Cette jungle aux couleurs bleutées avait toujours des allures féériques, quelque soit l’heure de la journée où elle la parcourait. Avec ses diverses nuances et ses végétaux excessivement grands, il y avait largement de quoi oublier que ce monde irréel faisait maintenant partie de son présent et non plus de l’imagination de divers auteurs de fantaisie. Elle en serait à peine surprise si les lucioles devenaient des créatures mythiques. Mais bon, elle doutait que les mutations et changements de la planète soient allés jusque là, et c’était sans doute tant mieux pour les survivants qui la peuplaient encore, qu’importe leurs nombres.

Pour le moment, elle n’avait guère de temps à consacrer à ses paysages enchanteurs. Elle s’était éloignée de sa Ruche depuis assez longtemps maintenant, plus qu’elle n’avait osé le faire jusqu’à présent, tout ça à cause de sa rencontre fortuite avec un autre rescapé du Projet Perséphone. Et même si elle n’avait rien contre Denzel - malgré tous les aprioris qu’elle avait pu avoir sur lui lorsqu’ils s’étaient croisés - et qu’elle avait été positivement ravie, dans l’ensemble, des moments passés à ses côtés, elle était néanmoins ravie de… rentrer ? Hum, revenir plutôt. Elle ne pouvait pas décemment considérer la Ruche comme sa “maison” - elle ne rentrait même pas à l’intérieur, de peur que le tunnel qui y menait ne s’effondre tellement il était en mauvais état -, et ce n’était même pas un abri décent, vu qu’elle se contentait de faire un feu non loin quand elle y était, mais… Elle ne pouvait s’empêcher d’y retourner à chaque fois malgré tout. Parce que ses compagnons allaient bien se réveiller à un moment, et qu’elle les attendait. Être seule et devoir prendre toutes les décisions comme elle le faisait… Cela avait un côté assez effrayant. Avoir quelqu’un à ses côtés, quelqu’un qui saurait se débrouiller comme elle dans leur nouvelle réalité, lui donnerait très certainement la force de continuer d’avancer. Qu’importe ce que pouvaient dire les petites voix dans sa tête qui lui disaient qu’elle n’arriverait à rien…

En attendant, il fallait déjà la rejoindre, la Ruche. La jungle était un bon terrain de chasse, mais elle ne voulait pas trop s’attarder, alors elle avait sciemment dévié du chemin qu’elle aurait dû emprunter pour tenter de prendre un raccourci. Elle ne s’inquiétait pas vraiment de se perdre, elle pourrait toujours s’orienter avec les étoiles au besoin, et elle avait un très bon sens de l’orientation. Si ses calculs étaient justes, et qu’elle ne tombait pas sur un obstacle quelconque sur son trajet, elle pourrait être de retour d’ici quelques jours. En cela lui permettrait de voir une partie de la jungle qu’elle n’avait pas encore explorée. Actuellement, la jungle et les plages des côtes faisaient bien partie des seuls horizons qu’elle avait pu découvrir depuis son éveil.

Malheureusement, cela faisait une bonne demi-journée qu’elle marchait, et sa gourde était désormais à sec. Elle abandonna donc sa marche rapide vers l’avant pour regarder un peu plus son environnement immédiat. Il lui fallait trouver une source d’eau. Le meilleur moyen lui semblait encore de suivre les traces animales. Les bêtes se dirigeaient toujours instinctivement vers ce précieux liquide, elle pourrait certainement même en tuer un pour son repas du soir, si elle avait un peu de temps devant elle.

Elle était toute à ses recherches quand elle tomba sur une souche. En soit, rien d’inhabituel si elle n’en croisa pas une autre quelques mètres après. Et une troisième encore un peu plus loin. Elle ralentit petit à petit. Il n’y avait pas de troncs sur le sol, ses arbres n’étaient donc pas tombés seuls ou sous les coups de la nature, mais à cause de la main de l’homme. Depuis longtemps ? Elle ne saurait le dire, la mousse avait depuis longtemps recouvert les souches et les environs. Qu’importe, on ne coupait pas du bois comme ça si on était loin de la chose qu’on voulait construire, il lui suffisait donc de suivre la piste, tel le petit Poucet suivant ses cailloux pour rentrer chez lui.

Une décharge d’adrénaline la parcourue. Construction voulait dire être humain ! Elle était donc tombée par hasard sur un autre survivant, peut-être plusieurs, et ils avaient manifestement construit un abri. Elle accéléra à nouveau le pas, ravie.

Elle ne tarda d’ailleurs pas à trouver ce qu’elle cherchait. Et quelle construction ! Depuis combien de temps les personnes du coin étaient-elles réveillées pour avoir réussi ce tour de force ? Cette cabane suspendue qu’elle découvrait était idéalement placée en hauteur, loin de la plupart des créatures et prédateurs du sol, tout en permettant une certaine vision des alentours. Par contre…

Elle décrocha lentement son arbalète et l’arma. Il n’y avait aucun feu au sol, même pas la trace d’un foyer récemment éteint. Et elle n’apercevait pas de fumée en haut. Il n’y aurait donc personne ?...

- Hey oh ! Il y a quelqu’un ?

Elle se tenait sur ses gardes, au cas où. Elle doutait que ce soit un piège - qui construirait une cabane pour piéger des gens ? - mais si les occupants des lieux étaient partis malgré leur abri, c’était sans doute que quelque chose les avait poussé à le faire et dans ce cas-là… Autant être prête à tout.

Cela faisait quatre jours que j’avais quitté la ruche. Les vêtements et le sac de couchage que j’avais trouvé dans mon sac m'avaient procuré un peu de chaleur. Heureusement, parce que les nuits dans la jungle étaient fraîches. Malgré mes nombreuses tentatives, je n’avais pas encore réussi à faire du feu. Il y avait bien un silex et une amorce dans le sac, certes, mais même en suivant les instructions dans le guide de survie, je n’avais pas eu de résultat concluant. Pour ce qui est de l’alimentation, les pilules repas et les quelques fruits présents autour de l’abri m'avaient permis de ne pas mourir de faim. C’était déjà ça, mais avec seulement dix jours de repas, je n’irais pas bien loin. Il y avait un ruisseau proche d’ici, de quoi faire un brin de toilette et remplir ma gourde.

J’avais passé le plus clair de mon temps à essayer de faire du feu, à chercher de la nourriture comestible et à lire les différents guides qui étaient à ma disposition. J’avais aussi exploré un peu les environs en cherchant des signes de vie, mais rien d’autre que cet abri. Je n’avais aucune idée du temps qui s’était écoulé depuis le départ de son constructeur.

Alors que je revenais du point d’eau en traînant, j’aperçus une silhouette proche des abris. Est-ce que je rêvais ? Il s’agissait bien d’un autre être humain ? Quelqu’un de vivant ? La première pensée qui me vint à l’esprit était que Callem était revenu. Mais en m’approchant, je me figeai net. Il s’agissait d’une femme, et elle était armée.

- Hey oh ! Il y a quelqu’un ?

Je savais que je devais répondre, mais la vue de l’arbalète armée me fit quelque peu paniquer. Je ne savais pas si cette femme était bienveillante, mais il fallait que je fasse preuve d’un peu de courage, ne sachant pas quand sera ma prochaine occasion de rencontrer quelqu’un. Et il fallait bien avouer que je ne pourrais pas rester seule beaucoup plus longtemps. J’avais besoin d’aide si je voulais avoir une chance de survivre.

- Euh… Bonjour. Lui dis-je timidement, ne tire pas s’il te plaît !

Je m’étais cachée derrière un arbre. Suffisamment près pour qu’elle m’entende, mais hors de portée de son projectile.

Derrière elle, légèrement sur sa gauche, un couple d’oiseaux se tue soudainement. Elle ne bougea absolument pas, se concentrant sur les bruits qui l’entouraient. Un prédateur ? Non. Le craquement léger d’une branche, suivi du bruissement des feuilles piétinées. Pas un animal donc, mais un humain, et pas des plus discrets. Elle resta silencieuse, alerte, et toute son attention faussement tournée vers cette construction dans les arbres. Une seconde, deux secondes… Pensait-on vraiment la piéger ? Elle allait se retourner quand une petite voix, timide, s’éleva dans son dos:

- Euh… Bonjour. Ne tire pas s’il te plaît !

Elle jeta un coup d'œil à son arbalète. Hum, elle ne devait effectivement pas inspirer la confiance de visu. Une voix féminine, et qui semblait assez jeune. Elle baissa son arme et se tourna lentement, en direction du son, son habituel sourire factice pour la caméra aux lèvres, et sans doute plus avenante que ce qu’elle avait montré en premier abord.

- Bonjour. Désolée, mauvais réflexe.

Elle apercevait la silhouette de la jeune femme, cachée derrière un tronc, comme si elle craignait qu’elle ne lui tire dessus. Oui, bon, elle savait déjà que ses compétences sociales méritaient une révision, cela ne lui faisait qu’un rappel de plus… Brune, et devant à peine dépasser la vingtaine, pas étonnant qu’elle lui ai fait peur. Elle remit la sécurité de son arme et enleva le carreau de son emplacement, histoire de lui montrer qu’elle n’allait rien lui faire, vraiment.

- Je m’appelle Junko, et toi ?

Sa vis-à-vis lui semblait trop fluette pour avoir pu réaliser cette bâtisse, en tout cas seule. Mais les oiseaux avaient repris leurs chants non loin, lui assurant une certaine et relative sécurité. Si quelqu’un d’autre traînait dans les parages, ils auraient gardé le silence après tout. Selon toute vraisemblance, il n’y avait qu’elles dans le coin. Mais rien ne l’empêchait de s’en assurer bien sûr.

- Tu n’as pas de compagnons à tes côtés ?

Il devait vraiment y avoir un souci avec l’ouverture des différentes capsules qui composaient les Ruches…

Alors qu’elle me répondait, je n’osais pas sortir de ma cachette. Du moins pas tant qu’elle ne rangeait pas son arme. La jeune femme en face de moi avait l’air mieux préparée que moi à ce qui se passait ici. A défaut d’avoir des informations de la part de Callem, peut-être qu’elle pourrait m’informer sur l’endroit où on se trouvait et me donner quelques tuyaux pour m’en sortir.

Rassurée de la voir ranger son arbalète, je m’aventurais enfin vers elle. Pas du genre méfiante, il fallait bien avouer que se faire menacer par une arme remettait ce trait de personnalité en perspective.

- Euh, je m’appelle Alba.

J’osais m’avancer vers elle pour lui tendre la main. Malgré ma méfiance, la politesse me semblait un bon moyen d’entamer une relation.

- Il n’y a personne ici. Un membre de ma ruche a construit ces cabanes, mais il a dû partir explorer.

J’observais mon interlocutrice quelques instants, de long cheveux tressés, plusieurs tatouages sur le corps, un sourire sur les lèvres, plutôt avenante après coup, même si j’avais eu une belle frayeur en la voyant. Finalement, ça me rassurait de croiser enfin un autre être humain.

- En fait, je n’ai rencontré personne depuis mon réveil. Et je ne sais pas où je me trouve! Je devais me réveiller avec une nouvelle vie, où j'aurais pu recommencer à zéro. Tout ça pour débarquer dans une jungle, avec rien autour, personne pour m’accueillir. Tu sais ce qui se passe ici ?

J’avais toujours eu un tempérament plutôt honnête, un peu trop même, mon impulsivité se traduisant surtout dans un flot continu de paroles. Mais il fallait que j’en sache plus sur ce qui se passait. Je me dirigeais vers les cabanes afin d’y déposer mon butin du jour, bien maigre certes. L’anxiété m’avait toujours donné soif, alors j’avalais le contenu de ma gourde.

Sa comparse, Alba, était trop propre sur elle pour être réveillée depuis longtemps, et par déduction, il lui paraissait de moins en moins possible qu’elle soit l’auteur de ses abris suspendus. Elle le lui confirma d’ailleurs quelques instants plus tard. Et l’emploi du passé laissait supposer qu’il, qui qu’il soit, était partit avant son réveil et qu’elle ne l’avait jamais rencontré. Voilà qui avait de quoi être intriguant. Elle jeta un nouveau coup d'œil aux cabanes dans les arbres. Combien de temps cela avait-il pris à cette personne pour tout construire malgré la hauteur ? Et par conséquent… Depuis combien de temps était-il sorti de sa cryonie ?... Les capsules avaient décidément un sérieux défaut…

Néanmoins, et par politesse, Junko lui serra la main. Cela ne faisait pas de mal d’être entre gens civilisés, même si pour sa part, elle n’avait pas du tout connu la civilisation. Et Denzel n’était pas une référence en la matière, désolée pour lui.

- - En fait, je n’ai rencontré personne depuis mon réveil. Et je ne sais pas où je me trouve! Je devais me réveiller avec une nouvelle vie, où j'aurais pu recommencer à zéro. Tout ça pour débarquer dans une jungle, avec rien autour, personne pour m’accueillir. Tu sais ce qui se passe ici ?

Son sourire se changea de suite en grimace. Sérieusement ? Deux survivants, deux paumés, c’était tout ce qu’elle récoltait ? Bon, elle était certainement mauvaise langue, et ce n’était pas de la faute de la jeune fille, elle ne savait juste pas ce qu’on lui avait fait, mais quand même… Au moins, le polonais avait au moins de la ressource et s’était clairement bien démerdé seul avant qu’elle ne tombe sur lui. Elle doutait sincèrement qu’Alba ait de grandes capacités pour survivre seule très longtemps…

- T’as pas de tatouage je suppose ? J’te jure, ils vous ont intégrés à ce merdier sans que vous soyez au courant, qu’espéraient-ils donc ?

Sans doute que ses membres “zéro” avaient été dispersés dans les différentes Ruches justement pour leur octroyer plus de chances de survies… Si toutes les capsules s’étaient bien ouvertes en même temps, comme c’était prévu. Entourée d’autres survivants, des personnes comme elle aurait facilement pu apprendre et compter sur leurs aides pour s’en sortir, mais dans ses conditions…

- Désolée, je n’ai pas de bonnes nouvelles à t’annoncer… Elle lui adressa un sourire teinté de tristesse alors qu’elle l’a suivait jusqu’aux abris. Le monde s’est écroulé. La civilisation humaine tuait la planète à petits feux, et ça allait de mal en pire. Moins de 10 ans après la cryonie “test” à laquelle tu as fait partie, ils ont sélectionné des personnes aptes à se démerder dans la nature et on a été cryonisés pour assurer la survie de l’humanité dans le futur.

C’était un peu brute de décoffrage comme réponse, mais il fallait bien qu’elle se fasse de suite à cette idée: le monde qu’elles avaient connu n’existait plus depuis longtemps.

La grimace de Junko ne semblait pas être de bonne augure. Miarda ¿qué ha pasado?  

- T’as pas de tatouage je suppose ? J’te jure, ils vous ont intégrés à ce merdier sans que vous soyez au courant, qu’espéraient-ils donc ?

De quoi parlait-elle? J’avais bien un tatouage sur le poignet, un code barre… Et puis, Ils , à qui cela faisait-il référence? Sa réponse me laissait encore plus dans le flou.

« J’ai juste ceci» Lui répondis-je en lui montrant le code-barre tracé sur mon bras.

Et c’est là que la nouvelle tomba, la fin du monde, la fin de la civilisation. Je m’en doutais un peu il faut bien le dire, du moins, c’était ce qui semblait le plus crédible.

« Ouai, c’est pas vraiment étonnant, le réchauffement climatique tout ça… Forcément que c’est parti en vrille. La seule chose… Je suis une citadine, j’ai aucune notion de survivalisme. Je ne sais même pas comment j’ai tenu les quatre jours depuis lesquels je suis réveillée. Mais en tout cas, c’est plaisant de rencontrer un autre être humain. Merci d’être si franche avec moi. »

La vérité était dure à entendre et mon interlocutrice avait fait preuve d’une honnêteté peut-être un peu trop directe, mais dans le monde actuel, je pense que c’est ce dont j’avais besoin. Alors qu’on se dirigeait vers les abris, je m'arrêtais proche de mon feu, du moins, de ma tentative de feu. J’avais installé plusieurs bûches, que j’avais trouvé non loin d’ici, dans ce qui semblait être le foyer que Callem semblait avoir préparé.

« Tu peux m’expliquer comment fonctionne cette merde?» Je sortais alors mon silex et l’amorce et lui tendis « J’essaie depuis que je suis sortie de faire un feu, mais je n’arrive même pas à faire une étincelle. Ils auraient pas pu nous mettre des allumettes dans nos sacs?»

Cette fille, c’était ma chance d’apprendre à vivre dans ce nouveau monde. Son aide serait précieuse pour moi. Quelle était son histoire? De quoi était-elle capable? Elle avait l’air tellement plus forte et résistante que moi…

« Comment tu t’es retrouvée ici toi? Tu devais être capable de survivre dans la nature pour intégrer ce projet non? Et ton arbalète, elle vient d’où? »

Malgré le choc de la nouvelle, Alba ne plancha pas. Elle aurait aimé lui laisser plus de temps pour se faire à cette réalité, malheureusement, dans le monde qui était désormais le leur, c’était un luxe qu’elle ne pouvait guère lui offrir. Il lui fallait apprendre à survivre, coûte que coûte. Et en effet, son côté citadine n’allait pas l’aider, mais elle avait au moins la chance d’avoir un bon abri pour commencer, ce qui n’était pas donné à tout le monde. L’important, maintenant, c’était d’avancer, même si c’était dur à entendre.

Avec l’ouverture désynchronisée des capsules, si un citadin se retrouvait lâché dans la nature sans aide… Elle préférait ne pas y penser. Autant ne pas plomber l’ambiance dès le début, non ? Enfin, pas plus que son manque de tact vis-à-vis de la fin du monde, mais bon… Elle suivit Alba jusqu’à ce qui semblait être un foyer, le regard plus porté vers les cabanes suspendues.

- Je sais pas qui a construit ça, mais il est doué. T’es à l’abri de tous les dangers comme ça.

Enfin, tous les dangers au sol, mais c’était déjà bien, non ?

-J’essaie depuis que je suis sortie de faire un feu, mais je n’arrive même pas à faire une étincelle. Ils auraient pas pu nous mettre des allumettes dans nos sacs?

Elle sourit et posa son sac avant de s’asseoir devant les bûches et de récupérer le matos de son comparse. Elle avait allumé son premier feu quand elle avait 6 ans à peine, et avait appris différentes façons d’en faire un. Mais son éducation avait été pensée pour ça après tout. Elle se demandait quelles grandes villes Alba avait pu admirer à son époque, avant que tout se casse la gueule…

- Tu vas vite prendre le coup de main, tu vas voir.

Malgré son manque de sociabilité, elle savait bien transmettre son savoir. Elle l’avait fait à travers ses vidéos, pendant des années. Ce n’était guère différent d’être en face d’une personne après tout. Alors elle lui montra le geste le plus simple pour obtenir une étincelle et l’a laissa faire, tout en la conseillant, comme comment souffler, tout doucement, pour faire prendre la braise, avant de petit à petit augmenter le combustible. Un quart d’heure après, le feu avait assez pris pour qu’elles n’aient plus besoin de le surveiller précautionneusement.

- Le mieux, c’est d’essayer de ne pas le laisser s’éteindre, mais tu as la technique maintenant, même si ça arrive, tu seras capable de le rallumer.

L’important, ce n’était pas de mettre du temps à le faire, c’était d’y arriver au final. Mais un silex et de l’amorce, c’était un vrai luxe à ses yeux, elle ne doutait pas qu’elle s’y ferait vite maintenant qu’elle avait vu comment s’y prendre. Elle s’installa plus confortablement sur le sol, et sortit de son sac le petit sachet de baies acides qu’elle récoltait souvent et lui tendit pour qu’elle se serve. Elle en trouverait facilement d’autres, et elle devrait d’ailleurs lui montrer comment les trouver. Hum, peut-être comment poser un piège aussi ? Enfin, le minimum pour survivre quoi… Elle jeta un coup d’oeil aux cabanes. Elle pouvait peut-être rester quelques jours ici pour l’aider… Elle reporta son attention sur la brune quand cette dernière commença à la questionner:

- Moi, j’ai été élevée pour ça. Mes parents croient… croyaient en la fin du monde. On tenait une chaîne de vidéos pour montrer aux gens qu’on pouvait vivre en autarcie et en auto-production. J’ai connu que ça, alors ce projet, c’était l’occasion de montrer que toutes ses années d’entraînement n’avaient pas servi à rien. Et c’est mon père qui m’a offert mon arbalète.

Son dernier cadeau… Que s’était-il passé pour ses parents, après son départ ? Combien de temps avaient-ils vécus, seuls et sans leurs enfants ? Elle avait accueilli cette nouvelle vie comme une manière d’être libre. C’était aussi un abandon. Elle les avait laissé derrière, et jamais plus son père ne l'appellerait “sa jolie guerrière”, pas plus que sa mère ne lui coudrait des nouveaux motifs sur ses vêtements, “pour lui apporter protection”, comme elle disait. Si elle tombait, ses parents ne seraient plus là pour la remettre sur pied. Elle prit une profonde inspiration pour refouler cet afflux de pensées négatives, et lui adressa un sourire, encore un.

- Et toi alors, comment as-tu finis dans ce projet de “test” ? Tu me sembles plus jeune que le mec comme toi que j’ai croisé il y a quelque temps…