CLICK CLICK CLICK

Doc serre les dents, ce n’est pas très douloureux mais la sensation est de moins en moins agréable. Il sent un liquide pénétrer son corps pour le réveiller et à peine le fluide parcourt ses veines que ce dernier laisse place à une montée d’adrénaline provoquée par l’angoisse. Il a toujours détester les aiguilles, une tare qu’il s’est coltiné un long moment à l’armée. Pouvait-il y avoir pire comble pour un médecin ?
Il sent les aiguilles parcourir tout son corps et bientôt il retrouve la sensation de ses muscles. Il ouvre d’abord les paupières mais les referme aussitôt;  éblouit par une forte lumière. *Le Soleil ?*. Il les rouvre doucement, le temps de laisser ses iris s’adapter à la luminosité après toutes ces années de sommeil. *Mais d’ailleurs, combien de temps a duré la cryonie ?*


PCCCCCCCCCHIITTT

Il laisse vite ses questions de côté quand il entend le bruit de décompression de sa capsule. Ça y est c’est le début de sa nouvelle vie.
Alors que la porte de sa capsule s’ouvre, un air chaud et putride envahit les poumons et les narines de David, lui provoquant un haut le cœur.  
Il sort précipitamment de sa capsule, s’appuyant sur la tranche de celle-ci pour vomir.

Bleeeeurrrrp

*Effet secondaire de la cryonie, mais d’où vient cette odeur ?* Une main devant son nez et sa bouche, pour se protéger de l’odeur et de la poussière ambiante, il se redresse et perd aussitôt l’équilibre quand il découvre l’état de sa ruche.
La lumière éblouissante provenait d’un énorme trou dans le plafond qui donne sur un escalier en colimaçon ou plutôt ce qu’il en reste. Il semble qu’une capsule se soit effondrée en écrasant une autre dans sa chute. Son occupante, une femme, à en juger les os de son bassin defoncé dans le crash, n’y a pas survécue. La capsule responsable est vide.  Au milieu de la pièce gît un autre squelette, dont le crâne a été fracassé *suite à l’éboulement du plafond ?*. Au fond à gauche, deux autres capsules, intactes mais vides.  

*Mais qu’est-ce qui a bien pu se passer ?!* Doc tousse, l’air chaud emplit de poussière lui donne des difficultés à respirer. Il parcourt toute la pièce à la recherche d’indices, et découvre vite de longues traînées de sang séché au sol qui mènent jusqu’au squelette au milieu de la pièce pour finir en ce qui a dû être une mare de sang. A côté, il trouve un gros bloc de béton plein de sang également. Vu l’état du crâne, ce n’est pas un éboulement qui a tué cette personne, *c’est un meurtre*.*
Cette idée fait perdre à Doc son sang-froid. Il a rejoint le projet Perséphone pour construire un monde meilleur, à peine réveillé il découvre que les membres de sa ruche ont tenté de s’entretuer. Deux morts parmi cinq capsules… *tu parles d’un repeuplement.*

Bip boop bip

David tourne la tête et aperçoit un … *robot ?*  Il a l’air d’avoir connu de nombreuses réparations *comment diable a-t-il atterrit ici ?* Il n’y a que des murs en béton à moitié effondré et des tonnes de gravas autour de lui.

- “Protocole de réveil activé”  

Après tout, il fallait bien un peu d’ordre dans ce chaos. Le robot se dirige vers des casiers en métal.  

- “échec du  prélèvement du sac de survie”  

En effet, plusieurs gravats bloquent l’accès. David réunit les quelques forces acquises depuis son réveil pour dégager un passage. Une chance, les morceaux de gravats ne sont pas trop gros, il peut donc les déplacer sans trop de difficulté.  Quand l’accès est rétabli, le Robot se dirige vers les casiers dépourvus de poignées.

Bip boop bip - CLICK

Le casier s’ouvre et le robot sort deux pinces de son abdomen pour attraper un énorme sac qu’il tend ensuite à David.

- “Sac de survie distribué, mission terminée”.

David récupère son sac et en fait l’inventaire, peu à peu des souvenirs d’avant la cryonie surgissent, notamment le moment où il avait dû choisir quelques effets à emporter. *Mon arc !?* il lève les yeux en direction du casier resté ouvert, dans le fond se trouvait un arc et son carquois, ainsi qu’une petite boîte de métal. Il l’ouvrit, en sort du matériel médical * trop tard pour ces deux là*  et une montre à gousset. Il l’ouvre pour contempler une photo de sa femme et sa fille. Les yeux larmoyant, il sent une boule se former dans son ventre et remonter dans sa gorge.

Bleeeeurrrrp

Il vomit à nouveau. Il crache le restant de bile dans sa bouche, essuie les quelques larmes qui s’étaient échappées.
*Wheeler on se reprend*  

Gaaaarrrgblrgblbl

Cette sensation si familière finit de lui remettre les idées en place. Ce n’est pas le moment pour jouer les enquêteurs de police, il a faim, il a chaud, l’endroit est dévasté et à première vue peu propice à la survie pour ne pas dire carrément mortelle.

Il sort de son sac un t-shirt qu’il enroule autour de sa tête pour se protéger du soleil,  glisse le morceau de charbon actif fourni dans sa gourde désespérément vide qu’il place à portée de main.* De l’eau* , il faut absolument qu’il en trouve rapidement. Il prend la direction des escaliers. Il escalade comme il peut les gravats pour atteindre la sortie. Quand il atteint enfin l’extérieur, il est d’abord aveuglé par la puissance des rayons du soleil, puis assommé par une chaleur plus lourde encore qu’à l’intérieur du tombeau duquel il s’extirpe. Une légère brise vient lui chatouiller le visage sans pour autant le rafraîchir, le vent aussi est chaud lui aussi. Il se dresse sur ses deux jambes puissantes pour admirer le paysage, mais une nouvelle vision horreur se déploie sous ses yeux. Un immense désert de béton s’étend à perte de vue,  des vestiges du passé qui semblent flotter dans un océan de sable infini.  

*La folie de l’Homme aura donc eu raison de ce monde.* Comment est-il censé survivre dans ses conditions ? En a-t-il seulement encore envie ? Il s’est engagé dans le projet Perséphone avec l’espoir d’offrir une vie meilleure aux futures générations,  à tous ces petits enfants qu’il n’aura jamais. La tâche s’avère plus ardue qu’il n’aurait pu l’imaginer.

*Pas de panique Wheeler, tu vas trouver une solution.*  Sa boussole en main, il prend résolument la direction Nord.

SPLISCH SPLICH

Doc a de l’eau plein les bottes mais au moins la flotte de manque plus. Après plusieurs jours d’une traversée difficile de ce désert de béton, il a fini par rejoindre un paysage bien plus humide. Le contraste est impressionnant mais ça laisse l’impression de passer d’un enfer à un autre.

Une fois sorti de sa ruche de la mort, il n'a pas marché une heure avant de se réfugier dans un autre bâtiment abandonné pour s’abriter du soleil cuisant. Pour éviter l’insolation il a décidé de se déplacer durant une moitié de la nuit jusqu’à trouver un abri décent, avant de dormir il creusait le sable et y installait une petite bâche pour récupérer l’eau de la rosée du matin. Ces quelques gouttes d’eau, des figues et des nopales (feuille de cactus) qu’il prélevait sur les quelques figuiers de barbarie qu’il croisait sur la route. Voilà ce qui constituait l’ensemble de ses repas de ces derniers jours. Les nopales ont le mérite d’avoir un effet coupe faim mais un excès de fibres a des effets pervers sur la digestion et des risques de déshydrater le consommateur. Traduction à ces patients de l’armée, *N’abusez pas des nopales si vous voulez pas vous taper une chiasse*. Il n’est pas du genre vulgaire mais c’est un langage qu’il a fini par adopter pour s’intégrer dans l’armée.

Mais heureusement pour notre docteur au transit épargné, il parcourt maintenant un autre paysage et d’autres ressources devraient bientôt s’offrir à lui. En essayant de consommer le minimum d'énergie possible, il marche tête baissée, concentré à regarder où il met les pieds pour éviter une chute inutile, quand il entend une voix. Il lève la tête et aperçoit quelqu’un qui se précipite dans sa direction. Sur ces gardes, ni une ni deux, il attrape son arc, une flèche et tend la corde pour tenir son agresseur en joue. Mais ce dernier s’arrête à mi-distance et lui fait signe tout en s’adressant à lui avec accent qu’il reconnaît bien.

Un blondinet aux airs paumés, la voix fébrile le regarde sans bouger. Il attend une réponse. Doc range aussitôt son arc pour ne pas paraître inutilement hostile, trop heureux de rencontrer quelqu’un de vivant et qui n’a rien de malveillant pour rester sur ses gardes.

Il dessine un sourire timide mais sincère à son interlocuteur sur son visage et s’approche doucement pour réduire de moitié la distance qui les sépare *Je suis armé, je ne dois pas l’effrayer*. Il tente de lui répondre en espagnol pour vérifier si son intuition est bonne.

- “Te oigo perfectamente. Mais au risque de te décevoir, je n’ai aucune idée d’où nous sommes. Mon seul point de repère est la ruche d’où je viens”

Il regarde derrière lui et reprend

- “A 40 km au sud c’est le désert et toi d’où tu viens ?”