Ft. Jessica Jones @Dave Seguin
Akara n’est pas du genre avenante. Désabusée du genre humain, ce qui l’a motivé à participer au projet Perséphone, elle n’accorde pas sa confiance facilement. Elle sait encore apprécier de la compagnie, pourvu qu’elle partage ses valeurs.
Brute de décoffrage, elle n’hésitera pas à dire ce qu’elle pense sans prendre des pincettes. En cas de débat ou de discussion “dynamique”, elle tournera les talons si tôt qu’elle verra que son interlocuteur ne changera pas d’avis. (C'est ce qui peut vous arriver de mieux, la mettre en colère pourrait vous valoir bien pire).
Elle a gardé de son ancienne vie, ses connaissances d’ingénieure, son sens de l'initiative, ses capacités d’analyses et d’organisation et surtout sa condition physique. Ce qui s’avère particulièrement pratique lorsqu’elle entreprend ses randonnées à la recherche d’un nouvel endroit où s’installer.
Animée par l’envie de vivre dans une société harmonieuse (le respect entre les humains oui mais surtout avec la nature) elle emmène son ukulélé partout (ou presque). Elle l'a embarqué dans le projet Perséphone pour dépasser la première impression antipathique qu'elle pourrait vous laisser. La Musique adoucit les mœurs après-tout.
Avant Akara, il y avait Alice..
2042Alice MARTIN s’était cette sympathique fonctionnaire engagée et convaincue de son travail pour l’intérêt général. Elle ne comptait pas ses heures supp’ et sortait ensuite volontiers rejoindre ses collègues après le travail pour s’abreuver à outrance de liquide houblonné et légèrement gazeux.
Pendant son temps libre, elle s’adonnait à diverses activités, bénévolat dans une association d’éducation à la nature, jardinage, musculation et danse. Pas n’importe quelle danse … le Dancehall danse de rue typique de la Jamaïque.
Alice c’est une touche à tout, une hyper-active, extravertie, elle tire son énergie de ses interactions avec le monde, ce qui fait d’elle une personne particulièrement sociable.
Mais Alice c’est aussi et surtout une écolo acharnée, fervente défenderesse du climat et de la biodiversité et son engagement, ses connaissances et ses envies de révolution n’ont fait que croître toutes ces années. Ajoutez à cela une certaine psychorigidité, non un besoin irrépressible de contrôler les choses et vous obtenez une bombe à retardement.
A la sortie du 8e Rapport du GIEC et la COP 51 qu'elle jugeait toujours pas à la hauteur des enjeux, Alice est tombée en dépression.
Elle qui vivait jusque là avec Marc, son compagnon rencontré sur les bancs de l’école d’Ingénieur, avec qui elle avait des projets; acheter une maison, adopter un chien, avoir un bébé… Du jour au lendemain elle a tout stoppé.
[...]
2044- “
Vous devriez penser à vous armer ou à vous trouver un homme, une femme seule au milieu de la forêt ce n’est pas très prudent.”
Alice, bien qu'agacée, acquiesce en souriant et sans rien dire, elle ne laissera rien gâcher le bonheur que lui procure la perspective de cette nouvelle vie. Elle n’a jamais apprécié qu’un homme fasse preuve de sexisme sous couvert d’être protecteur. Au moins quelque chose qui ne lui manquera pas chez Marc.
Voilà 3 mois qu’ils ont officialisé leur rupture. Depuis qu’elle avait démissionné de son poste, elle s’était éloignée de lui. Elle avait enchaîné les expériences de woofing, les escapades solitaires en pleine nature, en quête de sens et de savoirs utiles. Elle passait de moins en moins de temps en ville, ce qui ne laissait plus beaucoup de place pour son couple. Malgré tout l’amour qu’ils se portaient l’un l’autre, ils avaient dû se rendre à l’évidence, ils n’avaient pas la même vision de la vie. Marc était convaincu, que la science pourrait les sauver, surtout depuis qu’il avait appris qu’on commençait la cryonie sur les humains. Alice, elle, était persuadée que l’Humanité courait vers sa propre perte.
Mais tout ça c’est du passé, la voilà propriétaire d’un domaine de 7 hectares de forêt au cœur des Cévennes (enfin ce qu’il en reste). Elle avait hâte de s’établir et de construire elle-même sa cabane.
[...]
2047Encore un chasseur; bizarre… ils ne s’approchent pas autant du domaine d’habitude. Alice, coupe du bois, hésite un instant puis finit par reposer sa hache. Il ne faudrait pas que ces vieux machos prennent l’habitude de chasser impunément sur son territoire. Elle enfile un gilet par balle, un casque et son arme à feu pour partir en quête de cet inconscient lui expliquer calmement sa façon de penser. Elle traverse la clairière où elle a établi son campement d’un pas vif avant de s’enfoncer dans la forêt.
Elle n’a pas marché une minute lorsqu’elle aperçoit une masse qui se détache du décor. Elle s’approche un peu plus, ce n’est pas un animal. La chasse aura encore touché un promeneur mal averti. Elle se précipite vers ce dernier pour lui venir en aide, elle s’agenouille pour prendre son poul. Rien, trop tard, il est mort. Elle retourne alors le corps du promeneur pour le mettre sur le dos. Quand elle voit le visage de l’homme, elle ne bouge plus, pétrifiée, effarée par ce qu’elle voit. Sa respiration se coupe, elle sent comme une boule se former dans sa gorge, sa poitrine se contracter et les larmes ruissellent tel un torrent sur ces joues. Quand elle reprend enfin sa respiration, c'est pour hurler jusqu'à en vider l’air de ses poumons. Elle s’écroule sur le corps sans vie de celui qu’elle avait aimé si longtemps. Ce promeneur mal averti, c’est Marc.
- “Mais bordel qu’est-ce que tu es venu faire ici ?!”. A ce même moment, elle entend des voix. Non, ce sont des rires. Elle se redresse, reprend un peu de contenance, ses yeux déjà foncés virent au noir. Lorsqu’elle se retourne, elle tombe sur deux chasseurs. Ces derniers la toisent une seconde, avant de baisser les yeux vers Marc et la regardent à nouveau. Un des deux chasseurs, le plus jeune, semble enfin comprendre la situation, il s’agite, pose son arme au sol et s’approche vivement les bras en l’air comme pour crier au malentendu.
- “Je suis dé…” a-t-il le tenté d’exprimer.
Mais Alice ne lui laisse pas le temps de finir, elle a déjà sorti son arme à feu et pointe le canon sur le front du chasseur.
- “
S’il-vous-plaît …” chuchote le jeune tremblant .
- "
Il ne me plaît pas ". répond Alice en appuyant sans hésiter sur la détente.
Le second chasseur entreprend alors de s’enfuir mais se prend les pieds dans le fusil laissé au sol par son compagnon. Alice en profite pour lui tirer une balle dans le dos. Elle ne le laissera pas partir vivant. Elle s’approche du chasseur, lui donne un coup de pied pour le retourner et soutenir son regard avant de lui tirer une balle entre les deux yeux.
Elle se retourne vers Marc, s’allonge doucement près de lui sans un mot pour pleurer en silence et profiter de cette chaleur corporelle maintenant éphémère.
[...]
Elle se réveille, la nuit tombe, elle se retourne espérant n’avoir vécu qu’un affreux cauchemar. Malheureusement Marc est bien là, ses couleurs se sont éteintes avec le jour. Elle attrape son bras pour l’enrouler autour de son cou, fait basculer tout son corps sur son dos pour le transporter jusqu'au campement. Elle n’oublie pas d’emporter le sac de Marc au passage, elle s’occupera des corps des chasseurs plus tard.
[...]
- "
Fait chier… "
Agacée, elle jette le reste de son joint dans le feu, ce soir ça ne suffira pas pour la calmer. Elle essuie une énième fois ses larmes, quand son regard tombe sur le sac de Marc qu’elle avait posé devant la cabane. Elle se lève pour le récupérer et s'assoit à nouveau près du feu pour examiner son contenu. Dans la poche de devant, elle trouva son téléphone portable, un spray anti-moustique et le couteau suisse rouge qu’elle lui avait offert il y a de ça des années. Dans le corps principal du sac elle y trouva des cordes, une bâche,… Elle sourit, elle reconnaît la fameuse organisation 5C que Marc avait apprise pour partir vite en cas de catastrophe. Mais parmi tous ces objets si familiers, elle tombe sur un carnet. Ce n’est pas du tout le genre de son ex, bizarre. Elle l’ouvre pour le feuilleter et tombe directement sur un flyer.
“
Projet Perséphone - recherche volontaire en bonne santé avec des capacités éprouvées pour la survie”.
Elle fouille un peu plus le carnet et tombe sur deux formulaires d'inscription, un au nom de Marc DUBOIS et un autre au nom d’Alice MARTIN. A la ligne "Pseudonyme choisi" il avait noté “Akara”. Elle éclate de rire. Il s’est rappelé de son pseudo de l’époque où elle jouait à The Forest (
jeu vidéo de survie).
[...]
L'éclosion“
Haha ça chatouille” pense-t-elle.
Elle entrouvre difficilement les yeux, pour ne voir qu’une lumière rougeâtre.
“
Aïe !” La sensation de chatouille laisse vite place à une douleur franche. Des aiguilles, non des seringues. Akara reprend conscience et se remémore les derniers événements qui l’ont conduite ici; la mort de Marc, sa traversée de l'Atlantique et son adhésion au Perséphone.
Elle serre les dents, ce n’est pas si douloureux mais elle a toujours détester les piqûres, l'entraînement de la Fondation n’aura pas changé ça. Les cliquetis des seringues s’arrêtent pour laisser place à un long silence glauque. La capsule vient de s’ouvrir, un air dense s’infiltre, le souffle d’Akara s’accélère, l'adrénaline gagne chaque partie de son corps ce qui lui laisse une sensation parfaitement désagréable. Elle tente un mouvement, pour s’extirper de ce qu’elle considère être un cercueil mais ne parvient qu’à bouger le pouce de sa main droite.
“
Super” ironise-t-elle.
Elle scrute l’endroit, compte 4 capsules. 2 semblent occupées mais celle en face de la sienne est grande ouverte et vide. Elle se demande depuis combien de temps cette personne s’est réveillée. L'espace est exigu, sombre, cependant une lumière timide naturelle perce l’un des murs. C’est probablement par là que son prédécesseur s’est échappé de ce trou. Akara s’impatiente, prend une longue inspiration et parvient enfin à sortir de la capsule. Elle repère le sac de survie à son nom, vérifie son contenu avant de le porter à son dos et de se diriger vers la percée dans le mur. Le tunnel est étroit et très humide, la sortie s’annonce sportive. Elle sort la pelle, sa hachette et pour gagner en mobilité, elle attache une corde à sa taille et l’autre extrémité autour du sac. Elle s’insère dans le tunnel, s’aidant de la pelle et de la hachette pour se hisser, la terre est trop glissante pour tenter l’ascension à mains nues. Quand elle parvient à la sortie du tunnel, elle utilise ses dernières forces pour remonter le sac de 80L avant de s’écrouler sur le sol. Allongée sur le dos et pleine de boue, elle peut maintenant admirer le ciel qui ne lui a jamais paru aussi bleu.