Aelys s'est approprié la grotte de la ruche Hellébore. Bien que son réveil dans ce lieu a été des plus angoissants entre l’inconnu et la rencontre avec le premier éveillé de la ruche, elle a fini par y faire son nid. Au gré de ses explorations elle a ramené un tas de plantes qu’elle faisait sécher le long des parois de la grotte en petits bouquets. Leurs utilisations sont diverses et variées, allant de la plante médicinale aux stupéfiants plus ou moins amusants en passant par des plantes aux effets mortels. Des récipients qu’elle a glané ça et là contiennent ses préparations, des poudres, des onguent, et même quelques crèmes à la texture agréable, on peut dire que la médecin n’a pas chômé depuis son réveil il y a presque un mois maintenant. En revanche, rien n’est étiqueté, autant dire que si on est pas dans sa tête, savoir ce que sont les préparations relève soit du génie, soit d’un goût du risque frôlant la bêtise.

Dans sa capsule Aelys a retiré ce qui pique et ce qui gêne pour y installer un épais tapis de mousse et en faire son lit. Quitte à avoir un cocon, autant s’en servir pour ne pas dormir à même la pierre. La capsule brisée a été laissée telle quelle. Visiblement, l’habitante de ce terrier n’a jamais découvert la troisième capsule, cachée par les décombres de la précédente plus au fond de la grotte, et ignore donc qu’elle n’est pas la première Hellébore à survivre à ce long sommeil.

La tanière Hellébore ressemble presque à un repaire d’elfe au final… Si on oublie le squelette de la première capsule, adossé à la paroi de la caverne. Sa présence donne à l’endroit un aspect très glauque qui finalement en fait plus une planque de sorcière. Ce malaise provoqué par cette vision est voulu par la blonde. Elle même a eu un haut le cœur en tombant sur le macabé. Pourtant, dans sa solitude, elle s’était prise à imaginer qu'elle avait été la vie de cette personne, et lui avait même donné un surnom. C’était Roger, il était mort depuis des dizaines d’années, peut être plus vu comme le temps avait nettoyé sa dépouille. Adossé au mur, regardant vers l’entrée de la caverne de ses grands orbites creux, il semblait surveiller les lieux en attendant le retour de la médecin. Elle misait sur le fait que les éventuels fouineurs seraient dérangés par sa présence et ne s’attarderaient pas. Elle avait d’ailleurs caché une bonne partie de son paquetage de survie dans un trou dans la pierre juste derrière Roger. Avec un peu de chance il y aurait peu de gens aussi attaqués qu’elle pour oser déplacer le corps pour fouiller derrière.

La blonde ne va pas tarder à rentrer de quelques jours d’exploration. Elle a intérêt à ne pas trainer en chemin, l’atmosphère est lourde et chargée d’électricité : un orage va éclater.

Ton expédition aura été riche en découverte, mais il était temps de rentrer. Tu t’étais donné le temps d’un mois histoire de voir un peu plus que les alentours de ta ruche, mais tu savais que potentiellement d’autres personnes pouvaient s’éveiller n’importe quand dans les capsules qui restaient près de la tienne.

Il ne fait aucun doute que toi, tu aurais apprécié que quelqu’un soit présent pour toi le jour de ton éveil. Tu ne pensais pas que ça serait tant compliqué. Mais bon.

Le voyage avait été fatiguant. Et pour couronner le tout, le dernier jour n’était pas au beau fixe. Après une nuit pluvieuse et bien agitée, tu avais du te remettre en marche sous un ciel menaçant. Les nuages étaient gris, épais, et le vent commençait à souffler très sérieusement. Tu avais plutôt intérêt à presser le pas si tu ne voulais pas te prendre une trombe d’eau sur la figure avant d’arriver.

Heureusement, tu as été plus vite que la tempête et en arrivant au bercail, tu ne peux t’empêcher de pousser un soupir de soulagement en retirant ton sac de tes épaules. Tu ne remarques pas tout de suite les changements.

C’est seulement après avoir posé tes affaires dans ta capsule loin d’être très accueillante que tu étais retourné vers l’avant de la grotte et que tu avais aperçu les quelques herbes accrochées aux parois, pendant que d’autres traînaient dans des pots.

« Tiens ? »

Tu t’y étais accroupie, curieuse malgré tout, sans pour autant y toucher. Tu n’étais pas folle non plus. Et depuis un an que tu étais éveillée, tu avais bien compris que la nature pouvais être aussi belle que dangereuse.

Loin de toi l’envie de mourir trop vite.

En observant de plus près, tu avais remarqué qu’une nouvelle capsule était ouverte. Quelqu’un s’était donc éveillé pendant ton absence. Arborant une petite moue un peu déçue, tu ressors à peine de la grotte pour voir s’il n’y avait pas quelqu’un à proximité.

« Y a quelqu’un ? Alloooo ? »

Vu ce qu’il reste dans la grotte, cela serait fort étonnant que l’intéressé soit partie définitivement de la ruche. A moins que la personne soit morte ? L’idée de cotoyer une nouvelle fois la mort ne te plait pas spécialement, si on ne comptabilise pas le squelette à l’entrée qui, de toute évidence, ne bougera plus pour sa part. Ce n’est pas toi qui irait le déloger, ça c’est certain.

Mais l’orage gronde et à l’entendre, il n’est plus très loin. Poussant un léger soupir, tu hausses finalement les épaules et rassemble ce qu’il faut pour allumer un feu et mettre de l’eau à bouillir avant de tout simplement ne plus pouvoir sortir.

« On va se réchauffer un peu, hein ? »

A qui parles-tu, exactement ?

L’expédition d’Aelys s’est étalée sur plusieurs jours, comme souvent. Le ciel est bas, l’air lourd et moite, elle accélère le pas en sentant que l’orage approche. Elle commence à connaître la route, elle lui semble moins laborieuse qu’avant. Pourtant la dernière étape présente une pente raide qui, en général, l’achève bien. Sur son dos, son sac contient ses dernières récoltes, il lui tarde de trier le tout et de commencer la préparation de remèdes. La grotte commence d’ailleurs à ressembler à une véritable antre d’herboriste. À quand la boutique d'apothicaire ? Certainement pas tant que l’accès est si difficile, ça achèverait les clients. Et puis Aelys aime sa paix et sa tranquillité. Quoi de mieux pour ça qu’une tanière inconnue de tous pour profiter du calme en solitaire ?  

Bien sûr, c’est à cinq minutes de l’arrivée que les nuages se crèvent et que des trombes d’eau se mettent à tomber. La blonde peste et se met à trottiner, inutilement puisqu’elle est de toute manière déjà trempée. Enfin la grotte se dessine devant elle et c’est avec un sourire qu’elle entre. Elle fait comme chez elle, retirant son sac pour le larguer dans l’entrée en saluant son vieil ami.


“- Salut Roger ! Regarde ce que je te ramène !”

En disant ça, elle dépose sur le crâne sans vie une couronne de fleurs ramassées un peu plus tôt. Ainsi coiffé, Roger semble un peu moins glauque, il rappelle un peu les fêtes des morts de certains pays avant l’apocalypse.

C’est seulement là que la médecin se rend compte que quelque chose est différent. Peut-être ce crépitement typique d’un feu de camp ? Elle lève les yeux pour constater que le feu est bel et bien allumé et qu’un petit bout de femme se réchauffe devant. Aussitôt la blonde recule et porte sa main au couteau de chasse passé à sa ceinture.

“- Qui es-tu et qu’est-ce que tu fais ici ?”

Le visage d’Aelys est froid et méfiant. Clairement, cette femme est une intruse dans sa tanière et si la raison de sa présence n’est pas valable ou si elle se montre hostile, la blonde n’hésitera pas à se défendre.

L’idée d’être enfin rentrée « chez toi » te mettait vraiment en joie. Evidemment que tu aimais explorer et tout ce qui pouvait en découler, mais cela faisait plusieurs semaines maintenant que tu étais partie et tu te faisais une idée un peu plus précise des environs. Rentrer dans un endroit connu faisait du bien au cerveau également même si clairement, personne ne t’y attendait.

Personne ne t’y attendait, c’était une évidence. Pas même cette jeune femme blonde arrivée peu de temps après toi et qui agit sur la défensive en te voyant dans son antre.

Si tu la regardes longuement, tu lèves doucement les mains en signe d’innocence pour éviter de la remonter plus qu’elle ne l’est déjà. Et tu affiches un sourire qui se veut réconfortant même si ce n’est peut-être pas ce qu’il créera en premier chez la jeune femme.

« Salut... »

Toi qui te demandais où pouvait être passée la personne qui s’était réveillée après toi, tu avais visiblement la réponse devant les yeux. Au moins elle n’était pas en mauvais état comme le premier d’entre vous. C’était agréable à savoir.

« Je m’appelle Hope et... C’est aussi un peu chez moi ici. Désolée, j’aurai aimé être là quand tu t’es réveillée mais j’étais partie explorer un peu... »

Un nouveau sourire qui se veut bienveillant bien qu’un peu crispé, tu gardes tes mains en évidence.

« Et toi, comment tu t’appelles ? On peut discuter ou bien ?... Je suis vraiment désolée si je t’ai fait peur, ce n’était pas mon intention, vraiment. »

Tu la regardes longuement, curieuse tout de même de découvrir celle qui pourrait devenir ta colocataire si seulement vous arriviez à vous entendre. Ou peut-être vas-tu devoir trouver un autre endroit où rester ? Tu n’espères pas, tu n’as pas spécialement envie de retourner dehors sous cette pluie battante et avec cet orage qui ne se calme pas.

« Est ce qu’on peut discuter calmement ? Je ne te ferais rien, j’ai posé toutes mes affaires et la seule arme que j’ai c’est un malheureux couteau suisse. »

L’intruse a l’air calme, jeune, elle a un air un peu candide et inoffensif, mais les apparences peuvent être trompeuses. Aelys reste tendue, prête à se défendre au besoin mais elle écoute avant toute chose. A ses mots elle fronce les sourcils et regarde vers le fond de la grotte, là dans un recoin qu’elle a toujours ignoré, elle distingue un caisson. Il y avait donc bien une autre personne dans cette ruche en dehors d'elle-même et de la personne qui n’avait pas survécu… Elle se passe la main sur le visage et soupire.

“- Aelys… Salut.”


Elle passe ses doigts dans ses cheveux en regardant le petit bout de femme assise devant le feu. Elle doit lui apparaître comme une sauvageonne. Ce n’est pas totalement faux au fond et elle s’en cogne de l’image qu’elle renvoie. Cependant elle n’a pas songé à cohabiter avec qui que ce soit dans ce nouveau monde. Pour elle, cette grotte est sa tanière et personne ne viendra jamais la trouver ici. Faut croire que si, qu’elle ne va pas passer son temps seule quand elle n’est pas en vadrouille et devras s'accommoder d’une colocataire. Peut-elle seulement faire confiance à cette… Hope ? Pour l’instant non.

Aelys prend son sac et va le poser au pied de son caisson, déballant quelques bocaux avant de revenir près du feu. Elle attrape un long bâton qu’elle dispose en travers de la grotte. Sans plus de cérémonie, elle retire ses vêtements pour les mettre à sécher sur la branche, ne gardant que sa culotte. Après avoir attrapé une chemise sèche, elle s’assoit à côté des braises et entreprend d’étaler un baume sur ses plaies, notamment celle à l’arrière de son bras. Elle cicatrise bien mais ce n’est pas une raison…

“- Je pensais pas trouver quelqu’un de vivant ici, j’avais pas vu ton caisson, désolée.”

Elle défait le bandage qui couvre son avant bras gauche, trempé lui aussi, et le met à sécher. Sur cette zone, elle porte diverses cicatrices ou brûlures. Certaines ont l’air récentes, d’autres plus anciennes. Là aussi elle applique le baume avec soin avant d' enfiler enfin la chemise sèche et de relever ses yeux verts sur l’inconnue.

“- Tu voulais discuter, je t'écoute...”


Aelys est fatiguée par la route, si elle n’est pas un modèle de bonne humeur et d’amabilité, elle a au moins le mérite d’être calmée. Avec nonchalance, elle s’adosse au mur sans quitter Hope des yeux, sait-on jamais.
La blonde a une expression lasse et fatiguée. De la surprise et de l’agressivité au moment de la rencontre il ne reste qu’une méfiance de rigueur.

Aelys… C’était la première fois que tu entendais ce prénom. Ou bien était-ce un surnom ? Après tout, vos identités n’ont plus vraiment grand-chose à voir dans ce nouveau monde. C’est pour ça que tu te présente autrement que par ton prénom de naissance. Aussi parce que ça te rappelle des souvenirs que tu préfères mettre de côté pour pouvoir avancer. Tu esquisses alors un léger sourire à sa présentation et reposes ton attention sur le feu qui crépite devant toi, la laissant vaquer à ses occupations. Si, comme toi, elle revient d’un petit temps d’exploration, la fatigue doit être au rendez vous. En tout cas, elle semble s’être légèrement calmée et ça te rassure un peu. La cohabitation ne sera peut-être pas aussi difficile que ce que tu commençais à croire.

« Oh t’en fais pas, je vais pas me vexer. »

Riant légèrement, tu reposes ton regard sur elle quand elle revient vers toi.

« J’avais vu ton caisson mais comme les réveils semblent être aléatoires je ne savais pas quand tu allais sortir exactement. Alors je suis sortie mais je t’avais laissé des choses à manger dans un coin au cas où… A moins que des bestioles soient venues se nourrir avant ton réveil. »

Tu n’avais pas pensé à ça et tu te sens un peu idiote sur le coup. Mais bon, au moins, vous étiez vivantes toutes les deux. Pas comme un certain squelette.

Elle est ouverte à la discussion et ça te permet de garder ton sourire et de te sentir un peu plus à l’aise. Tu l’observes un temps silencieusement avant de ramener tes genoux contre ta poitrine.

« Je voulais surtout discuter pour ne pas passer pour une squatteuse. Est ce que tu es réveillée depuis longtemps ? Je suis partie il y a facilement cinq semaines et ton caisson était encore en fonctionnement... »

Difficile de ne pas remarquer qu’elle ne te lâche pas des yeux. Tu as fais quelques rencontres ces dernières semaines et si tu t’étais mise plusieurs fois à la place de la blonde, ça faisait bizarre de te retrouver de l’autre côté.

« T’étais partie depuis longtemps avant de te prendre la pluie ? J’ai ramené des trucs à manger. Bon y a pas de viande mais si ça peut caler un peu l’estomac... »

Avec des gestes mesurés tu attrapes ton sac dans lequel tu avais fourré toutes tes trouvailles, pour en ressortir les quelques baies et autres fruits que tu avais pu cueillir sur les dernières heures de chemin pour rentrer ici.
Coupant ce qui s’apparente à une grosse prune en deux, tu en tends la moitié à ta désormais colocataire.

« T’en veux ? Promis je t’empoisonne pas, je mange la même chose que toi. Je me demande si on peut planter ce noyau... »

La jeune femme n’a pas l’air rancunière, ni du genre à se vexer facilement. C’est une bonne chose, Aelys n’a pas la patience en ce moment de composer avec une drama queen, si tant est qu’elle ait cette patience à un autre moment, rien n’est moins sûr. Cependant, bien qu’elle semble sympathique, la blonde reste sur ses gardes, elle a connu bon nombre de roses qui cachaient très bien leurs épines pour tromper le monde.

“- J’avoue que quand je me suis réveillée je n’ai pas trop regardé autour de moi… Je ne savais pas ce que je faisais là ni où j’étais et je suis littéralement tombée sur Roger. J’espère simplement que tes provisions ont disparues à cause de bêtes et non d’humains, je n’aimerai pas trop que n’importe qui vienne et encore moins qu’ils se servent…”

La médecin pousse une branche dans les braises et profite de la douce chaleur du feu. Elle lance un coup d'œil à Hope qui a l’air de se détendre.

“- Je suis réveillée depuis un mois environ… Ce n’est pas plus mal que tu n’aies pas été là quand je suis sortie de mon caisson. Je pense que j’avais besoin d’être seule quelques jours le temps de réaliser… Et d’accepter l’idée.”

Quand sa nouvelle colocataire lui propose des baies, elle en prend quelques-unes avant de la remercier avec un sourire en coin.

“- Merci. Pour ce qui est de m’empoisonner, bon courage, en général c’est plutôt l’inverse.”

Menace, avertissement ou humour morbide ? Dur à dire et Aelys se moque bien de l’interprétation qu’en fera Hope. Dans un cas elle sera crainte, ce qui a de nombreux avantages, dont celui d’avoir la paix, dans l’autre elle aura l’air plus sympathique.

A son tour, elle fouille dans son sac et en sort quelques tubercules. Après avoir arrangé les braises, elle glisse sous les cendres deux machins ressemblant de loin à des patates.

“- C’est pas mauvais et ça nous tiendra l'estomac… J’ai trouvé ça pendant mes quelques jours d’exploration là. J’en pouvais plus des fruits…”

A nouveau en train de fouiller dans son sac, elle en tire ce qui ressemble à des herbes sèches roulées dans une feuille, elle glisse sa trouvaille entre les dents de Roger et lui arrange sa couronne de fleurs.

“- Maintenant il est parfait.”