C’est con, autant que c’est vital, mais depuis que je suis dans la « plaine », c’est devenu une galère de manger de la viande. Pourtant ça grouille de vie de partout, bien plus que dans la montagne où j’ai passé au final presque un mois d’exploration et de repérage. Pour ça, le carnet m’a été bien utile, histoire de noter la description de certains lieux, et de faire le décompte des jours, semaines qui se sont écoulés depuis que je suis sorti de cette espèce de sarcophage.
A croire que les animaux qui vivent ici sont plus méfiants et fuient la moindre présence extérieure, contrairement au monde ralenti de la Cordillère.
Pour le moment j’ai tiré un trait sur les mammifères, quelle que soit leur taille. Les poissons et les oiseaux terrestres restent ce qu’il y a de moins compliqué à capturer, alors j’en fais mon affaire et je multiplie les pièges et la surveillance pour essayer d’avoir à manger régulièrement. Tomber sur une bête malade, ça arrive, il faut redoubler d’efforts et ne pas se décourager, et comme j’y connais rien en plantes… C’est vrai quoi, c’est un coup à crever d’une intoxication à cause d’une baie un peu trop susceptible. Pour les carences, on verra plus tard. Peut-être que j’aurai la chance de tomber sur quelqu’un qui en cultive ou en a fait sa passion. J’ai jamais rien eu contre les légumes et les fruits, ils sont juste très imprévisibles parfois.
Seulement rien n'est jamais aussi simple et tout tracé et les plans de traque sont faits pour être contrariés. Ça fait une semaine que je n’ai rien attrapé et que je parcours près de trente kilomètres quotidiennement. La fatigue se fait sentir et avec elle un véritable manque de jugeote et de raison. J’ai déjà connu ça, il y a longtemps, dans mon « autre vie » ; ce sont des sensations expérimentées dans des circonstances extrêmes et dont on se croit le maître parce qu’on a été entraîné pour ça. Or le contexte est radicalement différent ici. Il n’y aura personne pour me géolocaliser si je ne reviens pas à la base dans le temps imparti, pas de talkie-walkie, pas de seconde chance si je n’arrive pas au check-point, pas de ravitaillement par drone ou hélico.
Je vais juste crever la gueule ouverte après avoir épuisé mon stock de pilules-repas de merde.
Alors quand ce croisement bizarre de perroquet-poulet-autruche géant cesse d’être une succession de traces énormes dans la terre humide, et pousse un cri digne d’un dinosaure…je devrais juste me planquer et faire taire mon estomac qui crie famine à base de gargouillements inhumains.
Une seule pensée me vient : avec une sauce
czosnkowy pleine d’ail, cette bestiole doit être délicieuse…
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L'amour est comme le blé, le germe de notre force._______