Tu as voyagé beaucoup, ces dernières semaines. Sans une bonne préparation, les ampoules auraient éclairé tes chaussures, mais pour l'instant, tu les as évitées. Malgré les pluies, la boue dans laquelle tu as pataugé, et tout le reste de ce foutoir loin d'être utopique, tu tenais bon en te demandant quand finirais tu enfin par tomber sur un endroit où l'envie de t'installer viendrait. Où l'idée de s'arrêter pour fonder les débuts d'une nouvelle communauté pourrait se montrer séduisante.
Tu y étais.
Plus que jamais le paysage te coupait le souffle. Tous ces bassins à la splendeur indécente, se jetant en cascade les uns dans les autres dans une parfaite harmonie. C'est bien ici que l'envie de déposer ton sac était la plus présente. Et depuis les hauteurs de l'arbre dans lequel tu te tenais, ta vue de ce monde d'eau et de verdure en symbiose n'était que des plus enchanteresses.
Mais tu étais seul. Les rencontres s'étaient multipliées, encore qu'elles n'étaient pas bien nombreuses, mais aucune n'avaient mené à une collaboration fructueuse, chacun repartant de son côté. Et parvenir à trouver un brun d'autres survivants décidés à rebâtir les fondations d'une société te semblait plus complexe qu'à ton réveil. Déjà, fallait-il finir par trouver plus d'une personne à la fois, chose qui n'était pas arrivée depuis que tu avais quitté ta ruche. Pour autant, le désespoir ne se présentait pas encore dans ton esprit. Tu avais bien trop d'occupation pour t'y soustraire. Ne serait-ce que continuer à explorer ce monde où la nature avait repris l'entièreté de ses droits. Où l'homme moderne n'était qu'un mythe du passé à l'instar de bien d'autres civilisations.
Tes yeux se posèrent sur deux oiseaux colorés au bord de l'un des moult bassins. Le mâle s'élançait dans une danse qui te semblait ridicule, et pourtant faisait son bout de charme sur sa concubine. Ils ne tardèrent pas à échanger quelques roucoulements avant de s'envoler ensemble.
Ton esprit vadrouillait trop dans ce lieu, déconnecté d'une réalité dangereuse. Et quelle ne fut pas cette stupidité que tu eus d'avoir envie de les suivre alors qu'ils disparaissaient aux milieux des feuilles et de la forêt. Ton corps, sans que tu ne t'en aperçoive, s'avança à leur poursuite, droit dans un vide mortel. Tu perdis inévitablement l'équilibre, commençant une chute qui te ramena à la terrible réalité, t'arrachant un hurlement de panique alors que tes mains gesticulaient devant toi pour te rattraper à n'importe quoi. Ce qui ne fit d'aucune utilité.
Plusieurs longs mètres te séparaient de la terre. Entre elle et toi, uniquement des branches sans forces qui te fouettaient le visage, des lianes qui s'enserrait autour de ton corps. Et tu continuais à beugler de panique, un cri seulement interrompu pour reprendre ton souffle et vainement souffler les feuilles qui s'immisçait dans ta bouche.
Et dans la douleur, tu t'arrêtas à trois mètres du sol, uniquement maintenu par ces lianes qui t'agrippaient. Continuant son élan, ton sac et une partie des affaires que tes poches contenaient terminèrent leur lancé droit entre les racines du grand arbre que tu avais osé escalader.
Isifebe ! Crias tu de colère.
Combien de temps tiendraient-elles ? Aucune idée. Alors mieux valait se hâter. Pourtant, c'est avec désarroi que tu aperçus ton couteau juste sous ton nez, à trois mètres d'écart. Gesticuler n'était pas la meilleure des idées, mais quoi faire ?
Fuck it ! La frustration trouvait son chemin à travers ta voix.