordage jusqu'à tendre ses muscles affaiblis et entreprit de hisser lourdement le rondin en tirant sur le cordage affaiblit.

En haut, les steppes s'agitaient, un grognement se fit entendre, durant l'effort Denzel jeta un rapide coup d'œil aux plantes sauvages, ça bougeait, le grognement se transforma en grondement et l'orée des steppes s'agita de nouveau, plus nerveusement.

" Wynośh cheh stąd dupku !! "

Le polonais, après plusieurs mois à survivre seul, n'écrivait plus, ne parlait plus, il ne faisait que penser, réfléchissait aux moyens de survivre. Parler anglais, sa langue d'adoption, était devenu inutile.

Survivre, tête d'ail  

" zabihe cheh !! "  hurlait en continu le polonais en direction des steppes agitées tout en tirant sur le cordage craquelant.

Cela faisait quelques semaines que le survivant subissait les investigations chasseresses d'un animal inconnu, à la taille probablement supérieur à celle polonais blessé.


La foule était en délire, ça claquait des pinces, ça dansait latéralement, les deux crabes s'affrontaient sans retenu l'un pour l'autre. Le plus jeune avait perdu un œil dans le duel, le plus vieux affichait une profonde blessure sur la pince droite.


Un nouveau rugissement fit sonner la chair de poule au Polonais en labeur, ce dernier lâcha subitement le cordage, libérant ainsi l'énorme rondin de toute contrainte. Le survivant se tourna nerveusement vers les steppes fantômes.

Jugulaire tendue, nerfs des épaules saillants, avants bras contractés, yeux larmoyants de colère, la silhouette fit résonner de sa rage tonitruante :

"Pierdol sheh shpiegu dupku !! "

La steppe s'agita soudainement, les bruissements s'éloignèrent, le calme revint. L'homme s'affaissa, ravit d'avoir fait fuir la bête une fois encore.


Le rondin dévalait la dune de sable, balayant toute poussière sur sa route. L'escrime était à son point nommé, le jeune crabe allait porter le coup fatal au vieux crustacé quand tout à coup, tout fut balayé par une vague écrasante. Le sable se mit à exploser, les carcasses voler en éclat. Les spectateurs se séparèrent de justesse pour éviter la bûche qui dévalait la dune, le rondin, dans un dernier fracas, s'étendit paisiblement dans une eaux claire et peu chamboulée.

Les duellistes étaient morts.

Rorke se tourna machinalement vers l'autre côté de la steppe. Quelque chose d'autre approchait. Ça soufflait, ça respirait et ça n'était pas le prédateur.

" Kim jesteś ? "
Denzel
≣ Labradorite des sables
Denzel
Denzel
Jeu 12 Jan - 19:57
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Les steppes. Y avait-il un endroit plus inhospitalier dans les environs ? C’était… Totalement vide, ou presque. Quelques rares touffes herbus surgissaient ça et là, mais le sol en général était globalement couvert de sable. De vagues arbustes essayaient vainement de survivre, à certains endroits, décharnés et secs. Et la faune ? Elle n’avait guère vu que des insectes, et elle n’avait pas encore assez faim pour songer à les attraper, non merci. Le contraste était assez saisissant avec l’agitation de la mer, qui se trouvait à un peu moins d’un kilomètre sur sa droite. Mais marcher dans les dunes sableuses était une dépense d’énergie inutile, alors elle était remontée jusqu’à une partie un peu plus rocailleuse pour continuer son chemin. Si elle ne s’était pas trompée, elle aurait atteint l’orée de la forêt avant la tombée de la nuit.

Cela faisait deux mois et trois jours qu’elle était sortie de sa ruche. Elle ne comptait pas depuis son éclosion, car elle n’était pas vraiment certaine du temps qu’il lui avait fallu avant d’avoir assez d’énergie pour sortir de sa capsule. Et depuis, elle survivait, alors que l’espoir de voir ses compagnons de ruche s’éveiller bientôt s’amenuisait lentement. Au début, une fois qu’elle avait réussi à se frayer - littéralement - un chemin vers la surface, elle avait pensé qu’on la rejoindrait sous peu. Elle s’était éloignée, un peu, pour cartographier la zone, avant de revenir. Et puis elle était partie un peu plus loin. Et encore un peu.

Elle était actuellement à une semaine de marche de son point de départ, et sur le chemin du retour, se demandant comme à chaque fois si, cette fois, il y aurait du monde. Pour le moment, ses débuts “seule face au monde” était un succès. Elle se repérait grâce à la position des étoiles, se nourrissait de quelques rats - ils étaient énormes, mais c’était bien des rats - qui se prenaient facilement les pattes dans ses collets et elle explorait de nouveaux territoires. Bon, manifestement, cette steppe n’avait rien de glorieux à lui offrir, mais il n’y avait pas de mal à savoir où elle se situait. Elle avait cependant hâte de retrouver la forêt, car ce n’était pas avec une demi-gourde pleine et son dernier rongeur qu’elle irait bien loin.

Elle en était là quand ses pensées furent brutalement interrompues par un grondement sauvage, loin devant elle. Un prédateur ? Manifestement, elle n’était pas sa proie, car il ne se serait pas fait entendre avant de lui sauter dessus. Elle resserra les sangles de son sac à dos et s’accroupit, à l’affût. Jusqu’à présent, elle n’avait pas rencontré de réelles créatures dangereuses, et vu la taille des campagnols, ses dernières risquaient d’être un peu plus grandes que des sangliers. Elle arma lentement son arbalète, se forçant à respirer calmement alors qu’elle s’assurait que ses carreaux étaient correctement en place. Si elle était une cible en ses lieux sans reliefs, n’importe quel animal qui tenterait de l’attaquer ici serait très vite visible. Les guépards de l’ancien monde avait une vitesse de pointe d’une centaine de kilomètres/heures. Ses projectiles avaient une vitesse moyenne de 300 km/h. Elle ferait de gros dégâts avant d’être touché.

Un nouveau grondement bestial se fit entendre, toujours loin devant elle. Elle n’était définitivement pas sa cible, mais elle ne bougea pas de suite. Une bête au ventre plein était un danger moindre, alors si elle chassait, mieux valait attendre. Sa résolution vola de suite en éclat quand l’écho d’une voix lui parvint. Une voix ! Un autre humain !!

Debout d’un bond, elle s’était mise à courir avant d’avoir commencé à réfléchir. Si un de ses compères était en danger, il était normal qu’elle aille l’aider. La perspective de rencontrer enfin quelqu’un, couplé à l’adrénaline, lui donnait des ailes. La voix résonna encore, mais elle ne comprit pas les mots prononcés. Mais un mouvement, au coin de son champ de vision, la fit ralentir. Quelque chose s’éloignait, et c’était très gros. Bien plus que ce à quoi elle s’attendait, tout en restant indéfinissable à cause de la distance. Décidément, elle ne voulait plus mettre un pied dans ses steppes.

L’odeur saline remplissait ses poumons, malgré son souffle désormais court. Elle marchait à nouveau sur le sable, regardant autour d’elle, scrutant l’horizon, pour s’assurer que rien ne revienne, quoi que ce puisse être. Et l’humain ? L’animal n’aurait pas fui s’il l’avait eu, il devrait donc être dans le coin…

Et soudain, du haut d’une dune, elle le vit.

C’était un homme, et il était vivant, c’était déjà un bon point. Elle aperçut aussi ce qui semblait être un abri de fortune et de bric-à-brac. Il semblait seul. Sa ruche se trouvait-elle dans le coin et attendait-il, lui aussi, que ses compagnons se réveillent ? Elle s’arrêta totalement en l’entendant parler - vociférer ? - encore. Ce n’était pas de l’anglais, ce qui était surprenant. Et rien n’évoquait une survie organisée. Elle hésita.

- Hey ?...

Elle imaginait déjà le nom du vlog qu’elle aurait pu sortir à l’époque. “Titre: Première rencontre humaine après deux mois !” et un énorme smiley choqué dans la miniature. Le suspens attirait les curieux.

Sourit à la caméra Junko !” aurait dit sa mère, et elle se rendit compte qu’elle souriait déjà, de ce sourire mécanique et faux, ce sourire qui n’atteignait pas ses yeux et qu’elle adressait à l’objectif continuellement.

- Bonjour, je…

Sa propre voix déraillait. Elle n’avait pas vraiment parlé depuis son réveil. Et puis, vu sa conversation actuelle… “Bonjour”, sérieusement ? C’était la première chose qui lui était venue en tête quand elle rencontrait enfin un autre humain ? Vive l’originalité !

On refait la prise, celle-ci n’est pas bonne, soit un peu plus convaincante !

Elle tenait toujours son arbalète à la main. Cela lui donna une assurance qu’elle n’était plus vraiment certaine d’éprouver, à mesure qu’elle détaillait mieux l’homme qui lui faisait désormais face. Il avait l’air… Usé ? Un terme poli pour dire qu’il ne semblait pas net, mais hey, si on jugeait les autres à leurs apparences même après l’apocalypse, où le monde irait ? Enfin, ça ne l’empêchait pas de rester prudente, on lui avait assez rabâché que les hommes étaient dangereux après tout…

- C’est vous que cette bête visait ?

Au niveau sociabilité, elle s’en sortait à peine avec un 2/10. Ce n’était pas en déblatérant des évidences qu’elle ferait avancer cette conversation…
Junko
❦ Ramure de laurier
Junko
Junko
Palace des crabes Fall-autumn
Ven 13 Jan - 20:59
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La silhouette, d'un air nonchalant, croisa les bras et admirait avec résilience le rondin de bois se faire gentiment bahuté par les timides vagues de la berge.
Envie soudaine de s'allumer une cigarette.

La steppe s'agita de nouveau, une respiration, un mouvement, le sable s'échappant et dégringolant de la dune au dos du Polonais.

- C’est vous que cette bête visait ? "

L'homme s'était à demi retourné, regardant par dessus son épaule, le reste de son corps était resté planté face à la mer, les bras croisés, il crut d'abord à une illusion.

Ni grande ni petite, des cheveux à priori noirs, mais d'autres tresses aux couleurs plus pâles. Des marques blanches à quelques endroits du corps, probable tatouages. Elle n'avait pas l'air effrayée, plus étonnée qu'autre chose. Kowalski détaillait la silhouette fichée devant ses yeux, elle avait l'air réelle, le sable se dérobait sous ses pieds, le corps du polonais se retourna immédiatement vers l'inconnue, ses cheveux réagissaient aux légères bourrasques de vent, il décroisa les bras, on devinait une arbalète dans les mains de cette jeune femme, les mains du naufragé se posèrent sur sa taille, celle de droite prête à se glisser rapidement dans son dos.

" Kim jesteś ? " chuchota t-il. Son menton se ficha dans son cou, les yeux rivés dans le sable, il se perdit l'espace de quelques secondes.



Une main ferme anime mon bras. Je sens le froid et le poids de cette fichue pierre. L'air nous manque et l'autre voix me marmonne dans la tête. Il est au dessus de moi et j'entends le sang vibrer dans mes veines, le sang me monter à la tête, je ne respire plus. Le plafond se dérobe au-dessus de nos têtes, la poussière est maître dans ce déluge de béton. Elle est là-bas, devant cette volée d'escalier. Je ne vois plus son visage, c'est elle ?
La pierre se fracasse. L'homme tombe à la renverse, le sang explose en quelques larmes chaudes. La pierre s'abat de nouveau, encore et encore. La poussière se mêle rapidement à une marre de sang.
Elle n'est plus là.


Les secondes, dans sa tête, s'écoulèrent comme les heures d'un lointain souvenir. l'odeur du sang et de la poussière lui revinrent au galop, il balaya les murmures de sa voix intérieur d'un geste de la main fantomatique et retourna poser son regard abattu sur l'inconnue.

" Kim'do cholery jesteś ? "

Il s'était réveillé. Ce n'était pas cette femme qu'il " cherchait ". Un spasme de vie ranima le Polonais, il fit tomber ses bras le long du corps et bascula immédiatement en avant. Une trentaine de mètre séparait la jeune arbalétière du Vieil animal fatigué qui s'était élancé à la rencontre de son invitée.

Peut-être qu'elles se connaissent. Elle n'est sans doute pas seule. Elle est armée. Dessiner... Mais l'ombre plane toujours dans nos souvenirs. Et si l'autre était cachée ? Il se stoppa une demi-seconde, scruta l'arbalète. Non, avec l'autre goule qui rôde ici personne ne peut se cacher longtemps dans les fourrées.

Il couvrit rapidement les trois-quarts de la distance qui séparait les deux survivants. Le regard froid du polonais alla se planter dans le blanc des yeux de son inconnue le temps de couvrir les derniers pas qui allait l'amener à un timide mètre de différence entre eux deux.

Il la pointa du doigt et ne lâcha pas son interrogatoire des yeux.
" Jesteś sam ? "

Il soupira longuement. L'anglais était sa langue d'adoption et il maîtrisait plutôt bien cette dernière, mais chuchoter à son esprit durant ces derniers mois l'ont conduit à négliger l'entretien de ce dialecte pourtant pas si compliqué.
Il se rattrapa finalement sur sa question initiale, ne voulant pour le coup, pas trop paraître agressif, pour sa possible prochaine défense.

Il pointa la jeune femme du doigt, puis son ventre et alla ensuite pointer son abri en tendant son bras.

" Faim ? Soif ? " il fit mine de manger une bouchée de pain fantôme " Tu es la seule ? " il s'essaya à sourire, mais abandonna rapidement l'idée, il ne fallait pas effrayer l'inconnue. Il essaya néanmoins d'être relativement sympathique, mais réfréner sa peur de l'inconnu n'est pas chose simple. Il glissa gentiment sa main droite dans son dos, mimant une vague douleur au niveau de la ceinture.

Il posa ensuite calmement sa main gauche sur sa propre poitrine et reprit d'un air rassurant :

" Denzel "
Denzel
≣ Labradorite des sables
Denzel
Denzel
Lun 16 Jan - 18:00
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Le survivant qui lui fait face avait l’air d’avoir vécu pas mal de choses. La barbe qui mangeait son visage était hirsute, ses cheveux gras de crasse et le soleil avait marqué sa peau. Il l’a fixait avec stupeur, comme s’il ne croyait pas en sa présence mais les mots qui lui parvenaient n’avaient pas le moindre sens. En quelle langue parlait-il donc ? Les participants de Perséphone ne devaient-ils pas tous parler anglais ?... Elle était pourtant bien dans le “futur” de l’humanité, vu la transformation de son environnement. Des civilisations auraient-elles pu survivre jusque là ? Pourtant, son habillement faisant référence à son époque à elle alors…

Le mouvement de son vis-à-vis fut si brusque alors qu’il s’élançait soudainement dans sa direction qu’elle en sursauta. Elle se retient à grande peine de lever son arme et de le viser avec. C’était un être humain, et c’était ce qui la contenait. Il y a une différence entre tuer des animaux pour vivre, et tuer un homme… Mais s’il l’attaquait ?... Elle hésita encore. Si elle était en danger, c’était maintenant qu’elle devait agir, avant qu’il soit trop proche. Ses mains se crispèrent et… L’autre ralentit soudain. Elle retient son souffle..

Il était manifestement fou, il n’y avait pas d’autres choix de mots possibles. Que ce soit ses gestes ou ses paroles, rien n’était cohérent. En fait, il ressemblait à un mélange entre les fameux SDF dont ses parents ne cessaient de décrire les dangers, et l’homme à moitié nu élevé par des singes d’un dessin animé que lui avait fait voir son frère en cachette quand elle était jeune. Enfin, il arriva à baragouiner quelque chose un minima compréhensible. Mais… Manger, ici ? Avec lui ?...

Elle pouvait partir. Le sable la ralentirait mais une fois sur la roche un peu plus haut, elle pourrait facilement s’éloigner. Et s’il tentait de l’arrêter, et bien… Avec de la distance, vu son état général, elle devrait pouvoir le semer assez rapidement. Et son couteau était à portée de main, à sa taille. Même sans être spécialisée au corps à corps, elle savait se défendre donc…

- Je veux bien manger… Et oui, je suis seule.

Elle ne savait pas trop ce que pouvait bien manger ce type dans le coin, mais si ce n’était pas du poisson pourri, ça lui changerait toujours des rats…

- Je m’appelle Junko.

Elle pointa sa propre poitrine en prononçant ses mots, pour qu’il comprenne bien qu’elle lui répondait. Elle n’était absolument pas rassurée. Dans quoi elle s’engageait donc ?...

“Titre: Première rencontre avec… un sauvage ?!”

Est-ce que le terme “sauvage” ne serait pas décrié comme raciste par sa communauté ? Cela mériterait une réflexion approfondie, mais pour le moment, elle se contenta de le suivre jusqu’à la pauvre bicoque qui lui semblait d’abri de fortune. Clairement, le coin n’avait pas été pensé pour y survivre correctement. Ne serait-ce qu’à cause de la créature qui rodait non loin. La solidité du lieu ne tenait qu’à un fil et elle craignait qu’un coup de vent trop violent n’emporte le tout. L’odeur du sel était aussi omniprésente que les divers déchets qui étaient aux alentours. Des carapaces de crabes, des branches de tailles diverses, des algues et d’autres vestiges qui semblaient avoir été récupérés au gré des marées. Il n’y avait pas de traces d’une autre personne, à part le fameux Denzel. Lui aussi était donc seul. Est-ce qu’au final, les ruches n’avaient pas fonctionné correctement ? Toutes les capsules ne s’ouvraient donc pas en même temps ?

- Vous êtes ici depuis combien de temps ?

Elle se rendit compte que son arbalète était toujours armée. Elle remit lentement la sécurité, mais n’enleva pas le carreau de sa place pour autant. Bon, en cas d’attaque, elle ne pourrait pas s’en servir contre lui, mais cela la rassurait de savoir qu’elle était prête… Au cas où. Elle pourrait toujours dire que c’était à cause du prédateur qui rodait. Si Denzel était en mesure de comprendre d’aussi longues phrases.

Elle regarda en contrebas, vers la plage. Un tronc était échoué sur la rive, et les divers traces indiquaient qu’il avait tenté de le tirer jusqu’à son abri. Elle avait remarquée une blessure sur une de ses mains, peut-être venait-elle de là. Mais elle hésitait à lui proposer de l’aide, ne sachant pas encore s’il était inoffensif, ou s’il pouvait s’avérer dangereux. Enfin, elle pouvait bien accepter du crabe sans crainte, non ? Si c’était bien son régime alimentaire de base…
Junko
❦ Ramure de laurier
Junko
Junko
Palace des crabes Fall-autumn
Mer 18 Jan - 20:55
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La main calleuse quitta le dos du polonais, ce dernier rabattit son haut par dessus le fourreau accroché au dos de sa ceinture. Le regard songeur de l'homme cherchait dans le vide des réponses à ses questions tordues.

L'air salin, porté par quelques embruns marins, venait s'écraser sur les visages des deux protagonistes. Le vent, léger, mais constant, venait sécher ces larmes marines, transformant ces perles humides en de petits cristaux de sels accrochés à la peaux des êtres survivants.

Junko. Elle était seule. Denzel croisa les bras, il regardait par dessus l'épaule de la jeune femme. Ses yeux vitreux voyageaient au-delà de la dune qui surplombait le duo humain, son regard se posait sur les différentes cimes des arbustes de la steppe attenante à cette plage. La traque était elle terminée pour aujourd'hui ?

" Vous êtes ici depuis combien de temps ? "

Kowalski tourna les talons en direction de son abris rouillé, là-bas, le vent serai nettement moins présent et l'appétence d'un repas suffisait à Denzel pour se décider à inviter son interlocutrice à suivre ses pas.

Rorke hochait la tête de gauche à droite. Il s'était accroupit au pied d'un arbuste recouvert d'une fine bâche en plastique. Un trou avait été formé au plus bas de la bâche et le survivant y glissa le goulot d'une gourde en inox. Il secoua gentiment la bâche et quelques larmes d'une rosée matinale vinrent s'écouler le long de la bâche.

" Quelques mois, f'tym gównieh.. " Le survivant se dressa, resserra le goulot de sa gourde, il jeta un regard par dessus son épaule, sur cette Junko.

" J'ai encore deux k'chzew à rincer avant de rentrer, suis moi. "

Le sable s'envolait sous les pas des deux survivants. Le vent venait directement de la mer, il s'engouffrait dans les terres, faisant danser et chanter les touffes des arbustes désertiques. A cette heure matinale le vent se lève, il ne ferai que s'intensifier jusqu'au début de la fin d'après-midi.

" Et Toi ? Tu es... niedobitek. Réveillée !Réveillée depuis quand déjà ? "
Le deuxième arbuste offrait une plus belle récupération d'eau douce. Le liquide aqueux commençait à fluer à l'intérieur du contenant, c'était bon signe. Soulagé, le polonais se redressa et fit à nouveau face à la jeune femme. " Tu m'excusera pour mon parler.. Je parlais pas.. Bardzo, la langue anglaise ces dernières mois. "

Le dernier arbuste offrit le même résultat que le second. La flasque s'agitait à demie remplit. Rorke renifla l'intérieur du contenant, pas d'odeur, il posa ses yeux sur Junko, il se voulait rassurant, malgré ses vêtements rapiécés et attaqués par les assauts d'air salin incessant, il savait qu'il avait une bien mauvaise prestance.


Denzel déglutit la première gorgée. L'eau était bonne, fraîche et revigorante. Elle débarrassait sur son passage les dépôts de sels cristallisés et coincés dans la gorge. Il tendit ensuite la gourde à son invitée et fit signe qu'elle pouvait la garder, temporairement.


Le vestige servant d'abris n'était plus qu'à une dizaine de mètre.

L'intérieur poussiéreux offrait assez peu de confort. Le tronc si ardemment désiré pour fabriquer une assise gisait encore en contre-bas, balloté par les flots d'une berge fouettée par les vents marins.  

Kowalski retourna un seau bancal et fit signe à Junko qu'elle pouvait s'assoir dessus, non sans crainte.

" Il tiendra " lâcha t-il en haussant les épaules.

Le polonais quant à lui alla poser son corps endolorit sur son étalage de branches et de feuilles craquelâtes. Le feu était monté au pied de la paillasse où était installé Denzel, le seau tordu quant à lui était décemment planté dans le sable de l'autre côté du foyer, en face du Polonais. Une bonne distance et un feu entre-eux, suffirait peut-être à rassurer Junko des intentions de son hôte.


L'homme entreprit de sortir un chaudron ébréché du feu mourant. De la marmite s'échappait en volute une fluée de vapeur aux souvenirs salins. Le polak retira trois crabes de tailles moyennes, il les disposa sur une planche en bois. Il souleva ensuite la marmite, la fit passer par dessus ses jambes pour finalement venir la déposer à côté de ses pieds.


L'intérieur de la ruine n'était guère chaleureux. Une poussière de sable faisait son office au fil de la journée, se déposant ça et là aux quatre coins de l'unique pièce. Le camp en lui-même n'était installé qu'à l'entrée de la ruine. Feu de camp, lit de branche, amoncèlement de divers matériel. La lumière entrait à l'intérieur par les nombreux trous creusés par l'oxydation du métal, l'autre et presque unique source de lumière était tout simplement l'entrée de cette ruine. Rorke avait essayé d'accrocher un tissu pour couvrir l'entrée, mais les vents violents, ou bien les visites discrètes d'invités sournois et sauvages, avaient eut raison de ce voile.

Le polonais glissa sa main dans son dos et en récupéra un couteau. Le seul outil qui ne semblait pas de l'âge auquel pouvait être affublé l'état de ce camp. Il assena un timide coup sur la carapace du crabe et jeta sur le côté les parties nons comestibles. Il posa ensuite son canif sur la paillasse en branche et poussa de sa main valide la planche avec les deux crabes restants en direction de son invitée.

Il l'observait, pince de crabe entre ses doigts, venant de temps à autre croquer et aspirer le contenu de cet animal marin. Il brisa finalement le silence de son accent encore fortement prononcé.

" Y'ah reçu un coup sur la tête au réveil. il cherchait ses mots en regardant les dernières flammèches du feu s'éteindre
Flou la mémoire sur beaucoup. " Kowalski libéra la pince épuisée de toute chaire en la jetant dans le foyer. Un petit nuage de cendre virevolta, il reprit en piochant dans le corps du crabe bouilli. J'étais avec quelqu'un quand je me suis sorti de là. Je l'ai Stracony.. il grignotait la chaire du crabe sans réelle faim, le regard perdu dans le feu qui s'éteignait. Perdu, c'est ça, je l'ai perdu après quand moi je me réveil. J'ai marché dans le sable long, rien. Personne. Et ici arrivais-je. Sable, plage, crabes partout. dit-il en montrant de son regard presque enfantin les deux crabes posé sur le dos.

Sa voix n'était plus la même. Savoir que Junko assurait d'être seule enlevait un stress au Polonais, il n'avait plus, si ce n'est moins, l'impression d'être en cavale, d'être coupable de quelque chose que ce soit.

"Mais plage.. Oui plage compliqué. Petits bêtes, comme des chiens je crois, ils viennent des fois quand je suis pas là et ils mettent Bazard partout ces petits Dupki. Tout en racontant son histoire il adoptait une gestuelle, une sorte de mime sur chacune de ses histoires, mimant à l'aide de ses mains comment ces petits Dupki furetaient dans le coin. Un plus gros, mais que j'ai jamais vu, il vient et il tourne là haut dans les brousses. " il finit par hausser les épaules et regarder au travers de l'entrebâillement de son refuge, il posa d'un air épuisé son regard sur les vagues qui s'écrasaient contre le sable.

" J'ai essayé de traîner un gros morceau de bois jusqu'ici, mais.. Il montra d'un bref coup de menton sa main gauche, emballotée dans un tissu maculé de couleurs sombres. Et toi ? Tu as vu d'autres gens ? Tu sais quel pays où on est ? Et pourquoi plus personne ? Les villes détruites.. Que sais-tu, Junko ? "

D'un coup les questions qui taraudaient le rescapé firent surface. Les mots manquaient encore au naufragé, mais écouter Junko parler dans cette langue aiderai probablement l'homme à mieux s'exprimer.
Denzel
≣ Labradorite des sables
Denzel
Denzel
Dim 22 Jan - 21:47
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Etait-ce vraiment de la folie qui animait Denzel ? Ou bien cette « nouvelle vie » l’avait-elle emplie d’une lassitude lancinante, tel un homme qui a vu et vécu trop de choses, et depuis trop longtemps ? Elle ne saurait le dire ? Elle, elle se basait malheureusement surtout sur des jugements de valeurs, des a priori inculqués par son éducation loin du monde et qui ne lui avaient guère permis de développer une grande tolérance. Maintenant qu’elle était libre de ses mouvements et de ses pensées, il lui faudrait faire des efforts pour que cette humanité renouvelée ne sombre pas bien vite dans les tares qui l’avaient jadis gangrenés,

« Un peu plus de conviction et ce sera parfait ! » avait dit sa mère après l'avoir maintes fois répété ce genre de discours quand elle avait intégré le projet Perséphone. Hum, il faudrait peut-être déjà qu’elle arrête de se laisser porter par la façon dont elle avait été élevée. Et arrêter de s’imaginer vloger, pendant qu’elle y était, mais difficile de changer des habitudes fermement ancrées depuis des années.

En tout cas, malgré son apparence, Denzel semblait relativement bien se débrouiller pour survivre dans cette zone aride. Ce n’était définitivement pas l’endroit qu’elle aurait utilisé pour s’installer à plus ou moins long terme – une catastrophe à défendre et les ressources de base trop éloignées et éparses pour que ce soit pratique – mais il avait le mérite d’essayer, et de réussir grâce à un moyen très simple de récolter l’eau de la rosée. Et elle supposait que « k’chezew » était un mot pour désigner les arbustes, quelle que soit la langue qu’il utilisait.

Néanmoins, elle trouvait étrange qu’il se soit déjà plus ou moins sédentarisé s’il était réveillé depuis quelques mois, comme il le lui répondit, Surtout ici, on en revenait à ce point, Il lui semblait plus pertinent de cartographier un peu les environs afin d’y trouver un lieu plus propice à un établissement de longue durée. Sa Ruche se trouvait peut-être dans le coin ?… Ce n’était pas impossible, malgré la composition du sol. Peut-être était-il donc, comme elle, dans l’attente de voir ses compagnons s’éveiller sous peu ?

- Je me suis éveillée il y a deux mois. Les autres de ma Ruche dorment encore, je suis la première.

Elle avait croisée pas mal d’animaux terrestres - des cervidés et des très gros rats, généralement, et elle avait repérée quelques prédateurs aussi dont elle avait évité de trop s’approcher - ainsi qu’une multitude d’insectes, mais pas encore d’autres êtres humains. Bon, elle s’était plutôt imaginée croiser un survivant aguerri par hasard lors d’une chasse, ou sur ses compagnons éveillés à l’un de ses retours, pas sur un Robinson Crusoé mal fagoté. Les a priori Junko, qu’est-ce qu’on a dit ? Rien ne lui prouvait qu’elle ne serait pas dans le même état dans quelques mois. Quoi que, elle était désormais tout à fait prête à tout faire pour éviter ça, vraiment.

- Vous êtes de quel pays ?

« Étiez » aurait été un mot plus juste mais elle avait encore du mal à parler de ce qu’elle avait connu jusqu’à présent au passé. Difficile de se dire que son sommeil avait duré… Au moins 100 ans ? Quoi que, vu les paysages actuels, cela devait faire plusieurs siècles qu’ils dormaient, assez pour laisser le temps au reste du monde de s’éteindre et à la nature de reprendre ses droits. En tout cas, il était clair que Denzel n’était pas originaire d’Amérique. Une des scientifiques du projet lui avait dit qu’il pouvait y avoir une confusion de langage à leur réveil. Si l’anglais n’était pas sa langue maternelle et qu’il n’avait pas pu parler avec d’autres avant elle, tout s’expliquait logiquement.

Elle lui adressa un sourire polie en secouant la tête quand il lui proposa sa gourde d’eau et sortit la sienne de son sac. Ils devaient en être plus ou moins au même point de remplissage tous les deux, alors autant ne pas lui boire ses réserves. Elle pourrait facilement remplir la sienne dans la journée, quand elle serait repartie vers la forêt. Oui, elle n’était pas encore vraiment sûre de rester ici trop longtemps.

Elle entra à sa suite dans son « abri » de fortune, et pendant qu’il s’occupait de lui fournir un siège, elle en profita pour regarder autour d’elle. Elle s’attendait à ce qu’il ait tiré profit de la ruine contre laquelle il avait adossé son camp mais son vague équipement se trouvait au tout début. Tout était clairement sommaire, rassemblé ici par intérêt plutôt que par confort, mais ça avait au moins le mérite d’avoir une base solide, un mélange de tôle, de métal et de pierres qui le protégeait en partie des éléments, même s’il ne ferait sûrement pas le poids face à la bête qu’elle avait entraperçu plus tôt. Elle se demandait ce que cet endroit était, avant. Difficile de lui trouver une fonction claire, mais bon, vu à quel point le monde et l’environnement avaient changés…

Elle se rendit compte qu’elle était restée plantée debout un peu trop longtemps, et que son vis-à-vis s’occupait déjà de sortir des crabes d’une marmite qui avait bien vécu. Ne voulant pas paraître plus méfiante qu’elle l’était déjà, surtout que l’autre homme avait manifestement veillé à se tenir loin d’elle pour ne pas la gêner, elle prit place sur le seau déglingué qu’il avait mis à sa disposition, posant son sac à ses pieds, et son arbalète à sa droite. Ainsi installée, elle imita les gestes de son comparse en sortant son couteau et en s’occupant de la carapace d’un des crabes  restants, avant de le déguster avec un vrai plaisir. Là où elle avait grandi, coupé du monde, on trouvait guère d’arthropodes, et leurs rares mets marins étaient des poissons de rivière ou des écrevisses, mais il n’était pas question de faire la difficile dans leur « nouvelle » époque. Et c’était largement plus délicieux que les rats grillés, vu qu’elle n’avait pas grand-chose pour donner du goût à la viande. Sans parler du fait que cela ferait du bien à son corps, de se rassasier avec quelque chose de nouveau, pour une fois. Elle l’écouta donc raconter son bout d’histoire tout en continuant de manger.

Ainsi, de son côté, il s’était bien réveillé avec quelqu’un d’autre, contrairement à elle. Mais pourquoi cette personne serait-elle partie en le laissant seul s’il était blessé à son éclosion ? L’union faisait la force, non ? A moins que ce soit l’esprit de Denzel qui ai eu l’impression d’une autre présence à son éveil ? On leur avait bien dit qu’ils pouvaient être sujet à quelques effets secondaires après tout. Dans tous les cas, elle avait toujours l’impression de se retrouver avec plus de questions que de réponses au fur et à mesure qu’elle l’entendait parler.

- Peut-être des renards ou des fennecs, songea-t-elle à haute voix quand il lui parla de « chiens ». Ses animaux avaient tendance à vivre en petit groupe et savaient vivre sur des steppes sableuses comme celle-ci. Et ils étaient assez curieux et téméraires pour oser s’aventurer vers l’homme, déjà à leur époque, alors elle n’imaginait pas maintenant. Elle reprit, passant à du tutoiement sans vraiment y songer : J’ai vu cette bête qui a voulu t’attaquer tout à l’heure. J’étais loin, mais ça ressemblait à un félin, un assez gros.

Un félin pouvait être une bonne nouvelle, dans un sens. Ses animaux étaient généralement territoriaux, mais très souvent solitaires. Avec quelques flèches – ou carreaux, dans son cas – et des pièges, il serait assez facile d’en venir à bout s’il osait trop s’approcher d’ici. Ce serait plus compliqué si c’était une meute, mais une meute aurait très certainement attaquée depuis le temps, galvanisée par leur nombre. Elle regarda une nouvelle fois la main de Denzel, et la blessure que l’on y devinait. Difficile d’utiliser un quelconque arc dans ses conditions, alors remonter un aussi gros tronc d’arbre jusqu’ici malgré la pente sablonneuse… Elle plissa le nez. Une blessure infectée mal soignée pouvait vite devenir mortelle. Elle se pencha pour ouvrir son sac et chercher son équipement de premiers secours. Elle pouvait au moins faire ça. Elle releva juste les yeux pour lui jeter un regard suite à ses dernières questions.

- Le coup sur la tête t’a définitivement pas fait du bien. On savait que le monde tel qu’on l’avait connu n’existerait plus à notre réveil, on a signé pour ça après tout, pour aider l’humanité à survivre, non ? Elle retourna à son sac, sortant d’ailleurs la petite pochette qui contenait des baies comestibles de ce dernier – ça leur ferait un bon dessert – avant de sortir la trousse de soins qu’on leur avait fournis avec leur équipement de base. Je dirais qu’on est en Amérique du Sud, vu la position des étoiles, mais je ne sais pas combien de siècles on a dormi, et j’ai pas encore trouvé de vestiges pour m’aider à mieux me situer par rapport à avant.

Elle releva enfin les yeux vers lui, et eut clairement l’impression de l’avoir perdu en chemin. « Parle plus lentement face à la caméra Junko, et sourit un peu plus » lui disait sa mère. Elle posa les baies près du crabe restant – elle n’osait pas le reprendre de suite, ce serait sans doute plus polie de lui proposer de partager ? - et essaya de lui adresser un sourire qui ne se voulait pas trop indulgent, ou infantilisant.

- Tu te souviens quand même du projet Perséphone non ?

Maintenant qu’elle y pensait, pourquoi il n’avait pas le même genre de sac qu’elle avec lui ? Elle n’avait rien vu de tel quand elle avait regardé la « pièce », seulement du matériel qui avait clairement l’air d’être de la récup. Il avait peut-être quitté sa Ruche totalement déboussolé par le coup qu’il avait reçu et en avait oublié son équipement ? Mais pourquoi n’était-il pas retourné le chercher après dans ce cas ? Bon, elle, elle n’était pas redescendu dans la sienne, mais c’était parce qu’elle n’était pas sûre que le chemin qu’elle avait dû littéralement creuser pour en sortir tienne le coup, vu la zone humide dans laquelle elle se trouvait.

- Comment s’appelle ta Ruche ? Elle insista en voyant qu’il n’avait pas l’air de la suivre : Ton tatouage, il représente quoi ? Machinalement, elle dévoila le sien sur son bras pendant qu’elle parlait. Elle se rappelait de certains de ses condisciples lorsqu’ils avaient été sélectionnés pour le projet, clairement pas de tous parce qu’ils s’étaient entraînés en petits groupes, mais peut-être que Denzel faisait partie de la Ruche de quelqu’un qu’elle avait connu ?
Junko
❦ Ramure de laurier
Junko
Junko
Palace des crabes Fall-autumn
Mer 25 Jan - 17:44
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Le polonais dévisageait son interlocutrice. Il réalisait tout juste que c'était la première âme à qui parler depuis des mois. Il détaillait chaque traits de son visage, essayait de déterminer son âge, il écoutait ses paroles, observait son équipement. Il écoutait sa voix. Il se laissait ainsi songer à ce qu'était la vie d'avant. L'odeur du gasoil, l'alcool, l'odeur du tabac froid, le bruit des terrasses débordantes, les animaux domestiques. Les chevaux. Cette putain de photo, oui !

tête d'ail réveil toi

Rorke songeait profondément. Comme perdu dans ses pensées il avait planté son regard dans le sable au travers de l'ouverture de son abris. Il écoutait silencieusement l'arbalétière.

Elle s'était réveillée il y a deux mois. Peut-être tout autant voir moins que Rorke. Pourquoi était elle si aventurière ? Pourquoi Denzel s'était il terré au fond d'une plage abandonnée. A ces pensées le survivants trouva immédiatement la réponse à sa question, se cacher, encore. Kowalski jouait maladroitement avec son couteau pendant qu'il écoutait Junko parler de sa voix, une voix, quelqu'un, enfin.

Dehors le vent battait son plein. Midi devait approcher. Des tourbillons de sables dansaient sur la plage abandonnée par les crabes. Comme à son habitude l'énorme ombre marine fit son apparition au large de la berge. Elle dansait énergétiquement, presque à la surface de l'eau. Quelques remous de mer signalaient sa présence, sa balade, l'ombre devait chasser les crabes partit se réfugier du vent. Rorke n'en pouvait plus de cette plage. Il soupira, plongé entre ses pensées perdues et l'écoute attentive des mots de Junko.

" Polska. Je viens de la Pologne. " répondit il en lâchant finalement ses pensées et en plongeant son regard abattu dans celui de Junko, bien plus alerte. " Je pense, je crois me souvenir de champs. La mer aussi y'avait. Un peu de tout. Après décolle " il mima un vague geste d'avion. " Angleterre. Et puis, je me souviens plus trop. Quelques amis, j'ai vécu Angleterre longtemps je crois. Tôt dans mon âge en tout cas. " il haussa les épaules, posant finalement son regard sur le crabe " "cuisiné" restant.

Des fennecs. Un gros félin. Rien de bon. En plus de la " magistrale ", comme surnommait Denzel l'ombre marine qui rodait sur la berge. Le polonais grimaçait. Pendant des semaines il avait l'impression qu'il devait quitter cette plage sur-habitée. Il avait l'impression de s'être implanté sur un territoire dans lequel il n'avait pas sa place, un endroit où il n'avait plus aucun contrôle. Mais pour aller où ?

" Dupki de merde. Ils n'attaquent jamais. Ils chantent là autour. Ils creusent, ils volent. La grosse, elle gronde, oui c'est une grosse Kot. " Il renifla. Il se remémorait les nombreuses fois à hurler dans la direction de ces grognements incertains. Il planta finalement son couteau entre ses pieds et arracha une pince du crabe restant, poussant de sa main blessée le reste vers son invitée.

" Pour toi, Junko. Cette après-midi je retourne ramasser ces Kraby, j'en aurai pleins. Manges "



De quoi parlait elle ? Aider l'humanité ? Signé pour ça ? Kowalski écoutait attentivement ses paroles. Non impossible. Mais de quoi parlait elle ? Rorke voulait se donner la mort dignement, non pas sauver l'humanité. Des vestiges ? Oui, en traversant le désert des vestiges il en avait une vague idée. Amérique du Sud ? mais c'est quoi ce bordel ?! Il croqua dans la pince de crabe et après s'être entrechoqué les molaires il jeta la pince sur le plan en bois où était posé le deuxième crabe offert.

" Tu te souviens quand même du projet Perséphone non ? " Denzel s'était redressé subitement, il marmonnait dans sa langue natale. Nie nie... " Comment s’appelle ta Ruche ?" Ruche ? C'est quoi une ruche ? "
Ton tatouage, il représente quoi ?
" Tatouage ? trigramme ? non, NID, numéro d'identification.

Rorke s'était appuyé dans l'entrée de l'abris. Il zieutait le sable, écoutait les bruits environnants. Il pensait. Il réfléchissait aux mots qu'il allait employer. Combiens d'années avait-il passées dans cette cuve ? Tout se mélangeait dans son esprit.

Il lâcha finalement du regard la plage pour venir observer à nouveau son interlocutrice. Il posa son dos contre l'arrête métallique de l'entrée de l'abris, plia ses genoux vieillissants afin de se mettre dans une position accroupit pas trop inconfortable. Il pointa du menton le crabe offert, puis le tas de baies posé à côté.

" Prends le, vraiment. Je n'ai plus głód. De toute manière dans la journée je dois lever les pièges. " Il allongea son bras pour se saisir d'une de ces baies étalées sur la planche sans demander quelconque autorisation. Il la fit rouler entre ses doigts, la renifla, posa ses crocs polis par les années su ce fruit inconnu.

Acide, pas amer. fruité et du jus. pas mal. Comment tu as appris à reconnaître les fruits ?  

Il avala tout rond la baie. Ses pieds sautillaient en un petit rythme régulier, accroupit cela lui donnait un air quelque peu amusant, bien qu'inquiet. Il enserra sa main blessée dans sa main valide et reprit en regardant Junko.

" Perséphone. Quand on m'a proposé ce projet je n'étais qu'un rat mort. "  il fit rouler une seconde baies entre ses doigts, son regard était fiché dans le vide. " 2037. Pour honnête je pensais ne jamais me réveiller de ce truc là. Je pensais m'endormir paisiblement et pour toujours. " son regard s'anima soudainement et il goba la baie. Arrêtant machinalement de sautiller, il regardait à nouveau Junko. " Amérique du sud alors ? Lordt. Je n'ai aucun tatouage, je ne sais même pas ce qu'est une ruche. "

Denzel lui montra la face intérieur de son poignet gauche. On pouvait y discerner un joyeux code barre ainsi qu'une série de chiffre équivoque.

14140 010150

" tu sais donc te repérer aux étoiles ? tu pourrai m'apprendre quelques trucs ? Je ne marche qu'au lever et coucher du soleil. La brise marine me donne l'heure et c'est tout. "

Rorke quitta sa position accroupit, il se redressa de toute sa hauteur, un de ses genoux craqua sournoisement, Denzel, d'un air agacé, afficha une grimace de douleur furtive. Le survivant observait Junko. A tel point que cela aurait pu être malaisant pour la jeune femme, tel un rapace il analysait absolument tout d'elle. Il finit par reprendre en se râclant la gorge.

" Quel est ta tatouage alors toi ? Qu'est-ce que tu appelles une ruche ? " il haussait les épaules, d'un air nonchalant il se décolla de l'entrée et retourna s'assoir à sa place initiale, en face de son invitée. Il regardait les dernières braises s'éteindre.

" Est-ce que tu as des ciseaux ? Ou quelque chose du genre. Le fil de mon couteau n'en peut plus. " il passa sa main valide dans sa longue tignasse coiffée en arrière. " Et.. peut-être quelques bandages.. je te donnerai quelques crabes de ma pêche de cette après midi si tu le veux. Sans soucis. "  il enserra un peu plus fort sa main bandée.

Sans s'en rendre compte l'anglais du Polonais s'était naturellement remit en marche, les mots découlaient un peu plus rapidement. Certains mots restaient encore en suspens dans ses phrases, néanmoins le pas de la compréhension reprenait petit à petit le dessus.
Denzel
≣ Labradorite des sables
Denzel
Denzel
Mar 31 Jan - 18:29
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Denzel avait l’air pensif alors qu’elle parlait. Au début, elle craignit même que ses phrases soient trop compliquées pour lui, vu sa façon de s’exprimer. Heureusement, il reprit finalement la parole pour lui répondre. La Pologne alors ? Elle… Ne savait même pas où ça se trouvait. Les cours de géographie n'avaient pas la moindre importance quand on se préparait pour la fin du monde après tout. Heureusement, elle savait plus ou moins situer l’Angleterre, sans quoi elle aurait eu le même air totalement perdu que son vis-à-vis quand elle lui parlait. Ah, c’est bien beau de pouvoir survivre dans la nature, mais il était clair qu’elle manquait cruellement de compétences sociales. Et de connaissances de base, manifestement. Hum.

Au moins, contrairement à ce qu’elle avait pensé, son compagnon d’infortune l’a comprenait bien. Comme quoi, il était très mauvais de juger aux apparences et elle ferait mieux de s’en rappeler. Et même si l’anglais n’était clairement pas sa langue maternelle, Denzel était largement compréhensible, au point qu’elle en regretta de l’avoir - mentalement - traité de sauvage, entre autres. Comment pouvait-on décemment lui en vouloir pour ses manières un peu brusques, s’il traînait seul depuis son réveil, sans personne à qui parler et dans un monde inconnu ? Elle parlait bien à des caméras imaginaires, sans doute serait-elle dans un pire état que lui si elle avait vécu de longs mois, peut-être même des années, sans voir personne. Heureusement qu’ils avaient pu se rencontrer au final, malgré les soucis inhérents à l’ouverture de leurs capsules respectives. Mais bon, on ne pouvait pas en vouloir aux scientifiques du projet de ne pas avoir réussi à prévoir un réveil synchronisé pour tout le monde, vu le contexte et le temps qui était passé depuis.

Elle finissait son crabe tout en observant son comparse. Il s’agitait, jouant avec son couteau alors qu’il parlait des créatures qu’il avait vu jusqu’ici. Comme s’il avait compris son hésitation, il poussa le second crabe vers elle. Mais déjà, il fallait qu’il songe un peu à lui et qu’il s’occupe de soigner sa main. Si la plaie était infectée… Et bien, elle ne se risquerait pas à pratiquer à une amputation, donc elle espérait que ce ne soit pas le cas. Elle avait bien trouvé quelques plantes médicinales lors de ses balades - de la capucine principalement - mais elle ne pouvait guère faire que le minimum en soin. Disons que par les temps qui couraient… Une blessure pouvait vite s’avérer mortelle. Elle espérait que ce ne soit pas le cas cette fois-ci.

Elle ne savait pas pourquoi, mais ses paroles semblaient déranger Denzel, qui s’était levé pour marcher un peu, et marmonner dans cette langue étrange qu’était le polonais. Elle l’observait du coin de l’oeil, soucieuse. Elle commençait à peine à baisser sa garde avec lui, alors ce n’était pas le moment de lui faire un coup dans le dos hein ? Cela ferait très putaclic comme titre de vlog “découverte de la zone: une surprise désagréable ?!”, non franchement, mieux valait rester dans la courtoisie, ça éviterait les commentaires déplacés. Elle s’égarait encore. Denzel était plus proche d’elle maintenant, accroupi près de l’entrée de sa “cabane” improvisée, l’invitant encore à manger alors qu’il se servait dans les baies qu’elle avait mis à disposition pour eux.

- Comment tu as appris à reconnaître les fruits ?

Elle plissa le nez. Il venait clairement éluder ses questions là, non ?

- Je connaissais les plantes d’avant, et maintenant je goûte en petites quantités, pour regarder ce qui est comestible ou non.

Une plante à la fois, elle attendait de voir les effets sur son corps et elle recommençait si tout allait bien. Regarder ce que mangeait les petits herbivores aidaient aussi, même si ce n’était pas une science exacte. Alors elle se montrait prudente. Mais ses baies, en plus d’être très bonnes, attiraient pas mal les rats, alors ça lui permettait de les prendre facilement dans ses pièges, elle n’allait pas s’en plaindre. Le polonais la sortie définitivement de ses rêveries, alors qu’elle l’observait, totalement incrédule, essayant de donner un sens à ses propos… qui n’en avaient pas.

Pas de tatouage ? Une suite de chiffres. Un code barre ? 2037. 2037 ?! Elle écarquilla les yeux soudainement.

- La cryonie d’étude… Tu fais… Tu faisais partie de ceux qui ont donné leur corps à la science pour cette technologie ?...

Impossible. Personne ne serait assez fou pour balancer des gens des siècles dans le futur sans rien leur dire avant. Ce serait les condamner à la mort, un véritable suicide. Elle avait toujours pensé que les pionniers de la science avaient été réveillés avant le projet Perséphone. Oh merde, mais alors il ne savait absolument rien de ce qui avait pu se passer par la suite ? Il avait été lâché comme ça dans la nature, sans moyens de s’en sortir, sans connaissances quelconque et sans même comprendre ce qui lui arrivait, et il avait réussi à survivre malgré tout ?!

- J’ai été cryonisé en 2048…

Ce type était un survivant, dans tous les sens du terme. Qu’importe son apparence ou quoi que ce soit sur lequel elle avait basé ses a-prioris ridicules, il avait réussi à survivre ! Elle ne s’en remettait toujours pas, et se frotta vigoureusement le visage, comme si cela lui permettrait de se remettre les idées en place.

- Les gouvernements ont créé le Projet Perséphone parce que le monde allait mal et qu’on était en train de le tuer… Le but, c’était de cryoniser des personnes capables de survivre pour repeupler le monde après… La fin. On devait tous se réveiller en même temps, mais ça n’a pas marché correctement…

Tellement de questions. Entre les siennes et celles de Denzel, elle ne savait pas comment organiser ses pensées, ni même s’il y avait une vraie logique dans leur discours déphasé. Elle cligna des yeux, l’homme avait encore bougé pour reprendre sa place, et il la fixait. Elle tenta d’y faire abstraction, et de lui apporter des réponses, des réponses qu’on ne lui avait jamais fournies et qui devaient cruellement lui manquer pour comprendre ce qu’il avait vécu jusqu’à présent. Bordel, ses capacités sociales en prenaient un sacré coup.

- Les Ruches, c’est le groupement de plusieurs capsules de personnes cryonisées… Elle découvrit son tatouage pour le lui montrer. La mienne, c’est celle du Laurier, comme mon tatouage. La personne que tu… as sûrement vu en te réveillant, ça devait être quelqu’un de ta Ruche.

Mais pourquoi serait-elle partie sans son coéquipier ? Cela n’avait toujours le moindre sens. Junko ne savait même pas qui étaient ses partenaires de Ruches, elle serait bien incapable de dire si quelqu’un comme Denzel - une personne qui n’aurait pas dû faire partie du projet - était dans sa Ruche ou non. Oh la la, si quelqu’un de ce genre se réveillait seul dans l’environnement des Lauriers…

- Okay, doucement sur les questions, j’essaie de réfléchir.

Et ce n’était pas son point fort, mais bon. Là, actuellement, et malgré une manifeste différence d’âge en la faveur de Denzel, elle devait faire preuve d’exemplarité pour l’aider. Hey, après tout, c’était pour ça qu’elle avait ses connaissances sur la survie, au contraire de choses comme la géographie. Pour survivre et aider les autres. Pour reconstruire l’humanité. Elle se redressa, plus déterminée que jamais.

- J’ai pas de ciseaux. Par contre, ouais, je vais voir pour soigner ta main au maximum. Et oui, je peux t’apprendre quelques trucs.

S’il avait survécu jusqu’ici, elle ne doutait pas que Denzel s’en sortirait plus que correctement s’il avait quelques connaissances de base. Bon, elle pourrait pas tout lui apprendre, mais savoir s’orienter, poser quelques pièges dans la nature, éventuellement détecter quelques plantes comestibles, elle pouvait lui montrer.

Tout irait bien.
Junko
❦ Ramure de laurier
Junko
Junko
Palace des crabes Fall-autumn
Ven 3 Fév - 21:25
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Le monde extérieur s'éveillait. Midi devait être passé. Les bourrasques de vent marins se turent, laissant place à une légère brise d'intérieur, plus douce et plus chaude. L'ombre Magistrale faisait route inverse, prenant le large, dessinant quelques remous à la surface d'une mer apaisée. Dehors quelques bruissements de buissons sauvages alertèrent le Polonais sur le qui vive. Mais personne ne s'approchait jamais du camp durant la journée. Il ruminait dans sa barbe drue et mal entretenue pendant qu'il écoutait son invitée répondre à ses questions.

Goûter les plantes en petite quantité. Comme quoi regarder cette chaîne de télévision chronophage n'avait pas servit à rien. Goûter et apprécier les goûts. Rorke était donc sur la bonne voie pour le comestible. Mais pour les plantes médicinales...

2048


Il y avait donc eut d'autres phases à ce projet de malade. Rorke pensait mourir paisiblement durant ces essais. Il s'étaient finalement retrouvé balancé ici, perdu dans le temps et dans un endroit inconnu.

Le polonais était assit derrière le feu de camp. Assit en tailleur il avait laissé reposer ses coudes sur ses genoux, penché en avant il écoutait Junko expliquer la version de son réveil.

Le monde allait mal ? Quand Rorke s'était décidé à s'enfermer dans cette boîte frigorifique le monde se portait comme à son habitude. Repeupler le monde ? Mais de quoi parle t-elle, combien de temps j'ai été enfermé ? que s'est-il passé

Kowalski faisait mine de nier les dires de son interlocutrice. Il s'était à nouveau redressé, se tenant désormais debout et appuyé dans l'entrée de son abris. Les mains dans les poches il observait l'ombre marine s'éloigner. Pensif et déboussolé il reprit calmement :

" Que s'est-il passé après 2037 ? J'ai accepté ce projet et tout allait bien, ce n'était qu'une expérience.. à ses débuts. " il regarda le paysage abandonné et dévasté depuis des décennies " On est en quelle année ? Il s'est passé quoi pour qu'on parle de sauver l'humanité ? "

2048. Elle avait l'air bien plus jeune que le Kowalski déjà rongé par une vie de souvenirs. Denzel se demandait bien comment une jeune femme comme elle pouvait avoir autant d'assurance et de capacité à survivre, seule, qui plus est. Etait-elle experte en survie ? pourquoi avait elle une arbalète à l'apparence bien entrenu alors que lui se devait de réparer une sagaie branlante et fatiguée qu'il avait lui-même " inventé ".

Rorke ne semblait pas tenir en place. Dehors la Magistrale s'en était allé. Le vent s'était calmé. c'était l'heure de ramasser les pièges. Mais à quoi bon. Néanmoins, depuis que Junko avait fait son apparition, après des mois à errer seul sur cette plage déshumanisée, Denzel semblait avoir reprit goût à la vie. Pêcher pour quelqu'un, se plaindre de sa blessure. Parler de ses souvenirs.

Souvenirs. La photo !



Il quitta l'entrée de son abris pour s'agenouiller devant son invitée qui s'était saisit du deuxième crabe. Le polonais farfouillait au fond d'une poche de son manteau, cette dernière semblait remplit d'un tas de petits Bazard, cailloux, boulons, bêtises en tout genre. Pendant qu'il fouinait il reprit d'une voix un poil plus animée.

" Ruches, d'accord. Ok je comprends. Ils ont essayé sur nous avant de faire sur vous. C'est quoi qui a détruit notre monde ? C'est partout pareil ? Et... Ah ! narhodit "

Rorke sortit une petite photographie qu'il colla d'abord au visage de Junko. De sa main blessée il tapota de l'index ce qui ressemblait à un cheval. " Tu en a vu ici ? " Il posa la photographie sur la planche en bois où gisait sagement le deuxième crabe. Il resta planter à genou devant Junko, Kowalski rabattu ses cheveux en arrière et se recoiffa marginalement la barbe pouilleuse qu'il arborait. Il réfléchissait. Il semblait animer d'une énergie qu'il n'avait pas ressentit depuis longtemps.



Sans le remarquer, dehors, le monde s'affairait d'une manière inhabituelle. Quelque chose s'était fait ressentir au sein de cette terre sur le point de s'éventrer. Aujourd'hui n'était pas le jour où ce monde montrerai son mécontentement, néanmoins la faune locale avait sentit qu'il fallait s'activer. Le vent s'était tue, la mer s'était soudainement apaisée en un lac d'huile, le silence n'était dérangé que par quelques claquements de pinces de crabes venu s'aventurer sur ce sable abandonné par le vent.

Des crabes bien plus gros qu'à l'habitude. Un seul de ces crabes suffirait à manger pour au moins trois jours d'affilés. Ils se mesuraient à la hauteur du bassin d'un Denzel debout. Sans parler de la taille impressionnante de leurs pinces, quelques difformités se remarquaient sur la carapace de ces, presque, monstruosités recrachées par une mer étrangement calme.

Mais Kowalski n'avait rien remarqué de ce spectacle dérangeant. Il avait ajouté quelques bois secs aux braises mourantes du foyer, il avait soufflé dessus pour que le feu reprenne doucement. Bientôt viendrait l'heure de relever les pièges et d'affronter une après-midi de pêche "paisible".

" Junko. Tu as vu quoi comme endroit ? Des campements ? Un endroit mieux que cette plage ? Tu vivrais ici ? Où irais tu ? " Pendant qu'il posait frénétiquement ses questions il s'affairait à retirer les bandages de fortunes de sa main blessée. Pas de ciseaux pour couper ces cheveux et cette barbe trop longue, mais des soins qui suffiraient, espérait Denzel,  à apaiser cette douleur lancinante dans sa main gauche.


Il dévoila une main légèrement gonflée et rouge. Une plaie d'une dizaine de centimètre apparaissait dans la pomme de cette main. La blessure ne cicatrisait pas, le pansement inventé à base de boue et de tissus sales ne suffisait pas à assécher la plaie. Pire, les jours passés à pêcher empêchaient la blessure de se refermer proprement. Rien qu'en retirant ce bout de tissus maculé Denzel lâcha un grincement de dent et afficha une grimace d'inconfort.  


Le ciel s'était quelque peu assombrit. La mer, toujours d'huile, vomissait quelques unes de ces engeances difformes sur un sable foulé par ces crabes à la taille démesurée. Ces derniers fouillaient dans le sable, claquaient des pinces, ils s'entrechoquaient pendant que la " Magistrale " était revenue rôder sur la berge de cette plage, territoire contesté par de nombreuses espèces.

Quelques goutes s'écrasaient sur la tôle rouillée de l'abris défaillant. Une légère averse dessinait son arrivée pendant que le ciel continuait de s'assombrir assurément. A l'intérieur les braises claquaient, s'échappaient en volutes rougeoyantes. Denzel observait sa blessure.

" Alors, tu as vu ? Des chevaux par ici ? Des plaines vertes ? " sa voix était calme. Pensif, il massait les contours de sa plaie douloureuse.

Les steppes s'agitèrent au dessus du camp, un ricanement animalier mua le silence trompeur en une tension palpable. Rorke porta son regard dans l'interstice de son abris. Il découvrit le ciel sombre, la mer d'huile, une silhouette de carapace faisant danser ses pinces au dessus de son crâne, les claquements d'une dizaine de ces énormes pinces se faisaient alors entendre au sein de cet abris en ruine.

Rorke porta l'index de sa main valide devant sa bouche et fit mine d'imiter le silence à son interlocutrice. On devinait les pas intrigués et alertes d'une petite meute qui entourait l'abris. Quelques couinement brisaient le silence, sur la berge les claquement se rapprochaient. Il pointa ensuite du regard sa blessure avant de planter ses yeux dans l'entrée.

" Pas pour nous. Pas encore.. " chuchota t-il
Denzel
≣ Labradorite des sables
Denzel
Denzel
Lun 13 Fév - 8:48
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Junko avait été formée pour la survie depuis sa naissance. Elle savait chasser, créer des pièges, reconnaître les plantes comestibles, se battre au besoin. Toute son éducation avait reposé sur le principe que la fin du monde arrivait, et qu’elle devait se débrouiller pour y faire face. Mais dans les scénarii catastrophiques de ses parents, elle aurait à survivre dans son époque actuelle, avec des technologies qu’elle pourrait éventuellement reproduire. Même après avoir réussie à intégrer le projet Perséphone, elle n’aurait jamais imaginé que tout serait SI différent. De la faune à la flore, tout semblait avoir changé sans l’Homme pour détruire les écosystèmes fragiles de la planète, et ses connaissances avaient sérieusement besoin d’être révisées.

Au moins, elle avait sû dans quoi elle s’engageait, et ce dès le début. Le projet avait été décrié, parce que beaucoup considéraient qu’on perdait du temps et des ressources pour un futur “hypothétique” au lieu de tenter d’aider le présent. Mais le présent - son passé maintenant, il fallait bien qu’elle l’accepte - était déjà au bord du gouffre. Trop d’inactions malgré les rapports alarmants sur le climat. Il était déjà trop tard.

- Les conditions environnementales allaient de mal en pire. Sur certains pays du monde, il ne pleuvait plus pendant quasiment 10 mois de l’année. Les nappes phréatiques étaient au plus bas, les consommations énergétiques toujours plus hautes… Au début, les gouvernements ont mis en place des restrictions, mais ça ne suffisait pas. Les sols étaient pollués, les eaux remplies de plastiques, les animaux sauvages de moins en moins nombreux… Quand on nous a cryonisés, en 2048, ils disaient qu’ils allaient essayer de sauver tout le monde, mais qu’on serait une sorte de “joker” pour le futur.

Il était clair que ni les scientifiques ni les dirigeants n’avaient réussi à inverser la tendance. Au moins, personne n’avait usé d’armes nucléaires quand la fin s’était fait sentir. Enfin… Elle espérait. Même si les mutations diverses qu’elle avait pu observer dans cette jungle bleue avait de quoi interroger. Partons plutôt du principe que rien n’était radioactif, sinon l’humanité s’éteindrait avec eux.

- On doit être… 500 ou 600 ans après 2048. Peut-être plus. Je ne sais pas quand les capsules étaient programmées pour s’ouvrir. Elle lui adressa un sourire, un vrai, parce que clairement, il le méritait. Tu as réussi à survivre sans y être préparé, t’es franchement doué ! Ils devaient penser que les capsules s’ouvriraient en même temps et qu’on pourrait aider ceux comme toi.

Elle remonta ses manches le long de ses bras et se pencha vers le vieux chaudron dans laquelle Denzel avait cuire ses crabes. Eau salée, sûrement de l’eau de mer. Mais elle avait bouilli, donc elle était stérile, même si elle avait servi aussi pour cuisiner des arthropodes. Ce serait mieux que rien. Elle sortit de son sac la petite marmite en titane qui lui avait été fournie, et y versa un peu de l’eau encore chaude, et posa la sienne sur le feu. Elle en était si occupée qu’elle en sursauta quand son compère vient s’agenouiller devant elle, fouillant ses poches avec application, avant de lui coller littéralement sur le visage une photo sur laquelle elle loucha sans réussir à y distinguer quelque chose. Elle écarta sa main pour cligner des yeux, et il dû comprendre car il posa la photographie devant elle.

- Des chevaux ? Demanda-t-elle quand elle pu enfin regarder ce qui l’avait animé d’un coup. Non. Pas encore en tout cas.

Sans l’humain pour les chasser, les animaux avaient largement repris leurs droits dans la nature. Les chevaux devaient sûrement en faire partie, elle n’en doutait pas. Le règne animal était bien plus résilient qu’on ne le penserait de prime abord.

- Tu travaillais avec des chevaux avant ?

Elle dégagea une braise du foyer pour qu’elle se refroidisse à côté, pendant que le fond d’eau qu’elle avait mit à chauffer bouillonnait doucement. Elle nettoya ses mains dans le reste d’eau de Denzel, et lui fit signe de faire de même maintenant qu’il avait enlevé le bandage. La plaie n’était pas très jolie à voir, mais vu avec quoi il avait tenté de se soigner, ça aurait pu être pire. Elle prit le plus délicatement possible sa main dans la sienne et en tâtât les contours prudemment. C’était rouge, manifestement douloureux et ça saignait légèrement, mais - quelle chance ! - il n’y avait pas de trace d’infection pour le moment.

- J’ai surtout vu une grande jungle avec des champignons énormes et un sol qui est bleu. J’ai croisé quelques cervidés, et doit y avoir une espèce avec de longs poils dans la zone parce que j’en ai vu accroché aux branches mais je ne les ai pas rencontré encore. J’attrape principalement des rats, et ils font bien 70 cm par rapport à ceux d’avant, lui indiqua-t-elle en commençant ses soins.

En médecine naturelle, le premier grand principe, c’est que le corps se soigne tout seul, parce qu’il est tout à fait capable de fabriquer lui-même tous les outils nécessaires à sa cicatrisation et à son rétablissement. Elle, elle n’avait qu’à s’occuper de lui donner toutes les cartes pour accélérer sa guérison. Lâchant sa main, elle s’occupa d’écraser le charbon encore chaud pour le mélanger à son fond d’eau, qu’elle retira enfin du feu. Le charbon était un antiseptique facile à se procurer, bien qu’on ne pouvait le mettre en contact direct avec la plaie. Mais ça irait. Elle récupéra dans sa trousse de premier soin des compresses, et s’assura de nettoyer correctement sa blessure et ses contours. Puis, elle s’occupa de lui faire un pansement simple, en s’assurant de lui montrer clairement ce qu’elle faisait: une couche de gaze pour ne pas accrocher la peau, une compresse pliée en deux dans laquelle elle mit sa pâte de charbon, et enfin un bandage simple pour tenir le tout sur sa main.

- Il faut absolument que tu ne mouilles pas ta main, pour que ça cicatrise.

Les fleurs de capucine qu’elle avait récupéré il y a quelques jours pourraient peut-être l’aider, elles avaient une propriété anti-bactérienne après tout. Mais elle aurait besoin d’eau douce pour en faire une infusion, et il fallait qu’elle commence par rincer ce qu’elle avait utilisé jusqu’à présent. Elle en profiterait pour montrer au polonais comment stériliser ses bandages et…

Denzel lui fit soudain signe de se taire et elle se tendit d’un coup. Elle distinguait au loin quelques claquements de pinces… Et des bruits de pas proches de l’abri. Des reniflements. Un léger jappement. Elle récupéra son arbalète et enleva lentement la sécurité, faisant de son mieux pour respirer lentement. Puis, silencieusement, elle s’approcha de l’entrée, se plaçant sur les côtés pour voir ce qu’il se passait dehors.

Plus loin, en bas de la dune de sable, des crabes. De très gros crabes prit-elle soudainement conscience. Les rats n’étaient pas les seules créatures à avoir grossies… Contrairement à ceux qu’ils venaient de manger, ceux-là devaient bien lui arriver à la taille. Si une de leurs pinces l'attrapait, elle y perdrait un membre, c’était clair. Et pour réussir à les avoir malgré leurs carapaces, il faudrait qu’elle vise entre les interstices… Et de l’autre côté, proche de l’abri mais l’attention totalement tournée vers les envahisseurs aquatiques, elle supposait que c’était les fameux “Dupki”. Des renards ou des fennecs hein ? Tu parles, ils ressemblaient plus à des lycaons… Une meute d’un peu plus d’une vingtaine d’individus, très bien organisée et qui chassait très silencieusement. Les steppes ambiantes les aidaient admirablement bien à se camoufler dans ce coin de nature sauvage… Ils devaient avoir un terrier non loin, pour revenir régulièrement dans la zone malgré la présence de Denzel. Et ils devaient facilement trouver de quoi se nourrir de leurs côtés, sans quoi ils n’auraient pas hésité à l’attaquer. Et le gros félin qu’elle avait aperçu plus tôt dans la matinée n’était pas un danger pour eux s’il était seul, une meute de lycaons bien expérimentée pouvait venir à bout d’un lion.

Elle recula prudemment, gardant son arbalète prête à l’emploi, et s’accroupit pour être à la hauteur de l’autre survivant, et chuchoter le plus bas possible:

- Y a une autre sortie ?

Aux dernières nouvelles, les lycaons n’étaient pas territoriaux, mais normalement, ils ne devraient pas se trouver dans cette partie du monde, alors elle ne savait pas trop comment ça allait se passer en cas d’affrontement. Un prédateur seul ne leur faisait pas peur, mais une dizaine de crabes géants ? Surtout qu’en restant sur place, ils prenaient aussi le risque de se faire attaquer… Mieux valait s’éloigner le plus rapidement possible et ne pas s’engager dans des batailles perdues d’avance. Pas droit vers la forêt par contre. Mais ils pourraient s’éloigner par là où elle était arrivée. Certes, ils seraient à découvert pendant un moment, mais la pierre les fatiguerait moins que le sable, et ils pourraient rejoindre le couvert des arbres une fois bien éloigné.

Surveillant du coin de l’oeil l’entrée, elle remit le plus silencieusement possible dans son sac ce qu’elle avait sortie: le reste de baies, les bandages, la marmite, et tant pis pour son nettoyage… Elle remit son paquetage sur le dos, vérifia rapidement que les sangles étaient assez serrées, et regarda Denzel, articulant le plus silencieusement possible un “dépêche toi…”, espérant qu'il comprenne.

Un grondement eu lieu, annonciateur d’orage. Leur meilleure chance. Leur seule chance ? Le mâle alpha lança soudainement un cri perçant, et la meute se mit en branle, fonçant vers les crabes. La guerre était déclarée.

- Allez Denzel, maintenant !

Ils devaient partir, c'était maintenant ou jamais !

Cette publication remporte un ruban puisqu'elle contient un défi mensuel réussi !  
Junko
❦ Ramure de laurier
Junko
Junko
Palace des crabes Fall-autumn
Jeu 2 Mar - 15:42
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